Sa mémoire semblait lui revenir en bloc. Ce cher vieux Watson venait de tomber dans mon piège. Il se tut soudain. Je ne pus m’empêcher de sourire.
– Ainsi donc, Holmes a bien mené l’enquête sur Jack l’Éventreur.
Il balbutia :
– Je… je ne me souviens plus très bien… c’est possible, en effet.
Ses joues rosirent. Toute trace d’ironie avait déserté son visage défait.
Je décidai de battre le fer pendant qu’il était chaud.
– Dans ce cas, pourquoi n’en avez-vous jamais parlé ?
Watson s’empourpra un peu plus et écarta la remarque avec un geste d’impatience :
– C’est du passé. Ça n’a plus d’importance
Il mit une main sur ses reins et s’appuya de l’autre sur sa canne, tentant de retrouver son personnage de vieillard amnésique.
– Adieu, Newnes. Je suis trop vieux à présent. Autrefois, je faisais cela pour gagner ma vie. Et puis, il y avait l’enthousiasme de la jeunesse. Aujourd’hui, je n’ai plus rien à raconter. Ne comptez pas sur moi pour écrire une seule ligne à ce sujet. Le temps qui me reste à vivre est bien trop précieux. Des tâches plus importantes m’attendent.
– Comme votre fondation, je suppose ?
Il s’immobilisa de nouveau.
– Dommage que vous ne puissiez rester plus longtemps, docteur Watson, c’est justement de cela que je voulais vous parler.
Je laissai flotter une seconde de silence et ajoutai à mi-voix, comme si je me parlais à moi-même :
– Rapport aux cent mille livres.