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4.88/5 (sur 4 notes)

Biographie :

Bertrand Puysségur est journaliste, philosophe de formation.
Parution de "Deux ou trois choses importantes" (Editions de Beauvilliers) en mai 2021.
- Janus amoureux (ed. Premier jour) est son premier roman. Il a également publié un texte "Passage d'Arthur Rimbaud à Saint-Dizier" (Châtelet Voltaire).
- Parution de "Philorange" novembre 2017 un essai de philosophie morale et politique à partir de la déclinaison de la couleur "Orange" qui comme chacun sait est bleue. Des chroniques (Carnets du Nord) suivent ce texte (ed. Premier jour).
- Requiem XIV (15 avril 2019), 14 nouvelles entre littérature et philosophie. Une exploration par la fiction de la pensée autour de la mort, de la disparition, de la fin des choses (ed. Premier jour).
https://www.leslibraires.fr/livre/18960772-deux-ou-trois-choses-importantes-bertrand-puyssegur-de-beauvilliers
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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Écrire à Saint-Dizier
L’Université populaire de Saint-Dizier présentait un spectacle à partir des textes du chanteur nord-américain Bob Dylan. Prix Nobel de littérature en 2016, l’idée était de rentrer dans la musique du barde de Duluth par le texte. À l’issue du concert où une dizaine de chansons ont été jouées, la question de savoir ce qu’était la littérature se posait toujours avec insistance. Au même moment, un ami demanda sur un réseau social si lui- même, auteur, faisait partie de cette famille nommée “écrivain”. Sa réponse fut surprenante car elle disait en substance que dès lors que l’on écrit quelque chose on fait de la littérature. Comme si finalement on ne sortait jamais de la littérature y compris dans le langage le plus commun où nous usons de métaphores poétiques sans même nous en rendre bien compte (Le jour se lève, gardien de la paix, prendre ses jambes à son cou etc.) On peut penser également à l’expression commune « le reste n’est que littérature », expression elle-même empruntée au champ littéraire puisqu’il s’agit d’un vers d’un poème de Verlaine (1). À la fois pauvre et riche, le langage commun pourrait faire partie de la littérature et donner raison à cet ami bien embarrassé pour répondre à l’énigme qui agite quelques millénaires d’écriture. Mais alors l’annuaire téléphonique est-il lui aussi de la littérature ? Le moindre commentaire publié sur internet ou votre feuille d’impôts sont-ils également de la littérature ? On sent bien que non mais on ne voit pas bien pourquoi cela n’est pas vraiment un produit littéraire. Pour nous y retrouver essayons de comprendre pourquoi on écrit depuis Saint-Dizier.
On peut y développer deux thèses. La première serait de comprendre l’objet Saint-Dizier comme extérieur à moi-même. La seconde serait de dire réellement quelque chose à propos de Saint-Dizier tout en restant extérieur à l’objet. Dans sa Théorie du roman Georg Lukács examine la question du divorce entre le monde et le sujet à propos de l’écrivain. On écrit finalement parce que l’on veut habiter le monde et que l’on n’y parvient pas. Ceux qui vivent dans le monde et sont parfaitement intégrés à celui-ci sont soit totalement heureux, jouissant de la félicité de ceux qui baignent dans une solitude bienveillante, ou soit des dieux et par conséquent n’auront à peu près rien à raconter. Car pour écrire quelque chose de valable aux yeux de l’universel, il faut en effet évoquer un problème que l’on n’a soi-même pas résolu. C’est la conscience de la distance entre ce que je suis et l’objet qui fait de moi un daïmon à la manière de Socrate dans le Banquet. Cette créature démoniaque cherche le souffle du monde, l’inspiration qui précède l’expiration. C’est lui qui relie l’humain au divin et qui pénètre le monde dans ce qu’il a de plus réel. La tâche de l’écrivain est alors immense et ne correspond plus vraiment à celle du bottin à qui une autre fin est assignée. L’écrivain a donc pour fonction de parler de lui de la manière la plus véritable et de le rapporter à un objet qu’il ne connaît pas mais qu’il désire connaître. Cet objet le dépasse et le constitue. L’écrivain est nécessairement le fils ingrat de son temps car il voit comment celui-ci est produit et comment celui-ci lui échappe. C’est un être gauche et qui se sert de cette contradiction pour élaborer une pensée à la fois sociale et esthétique. Cette tension est féconde à l’écrivain qui peut alors enfanter une œuvre digne de la littérature car avant tout novatrice et non commode. L’écrivain est donc rare et toute littérature est engagée dans le monde laissant loin derrière les marchands de mots qui certes vendent beaucoup mais ne racontent rien. Il s’agit d’exagérer le conventionnel, de le tordre et de s’en servir comme matière où peut se développer toute l’ironie de l’auteur (2). Celui qui se vautre dans la convention qui ignore le sujet ne sortira rien d’autre qu’une soupe tiède dont le relativisme dominant de l’époque tente de nous faire croire qu’il s’agit encore de littérature.
Il faut goûter aux paradoxes lorsque l’on souhaite écrire. Peut-être jusqu’à une forme de folie lucide où l’écrivain peut éclairer son objet en lui donnant du sens. Car ici, il s’agit bien de guérir le monde aussi de sa propre folie. La vraie démesure, finalement, est celle qui ignore complètement sa propre disjonction, son véritable divorce en prétendant être une Totalité alors qu’elle n’est que partie tournant à vide sur elle-même récitant lieux communs et radotant son catéchisme creusé dans le vide profond de son impensé. Écrire serait alors une forme de médecine (3) pour rendre vigueur et santé aux mots que l’on comprend sans les comprendre car si connus, si bien connus, qu’ils ne sont pas connus. Pire, on se fait complice de la propagande contre laquelle on croit combattre. La folie nécessaire pour ne pas devenir vraiment fou a pour auxiliaire cette forme de courage que l’on prête à certains héros romanesques. Il faut lutter contre l’aplatissement du langage à la manière d’Homère et des grands thérapeutes de la langue que sont les poètes, les écrivains ou les philosophes. Perdre cette bataille, c’est perdre l’idée même d’idée. Notre objet bragard, à trop subir modes et conventions, en manque cruellement. Car l’écriture dans le monde est d’abord une écriture politique.

(1) « Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature » (Paul Verlaine - Art Poétique).
(2) « Pour le roman, l’ironie, cette liberté de l’écrivain à l’égard de Dieu est la condition transcendantale qui confère l’objectivité à la structuration [...] l’ironie est, dans un monde sans Dieu, la plus haute liberté possible » (Georg Lukács - La théorie du roman).
(3) « La fonction d’un écrivain est d’appeler un chat un chat. Si les mots sont malades, c’est à nous de les guérir. Au lieu de cela beaucoup vivent de cette maladie. La littérature moderne, en beaucoup de cas, est un cancer des mots » (Jean-Paul Sartre - Qu’est-ce que la littérature ?).
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Chaque jour de sa vie était une préparation au pire. Et quand on se prépare à affronter les tourbillons les plus infatigables, quand l’ultime seconde fouette et renverse tous les plans qu’on avait prévus, de la manière la plus méticuleuse qui soit, les lamentations n’ont plus de prise, on y perd de son innocence pour y gagner le total refus de la peur et le mépris des souffrances ordinaires ; la force d’âme qui augmente en courage revendique le trône sur lequel s’assoit la grâce, sonnant ainsi silencieusement le premier nadalet de la sainteté. Alors, Blanche partie, Blanche usée par les souvenirs puis avalée par son présent, il restait à Jimmy la belle Sophie.
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Corrina fut la seule survivante. On l’avait mise dans un sac, certain que son coeur ne battait plus, puis l’ambulance s’était dirigée vers la morgue. Ce n’est que le lendemain, alors que l’on commençait à prier et à faire sortir le sang de ses veines que Corrina revint planter ses jambes sur le sol. Personne ne trouva d’explication à ce miracle, la nature fut violée et Corrina fut fidèle à la vie. Avant qu’on ne la ramène chez les vivants, elle fit son petit tour dans le monde souterrain. Depuis, elle a ce pouvoir de transformer le mort en vivant et le vivant en mort. Deux hommes, un jour la croisant, furent pris de tourments. Ils étaient sous le charme de ses traits si fins. Le premier crut en son étoile et ne se releva pas, le second comprit qu’il valait mieux être aimé que d’aimer. Il s’enfuit si loin qu’il fut heureux à tout jamais. Corrina ne guérissait que ceux qui ne la désiraient pas. Dans ce cas, il était doux de la trouver. Parfois, elle ouvrait ses bras à celui qui n’insistait guère pour l’accompagner. Elle traînait avec elle ce dérèglement. Celle-qui-était-revenue avait récolté dans son coeur l'amour d'un seul homme, depuis il s’était fermé aux clochettes du désir sans effort particulier. Elle visitait cet homme en de longs périples intérieurs. D’interminables descentes vers des sous-sols de vie en rose. Elle s’enfonçait parfois plusieurs jours sans que la lumière ne lui apporte le moindre de ses rayons. Des kilomètres de catabase l’amenaient à rejoindre ce qui à ce jour l'avait rendue follement vivante. Comme toujours, elle revenait par d’étroits chemins en ne faisant guère attention aux épaves qui jonchaient ses souvenirs sous peine de les voir revivre sous des formes qui lui étaient totalement inconnues. Elle ne pliait pas sous la déchirure.
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« Que veux-tu, me dit-il, on m’a inventé des vies, on m’a mis dans de petites catégories de personnes, et au fond je crois que ceux qui me tiraient le portrait parlaient encore et toujours d’eux-mêmes. Comme s’ils ne voyaient rien d’autre que leur pesanteur, comme si tout se réduisait à leurs intuitions, leurs impressions. Ils s’enfermaient dans une idée moisie, la pourriture les nourrissait et souvent ils s’en rendaient malades. Oh pas pour ma fraise, non ! Mais pour bien des choses qu’ils plaçaient si haut qu’ils ne furent jamais à la hauteur de leur serinage sirupeux dans lequel ils voulaient s’envelopper. Le niveau du médiocre, celui du mal de mer, mais sur une mer douce, un lac. Je n’ai rien contre le médiocre. Mais le médiocre ce n’est pas le haut, vois-tu. Ce n’est pas le bas non plus, et tu sais quoi ? Ce n’est pas le niveau intermédiaire, non, ce n’est pas le moyen, mais un grand trouble, un flou qu’on ne peut pas situer dans l’espace et qui avance masqué. » Je voyais Monsieur Paul déterrer de vieux visages qu’il voulait repeindre pour leur donner un autre nom, les baptiser avec de l’eau bénie par la vérité. Venez mes chères amantes blessées, mes chers compagnons d’infortune, venez écouter la chanson de Monsieur Paul ! Il divaguait un peu tant les souvenirs, jaillissant par la confession, semblaient présents à son esprit. À qui faisait-il du mal finalement ? À personne, il continuait à fluctuer, comme la fleur bourgeonne au printemps, il ne connaissait pas la destination de son périple verbal. Il était le contraire du voyage. Pas comme ceux qui avaient tout réglé depuis leur enfance et vivaient à côté de leurs chaussures, dans une idée de chemin, une idée d’oiseau, une idée d’amour. Monsieur Paul avait vécu dans ces illusions, il les avait aimées, adorées, il en avait créé de si belles, qu’une fois déglinguées, il se surprit encore à leur trouver du charme. Il n’y avait pas de « je suis ceci » ou de « je suis cela », il n’y avait que le grand cours d’eau qui vous emmène avec délice, car il est ce que vous êtes : un être tumultueux et calme, un écoulement alimenté par cent mille petits ruisseaux, qui n’a ni commencement ni fin et qui vous appartient entièrement. C’était bien le sens de la chanson de Monsieur Paul. Sous la déception, il y avait l’aboutissement d’une obscure somme d’erreurs, de victoires et de défaites, de jugements remplis de perplexité, de ces longues traînées d’incompréhension de soi suivies d’éclairs et d’ouverture au monde qui font la vie d’un homme. Ce résultat démontrait une parfaite congruence de l’articulation de ce qu’il fut, avec l’image qu’il observait aujourd’hui dans son miroir intérieur. Sa mélodie, il la soupesait, en connaissait les moindres détours, le plus petit silence lui parlait ; il entendait des sons dans les soupirs, faisait attention à chaque enchaînement, les commandait par le souffle de sa gorge. Il savait s’égosiller, racler une dernière fois ce qui ne pouvait pas sortir. De ces grognements, il pouvait maintenant élaborer bien des cantiques, des odes et parfois des hymnes vous invitant à les reprendre à tue-tête.
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Je n’y peux rien si je suis parti dans ton nuage à chercher des vérités d’amanite. Depuis mon baptême, tu m’as annoncé le paradis des couleurs où le bleu et l’orange ont formé la terre et le ciel. Qu’as-tu aujourd’hui à vouloir te mettre en dehors, moi qui suis tout ce que tu connais ? Dans ta couche, des vieillardes, convulsées par le rire et pleines de salive cristalline, irriguent tes derniers instants. Elles cousent, font et défont le linge entoiletté dans lequel tu es née, regarde ici, tu la devines cachée derrière la montagne aux mille dents, avec son couteau de chasseuse d’instants et sa robe de brume, elle n’effraie plus les enfants mais caresse la peau de ton cercueil pour en délivrer tes peurs. Dans ton rêve, tu as voulu chasser de petits monstres verts et mous pour en inventer de plus violets et violents. L’autre mal rasé te doit la vérité, tu lui demandes sans cesse de venir te secourir et il se moque de toi pour mieux te renvoyer à tes odeurs et tes opinions de guêpe, sans pitié, sans amour, sans tout ce que tu croyais qu’il fut bon qu’il soit. Ta peine est perdue. Tes anémies paralysantes, tu les as fabriquées par ton refus de sourire à la mort. Ne me demande pas mon consentement au moment de cueillir les cerises gorgées de jus sucré, au moment de te crever les yeux, au moment que personne ne choisit. Derrière la porte en plastique tu soulèveras le voile de coton et d’étranges lumières douces et sirupeuses, des airs de folklore, des bouches de mercure te feront danser parmi les ombres qui chuchotent ton nom. De ce partage naîtra ce que tu es car tu n’es pas que ces lèvres qui embrassent et qui aiment, cette langue qui parle de sottise en sottise ni même ce regard dans lequel tu t’es promenée comme on illumine le soir avec les étoiles. Prends la main pelée du dernier passeur, réchauffe-la, baise-la, pleure ; une armée de fourmis soldats sera prête à te défendre et te ronger pour enfin poser sur ta tête les mille repos dont tu as besoin. Par où vas-tu entrer ? Par où vas-tu chuter ? Le corps n’est rien sans autre chose que le corps. Ce rien n’est rien sans autre chose que le corps. Devine encore, devine où vais-je aller te prendre, c’est ton arme de lutin contre ta façon gigantesque de marcher de travers comme un crabe immense aux pinces nacrées, à l’œil vide et scabreux. Malheur ! Malheur ! Son repère te gagne et la lutte est inégale. Au moins te voici dans la vie, celle qui découpe, qui tranche et qui t’assure que tu as bien vécu. La belle tisseuse ne veut rien de plus, sa sœur te donne le fil, prends-le, prends-le, car guette ici toujours celle qui un jour le coupera.
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De mon côté, j'avais toujours eu le sentiment de ne pas avoir assez vécu les années qui ont défilé sous mes yeux sans que je puisse, au moment où elles me narguaient, les saisir correctement.
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