Complexifier et politiser les violences de genre, faire émerger les facteurs structurels entremêlés et s’attaquer à l’impunité sont des enjeux centraux des mobilisations à l’œuvre
Sommaire :
Aurélie Leroy : Repolitiser le genre
Afrique, Asie, Amérique latine
Verónica Schild : Amérique latine : féminisme et néolibéralisme
Maya Mikdashi : Moyen-Orient : cadrages « genrés » des soulèvements et contre-soulèvements
Flavia Agnes : Inde : instrumentalisation politique de l’interdiction du « triple talaq »
Juliet et Grégory Kamwendo : Malawi : empowerment des femmes en trompe-l’œil
Analyses transversales
Kalpana Wilson : Genre et développement : pour une réappropriation radicale
Catherine Rottenberg, Sara Farris : Droitisation du féminisme occidental ?
Anna Nikoghosyan : Cooptation du féminisme : genre, militarisme et résolution 1325
Sakina Ghani : Voies d’émancipation des femmes musulmanes européennes
Le féminisme est une pensée en mouvement et un mouvement sociopolitique riche de pensées. Il s’inscrit dans une tradition de luttes qui vise à contester des postulats sexistes et patriarcaux et, plus globalement, à renverser un ordre – produit et établi – pour une transformation durable de la société. Au-delà de ces grandes lignes de convergence, les mouvements de femmes dans le Sud, au cœur de cet État des résistances, rappellent le caractère ancré et local des luttes pour l’émancipation et l’exigence d’un agenda féministe adapté qui réponde, comme nous le rappelle avec force Jennifer Fluri, à des « réalités internes et non des attentes externes ».
Des femmes dalits et musulmanes enInde, des paysannes indigènes au Mexique, des afroféministes et musulmanes en Europe se sont peu à peu structurées dans une logique d’appartenance à un groupe discriminé, en dehors des mouvements unitaires. Refusant l’alignement, l’assimilation et le principe de solidarité non réciproque, elles se sont réappropriées des espaces dont elles avaient été dépossédées, pour s’exprimer en leurs noms propres sur un registre non pas victimaire, mais politique, contribuant de cette façon à revigorer le mouvement.
Une majorité des déplacements ont lieu en Amérique latine, en Asie, en Afrique, que ce soit entre pays voisins, au sein d’une région ou entre continents, et plus encore à l’intérieur d’un même pays
ces groupes qui partagent des préoccupations spécifiques, des expériences de vie similaires, ne constituent pas pour autant des groupes homogènes et doivent dès lors veiller à ne pas reproduire en leur sein des rapports de pouvoir et des hiérarchisations dont ils sont victimes et ont voulu s’écarter. Exigences d’inclusion, de décentrement et de reconnaissance des inégalités de pouvoir et de privilège deviennent des étapes indispensables d’un féminisme soucieux d’incarner ses revendications
Si le genre agit sur les migrations, les migrations agissent aussi sur le genre. Les femmes ont pu voir, selon les opportunités, leurs rôles se diversifier, leur indépendance financière s’accroître. Les idéaux de masculinité et de féminité ont aussi pu faire l’objet de renégociations, mais en dépit d’avancées, les femmes restent globalement contraintes par des normes de genre et des structures patriarcales résistantes aux changements, tout au long de leur parcours migratoire
Comme tout mouvement social, le mouvement des femmes a émergé de la rencontre – et parfois du décalage – de sujets politiques, qui questionnent la réalité dans laquelle ils vivent. Une réalité marquée par le colonialisme, la violence, l’autoritarisme, la dépossession, le racisme, le machisme et les exclusions ; tous des phénomènes préjudiciables aux femmes, en général, et, plus particulièrement, aux femmes indigènes, afrodescendantes, xinkas et métisses des zones rurales
La quasi-totalité des employées domestiques au Liban sont des migrantes. Tout au long de la chaine de la migration, elles sont exposées à des violences et à une absence d’accès à la justice. Tout particulièrement sous le système de la kafala, qui demeure la cause principale des injustices dont elles sont victimes. En dépit des difficultés, elles se sont autoorganisées et ont forgé des alliances décisives avec les organisations féministes libanaises
développer leurs propres stratégies pour éradiquer la violence, pour saper les structures de domination et renforcer leur autonomie et leurs droits, démontrant par là leur volonté et leur pouvoir d’agir leurs propres stratégies pour éradiquer la violence, pour saper les structures de domination et renforcer leur autonomie et leurs droits, démontrant par là leur volonté et leur pouvoir d’agir