Le temps, semble-t-il, s'est arrêté à la maison de retraite. Une maison de retraite réalisée dans l'ancien château du comte Spork. Les aiguilles de la grande horloge indiquent indéfiniment sept heures vingt-cinq tout comme le sourire triste des résidents. Dehors le parc est orné de statues et d'une foultitude de haut-parleurs diffusent en continue " des millions d'Arlequin".
Son mari, Franci, et la narratrice y résident. Lui est collé à la radio, elle nous évoque des souvenirs du passé. L'époque ou Franci était gérant d'une brasserie et elle, rêvait de réussite sociale à la grande ville de Prague.
Un livre lent très lent. Qui prend son temps. Qui prend trop de temps.
Qui évoque les commérages du quartier... de la maison de retraite.
Même s'il faut reconnaître à l'auteur une écriture particulièrement raffinée, tous cela n'est guère passionnant. Trop, c'est trop. J'ai arrêté ma lecture à la mi-temps du livre.
Commenter  J’apprécie         290
Je poursuivis mon chemin la tête haute, j'étais bien obligée de marcher ainsi, sinon ma tête aurait glissée en avant et mon dentier serait tombé. Je savais pertinemment que, désormais, je serais une vieille bonne femme, et les larmes me montaient aux yeux, une vieille mémère édentée, oui, car jamais je ne saurais supporter dans ma bouche une chose pareille, même en vidant mon livret d'épargne pour me noyer dans la bière et le champagne pendant six mois, je me connaissais assez pour savoir que ces dents me resteraient à jamais intolérables, tout mon corps et toute mon âme les rejetaient et je me sentais de plus en plus flouée, on venait de m'implanter dans la bouche une enclume de forgeron, un gros cendrier de bistrot, deux coquillages à l'arrête vive qui m'avaient déjà entaillés la langue jusqu'au sang, elle explorait toute affolée ces corps étrangers dans ma bouche et pas moyen d'arrêter cette langue, pas curieuse du tout, mais complètement déboussolée, ma langue gourmande devenue soudain folle et capable de se détruire elle-même, comme une belette prise au piège qui, à ce que racontent les chasseurs, même sans la moindre blessure meurt avant le coucher du soleil. Arrivée chez moi, je pris le démonte-pneu dans le trousse à outils de notre Skoda 430, puis je recrachai ma prothèse sur la table, toute ahurie je contemplai ce dentier qui me narguait d'un large sourire moqueur et, à l'aide du levier d'acier, je mis en pièce mon coûteux appareil, en quelques coups rageurs la porcelaine vola en éclats comme une bouteille brisée, je m'acharnais comme une démente sur ces gencives roses, jusqu'à les réduire en poussière pendant que les dents giclaient aux quatre coins de la cuisine.
C'est seulement dans cette maison de retraite (...) au milieu de ces vétérans d'une longue vie de labeur, à l'histoire inscrite dans leurs paumes déformées et durcies, que je découvre enfin la capacité de regarder autour de moi, que je peux lire sur chaque visage le destin de tous ces gens, comme ces vieilles gitanes qui lisent dans les lignes de la main ou dans le marc de café - je pourrais écrire tout un livre là-dessus, j'ai découvert que chaque être a tout inscrit sur sa figure mais aussi dans sa démarche et dans son corps entier.
[
Bohumil Hrabal :
Une trop bruyante solitude]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT présente le livre
du romancier
tchèqueBohumil HRABAL : "
Une trop bruyante solitude". Après en avoir lu les premières lignes,
Olivier BARROT rappelle qui est
Bohumil HRABAL, dans quelles conditions il a écrit et résume ce qu'il définit comme un
conte philosophique.