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Citation de Charybde2


Samedi 19 mars 2011
Deux heures du matin. Tu titubes dans la rue.
Les lampadaires te bourdonnent dans la tête avec cette lumière orange blafarde qui donne la nausée. La même lumière orange, tous les soirs, toutes les nuits. Journée de merde, enquêtes de merde. Un exhibitionniste qui traîne du côté des Buttes-Chaumont et que tu n’arrives pas à coincer. Trois déclarations de viol : le samedi, c’est toujours carton plein. Ton enquête sur la filière serbe de Jovanovic et Deda, que tu traînes depuis quatre mois et qui n’aboutit à rien. Le quotidien de merde à la BRP. Et puis ton petit business avec Gérard, ton chef de groupe. Qui te permet de t’éloigner chaque jour un peu plus de ta dette.
Pour finir la journée en beauté : des pintes de bloody mary au London Club. Tu n’es pas encore au lit que tu as déjà mal au crâne.
Musique de merde à fond la caisse. Tu tournes la tête et tu vois des jeunes qui font la fête dans un appartement au rez-de-chaussée. Des filles en mini-short qui rient aux éclats. Des garçons qui boivent du whisky à la bouteille. Des couples enlacés qui se roulent des pelles. Ça sent les hormones débridées. Une jeune fille blonde, 20 ans à peine, les cheveux mi-longs. Elle te rappelle Sandra, ça t’interpelle. Même tête de poupée. Mêmes yeux dans lesquels on se perd. Même cul d’étudiante, ferme et bombé. Même corps bien dessiné avec lequel on a envie de jouer. Sa bretelle de soutif qui dépasse. Tu plisses les yeux pour reconnaître la marque. Une de tes occupations favorites pour exercer ton excellente acuité visuelle. Aux contours du liséré noir, tu dirais un Aubade ou un Lise Charmel.
Un jeune te voit la mater et te fait un doigt. D’habitude, tu leur fais peur avec ton crâne rasé, ton mètre quatre-vingt-dix et ton cuir de bad boy. Mais pas lui.
Tu fouilles dans tes poches et en sors tes clés. Pas envie d’aller te coucher seul ce soir. Pourtant tu n’as rin fait pour ramener une fille.
La porte de ton immeuble s’ouvre. La boîte aux lettres : ton nom, Christian Kertesz, barré et remplacé par Sale Flic. Un an que c’est comme ça. Tu montes les escaliers. Pas d’ascenseur. Au dernier palier, tu reprends ton souffle et tu pousses la porte avec un ouf de soulagement. Comme tous les soirs, tu te promets de fumer moins de clopes le lendemain. Deux paquets par jour, ça laisse des traces.
Ton appartement : des pièces vides et sans chaleur. Une chaîne hi-fi flambant neuve, qui n’a jamais vraiment servi. Quelques disques égarés. Un lit aux draps usés qui sentent la transpiration. Et des cartons avec tes affaires, toujours pas déballées depuis trois ans.
À cette heure-là, normalement tu t’étales sur le lit et tu dors en moins de deux minutes. mais là, à travers le mur, tu entends les nouveaux voisins qui crient. Arrivés il y a deux semaines et ils foutent déjà le bordel. Ça résonne dans ton crâne comme un marteau-piqueur. Une femme qui pleure et qui hurle et qui pleure encore. Un homme qui hurle à son tour. Des bruits de coups. Des objets cassés.
Tu ne peux pas dormir et tu as envie d’une femme. Mais pas n’importe laquelle. Tu veux Sandra. Ta Sandra. Trois ans que tu la touches dans tes rêves, toutes les nuits. Trois ans que tu vis avec le souvenir de son corps. Ses seins, son ventre, son cul. Des formes fabuleuses qui te fascinent toujours autant. Ses jambes, gracieuses, élancées. Son visage d’ange blond, éternellement jeune. Peut-être qu’aujourd’hui elle ne ressemble plus du tout à l’image que tu t’en fais. Tu t’en fous. Tu vis avec un fantasme. Un fantôme. Mais ça te suffit. Les autres femmes ne t’intéressent plus.
Tu sors ton téléphone et tu composes son numéro. Tu ne le fais jamais à jeun, mais bourré ça ne loupe pas. Et le lendemain tu te mets des baffes.
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