Face aux pouvoirs autoritaires, nationalistes, sexistes et racistes
Dans son éditorial,
Aurélie Leroy aborde, entre autres, de « nouvelles formes d'autoritarisme y gagnent du terrain, délégitimant les résistances et réprimant les luttes », l'activité économique, « un des principaux pôles de croissance dans le monde et une base d'exportation pour les autres continent », l'ampleur des contrastes et des inégalités entre et dans les pays, le « reflux démocratique », les dégâts socio-environnementaux, l'« enchevêtrement complexe et peu lisible d'accords commerciaux bilatéraux et plurilatéraux », la « route de la soie », les effets sur les droits des populations, des paysan·nes, des femmes, « Enjeux globaux et géostratégiques, locaux et de survie se croisent et s'opposent, mettant en évidence le déséquilibre des rapports entre les forces en présence »…
L'éditorialiste insiste sur la « fin des parenthèses démocratiques, aube des autoritarismes », la neutralisation des démocraties hier par des coups d'Etats et aujourd'hui par la monopolisation du pouvoir « depuis l'intérieur de l'appareil d'Etat », les conditions « du succès des populismes autoritaires » (l'autrice fournit quelques exemples), l'usage des poursuites judiciaires et l'adoption de nouvelles législation restrictives des droits, les attaques contre les ONG – présentées « comme agents de l'Occident, hostiles aux valeurs et aux intérêts nationaux » -, la délégitimation des « société civiles », les Rohingyas au Myanmar, la criminalisation des contestations, le resserrement du contrôle gouvernemental…
Aurélie Leroy aborde aussi, la modification du paysage de l'aide au développement, son instrumentalisation, les partenariats publics-privés, la place de la Chine et de ses aides – officiellement non assorties de conditionalité -, les changements dans l'« espace de la société civile »…
Je reste dubitatif sur le terme même de « société civile » dont la définition ne permet ni de rendre compte de l'imbrication des espaces socio-économiques ni du fonctionnement réel de l'Etat. Celui-ci, en effet, concoure bien aux conditions matérielles et politiques du fonctionnement des sociétés, à la structuration des relations socio-politiques.
Sommaire :
Walden Bello : La démocratie électorale à l'ère de l'autoritarisme « charismatique »
Shalmali Guttal : Accaparement des ressources et criminalisation des luttes
Joseph Purugganan : Oppositions citoyennes au méga-accord de libre-échange asiatique
Rosalia Sciortino : Asie du Sud-Est : Etranglement financier de la société civile
Aim Sinpeng : Cyberespace Sud-Est asiatique : Politique, censure et polarisation
Kongkea Chhoeun : Cambodge : Dynamiques particulières d'une société civile composite
Chris King-chi Chan : Chine : de Hu Jintao à Xi jJnping, monde ouvrier et société civile
Alexa,
Au Loong-Yu, Chris King-chi Chan , Chun-Wing Lee , Lam Chi Leung : Hongkong : Acteurs de gauche au sein d'un raz-de-marée protestataire
Harsh Mander : Inde : La résistible ascension de Narendra Modi
Amalinda Savirani : Indonésie : Une société civile prise entre deux feux
Dyah Ayu Kartika : Indonésie : Les féministes face à l'agenda politique conservateur
Khoo Ying Hooi : Malaisie : La société civile face au changement de régime
Khin Zaw Win : Myanmar : le coûteux déni du rôle de la société civile
Teresa S. Encarnacion Tadem : Philippines : La gauche sociale et politique face au « dutertisme »
Hemantha Withanage : Sri Lanka : Conflits et défis sociaux et environnementaux
Supatsak Pobsuk : Thaïlande : Régime semi-autoritaire, inégalités et résistance civile
Nguyen Mai Hue, Yves Duchère : Vietnam : Conflits fonciers et désaveu politique
Dans son article, « La démocratie électorale à l'ère de l'autoritarisme « charismatique », Walden Bello fournit de multiples pistes de réflexion sur l'utilisation des élections à des fins non démocratiques, le renforcement de leaders charismatiques, la consolidation de pouvoir « personnel » et l'autoritarisme, les politiques « non-conventionnelles », la « maitrise de récit » par les dirigeants, la création « imaginative d'un « autre » ou d'« autres » boucs émissaires qui se voient attribuer tous les maux de la société »…
Je ne vais pas détailler les différentes analyse. Je ne souligne que certains points qui me semblent particulièrement utiles à la connaissance ou à la compréhension des évolutions.
Les auteurs et autrices abordent l'accaparement des ressources, la violence accompagnant les spoliations des ressources « naturelles », la criminalisation des luttes, la violence directe et les exécutions extra-judiciaires, la primauté donnée aux investissements au détriment des droits et des conditions de vie des populations, les accords de commerce qui restreignent l'espace politique et la possibilité de choix démocratiques, la privatisation des semences, la question foncière, l'interprétation économiste de ce que pourrait être le développement, les partenariats publics-privés, le rôle des fondations, le démantèlement des libertés politiques, le contrôle des organisations, les forces conservatrices et les idéologies libérales, l'instrumentalisation des thématiques religieuses, le contrôle ou la censure du « cyberespace »…
Iels présentes des conflits et des résistances, des marches de protestations, des actions directes, la construction de « systèmes agroécologiques locaux déconnectées des circuits économiques dominants », l'utilisation des réseaux sociaux, l'activisme « social et environnemental »…
Des articles sont consacrés plus précisément au Cambodge, à la Chine, à Hongkong, à l'Inde , à l'agenda antimusulman du suprémaciste hindou, à l'Indonésie, à la Malaisie, au Myanmar, aux Philippines, au Sri Lanka, à la Thaïlande, au Vietnam…
Il semble que nous devons reprendre les analyses des causes des mouvements du fascisme européen des années 30, insister sur l'échec profond – et les causes – des alternatives dénommées « communisme » ou « socialisme » mais le plus souvent dictatoriales et criminelles, l'éviction des populations comme conséquence des politiques néolibérales, la démocratie réduite aux consultations électorales.
L'absence de propositions radicales permettant l'amélioration immédiate des conditions de vie et de travail du plus grand nombre, de perspectives stratégiques de rupture avec l'ordre néolibéral et la dévastation de la planète, de politiques d'égalité qui ne soient pas formelles, de prise en compte de tous les rapports de domination et de leur imbrication (dont le sexisme, le racisme, le néocolonialisme…), la subordination des luttes aux élections, les refus des processus d'auto-détermination et d'auto-organisation des populations par les gouvernements dits progressistes, etc… ont concouru à faire paraître comme utiles voire souhaitables les confiscations autoritaires des pouvoirs institutionnels.
Dois-je rappeler que la confiscation « du temps et de la vie » est vécue par toustes dans les entreprises avec l'arbitraire patronal, dans le respect de la propriété privée lucrative et la confiscation par quelques uns de la richesse produite, dans les budgets des armées et grands travaux, etc…
Sans oublier les combats non menés dans les entreprises multinationales – dans les pays du « centre » – par les organisations de salarié·es, ou par les citoyen·es contre les politiques d'interventions économiques (dont les accords bi ou multilatéraux) ou militaires de leurs propres pays, que cela soit par nationalisme borné (sans oublier les dimensions racistes) ou en défense de l'emploi de certain·es, l'absence d'expression agissante de solidarité internationale…
Cependant, comme les auteurs et les autrices le décrivent des résistances et des alternatives existent dans les « ici et maintenant », les contradictions socio-politiques ne sont pas dissoutes dans les arbitraires et les haines.
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