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Citation de 2605


2605
16 décembre 2016
Je poursuivis mon chemin la tête haute, j'étais bien obligée de marcher ainsi, sinon ma tête aurait glissée en avant et mon dentier serait tombé. Je savais pertinemment que, désormais, je serais une vieille bonne femme, et les larmes me montaient aux yeux, une vieille mémère édentée, oui, car jamais je ne saurais supporter dans ma bouche une chose pareille, même en vidant mon livret d'épargne pour me noyer dans la bière et le champagne pendant six mois, je me connaissais assez pour savoir que ces dents me resteraient à jamais intolérables, tout mon corps et toute mon âme les rejetaient et je me sentais de plus en plus flouée, on venait de m'implanter dans la bouche une enclume de forgeron, un gros cendrier de bistrot, deux coquillages à l'arrête vive qui m'avaient déjà entaillés la langue jusqu'au sang, elle explorait toute affolée ces corps étrangers dans ma bouche et pas moyen d'arrêter cette langue, pas curieuse du tout, mais complètement déboussolée, ma langue gourmande devenue soudain folle et capable de se détruire elle-même, comme une belette prise au piège qui, à ce que racontent les chasseurs, même sans la moindre blessure meurt avant le coucher du soleil. Arrivée chez moi, je pris le démonte-pneu dans le trousse à outils de notre Skoda 430, puis je recrachai ma prothèse sur la table, toute ahurie je contemplai ce dentier qui me narguait d'un large sourire moqueur et, à l'aide du levier d'acier, je mis en pièce mon coûteux appareil, en quelques coups rageurs la porcelaine vola en éclats comme une bouteille brisée, je m'acharnais comme une démente sur ces gencives roses, jusqu'à les réduire en poussière pendant que les dents giclaient aux quatre coins de la cuisine.
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