Ceux qui quittent leurs villages se retrouvent dispersés dans les grandes villes. Ils n'y sont pas accueillis avec bienveillance, ne communiquent pas avec les autres. Ils mènent une vie humble, ne cultivent aucune relation en dehors de leur travail. Beaucoup de Chinois vivent de cette façon, dans les périphéries des grandes villes. Ils travaillent comme des machines, survivent entassés, sans aucun lien social. Personne ne fait attention à eux. Ils restent invisibles, ignorés, car on considère que leur vie est ordinaire, inintéressante, indigne d'attention.
Un homme est apparu tout à coup, sortant de nulle part. Je n'ai pu m'empêcher de le suivre jusqu'à son refuge de troglodyte. Il vivait seul, dans une autarcie et un isolement complets. Dans la Chine extrêmement matérialiste d'aujourd'hui, son exemple muet est un acte éloquent de résistance. L'Homme sans nom ne demande rien à personne. Dans la campagne désertique, sa vie ressemble à celle d'une pousse. C'est l'existence à l'état pur. Cette rencontre m'a profondément touché.
Le cadre n'est pas important. Ce qui compte, dans le monde de l'image, c'est le fait de se demander ce qu'est cette carafe, là, devant nous. C'est l'objet que l'on voit sur l'image, l'objet en soi, sa vie. Il n'y a pas de cadre à l'image, il s'agit d'observer. Il n'y a pas de monde limité. C'est pareil pour la peinture. Quand on regarde quelque chose, on ne peut se contenter d'un simple regard. Ce qui compte, c'est de se demander : "Qu'est-ce qu'une chose ?"
Numéro zéro a-t-il en effet été une inspiration pour la réalisation de Chronique d'une femme chinoise?
On peut le dire, même si la façon de faire de Jean Eustache est entièrement différente de la mienne. Eustache parle à la première personne. Ce n'est pas quelque chose que j'aime faire. Je considère que seuls les autres ont le droit de parler de leur vie. Pour ma part, je me contente d'écouter.
La beauté est comme un personnage ou comme une histoire. La beauté n'est pas qu'une simple question d'apparence mais de sens profond: elle suppose quelque chose à savourer, à apprécier... En découvrant ce lieu, j'ai eu l'impression de grandeur et de nature absolue, l'impression d'un monde sans humains... C'est cette sensation d'absence que j'appelle, en l'occurrence, la beauté.
Ce sont précisément leurs conditions de vie que je voulais filmer. Il faut montrer les problèmes de la Chine contemporaine, l'hypocrisie de ce système où la croissance économique cache un appauvrissement matériel et spirituel qui touche des millions de personnes.
On a toujours tendance à penser à la réputation des acteurs, mais celle-ci n'a en fait aucune importance. Nous aurions dû nous contenter de choisir les acteurs en fonction de leur personnalité, de leur capacité à imaginer le personnage à partir du scénario...
La question de Chronique d'une femme chinoise était la suivante: était-il possible qu'une simple parole soutienne tout un film? Il se trouve que oui! L'homme sans nom représente le programme inverse: l'action peut-elle remplacer entièrement le discours?
Le cinéma offre un style, il permet de transmettre une expérience à laquelle il ajoute une dimension artistique. C'est là le rapport le plus simple et le plus profond qu'on puisse imaginer entre le cinéma et la vie.
Je n'ai pas copié Visconti mais il a influencé mon travail. Disons que si j'ai beaucoup étudié les films d'Antonioni et ceux de Tarkovski, le résultat est plus proche du cinéma de Visconti.