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Citation de Charybde2


– Vous souvenez-vous pourquoi vous avez été stocké ? lui demanda Rasmus.
Horkaï ne se donna pas la peine de répondre. Rasmus déglutit. Il avait l’air nerveux, curieusement. Pourquoi ? se demanda Horkaï. Qu’est-ce qui m’échappe ?
– Manifestement, il y a quelque chose qui cloche en vous, dit Olaf.
– Vos jambes, par exemple, fit Oleg.
Rasmus hocha la tête.
– Le problème ne se limite pas à vos jambes, admit-il.
Il se passa la langue sur les lèvres.
– C’est mon père qui m’a tout expliqué, ajouta-t-il en détournant les yeux un instant. De plus, c’était il y a de nombreuses années, alors que j’étais très jeune. Si je me trompe sur certains détails, en voilà la cause.
– Entendu, dit Horkaï.
– À un moment donné, vous avez été exposé, continua Rasmus. Et pas qu’un peu, pas juste exposé brièvement comme nous l’avons été à l’instant. Selon Lammert, vous étiez assez proche pour que l’éclat lumineux traverse votre peau. Si proche en fait que vous auriez dû y rester.
– Mais vous n’êtes pas mort, dit Olaf.
– En tout cas pas complètement, ajouta Oleg.
– Silence, vous deux, interrompit Rasmus. C’est moi qui parle. Il s’est passé que vous avez perdu tous vos cheveux, jusqu’au dernier, continua Rasmus en se tournant vers Horkaï. Sur le flanc exposé à la déflagration, votre peau s’est trouvée complètement calcinée. Puis vous êtes resté au sol. Pendant combien de jours et de nuits, personne ne sait. Jusqu’à ce que quelqu’un vous découvre.
– Votre père, fit Horkaï, tout en pensant : Est-ce vraiment ce qui s’est passé ? Que s’est-il vraiment passé ?
Rasmus acquiesça.
– Lammert. Il vous a d’abord pris pour un cadavre, mais vous avez remué. Il portait une combinaison, mais il ne fallait pas qu’il s’attarde trop longtemps s’il tenait à sa vie. Pourtant vous gisiez à ses pieds, le corps à moitié carbonisé, exposé des jours durant, inconscient, et toujours en vie.
– Et après il…, commença Oleg.
– La ferme, Oleg, interrompit Rasmus, avant de se tourner de nouveau vers Horkaï. Il vous a relevé et vous a porté sur ses épaules, voilà ce qu’il a fait. Il vous a installé dans un centre de soin sécurisé – nous en disposions encore à l’époque, ajouta-t-il, à l’intention d’Oleg et Olaf. Il vous a mis sous perfusion et a attendu votre mort.
– Mais je ne suis pas mort.
– Pas exactement. Dans un certain sens, vous n’êtes pas mort. Mais dans un autre, vous êtes mort répétitivement. Votre trachée s’engorgeait souvent. Votre respiration devenait d’abord sifflante puis grasseyante et finissait par s’interrompre complètement. Parfois des heures durant, il faut croire. Puis, quelques minutes plus tard, quelques heures plus tard, vous crachiez soudain des caillots de sang et vous respiriez de nouveau. C’était un spectacle affreux, selon mon père. Comme si la mort s’amusait avec vous, vous tuait pour vous ramener ensuite à la vie. Il m’a souvent raconté comment il veillait sur vous, qu’une fois même il avait traîné votre carcasse dans le but de s’en débarrasser avant de se rendre compte, au beau milieu du hall, que vous n’étiez pas mort. Ça s’est prolongé comme ça pendant des jours et des jours, et après des semaines d’hésitation et de cafouillage à la frontière entre la vie et la mort, quelque chose en vous s’est transformé. Ça l’a affolé. Rapidement, votre peau ravagée a mué pour révéler une chair sous-jacente rose, glabre et sans imperfection aucune. Un jour ou deux plus tard, vous ouvriez les yeux et vous causiez, comme si de rien n’était.
Horkaï hocha la tête.
– Qu’est-ce que vous avez pensé ? demanda-t-il.
– Moi ? Je n’en ai rien pensé. je n’étais pas là. Je n’étais qu’un enfant.
– Qu’est-ce que votre père en a pensé ?
– Mon père a été surpris, répondit Rasmus.
Son débit donnait l’impression qu’il récitait une histoire par cœur.
– Il s’est dit que cette exposition prolongée avait dû vous endommager l’esprit, que dans le meilleur des cas, ç’avait dû vous griller le cerveau et vous rendre fou.
– Mais votre esprit était intact, dit Olaf.
– Vous alliez bien, admit Rasmus. Vous aviez l’air d’être en bonne forme.
Il fixa ses mains.
– Si c’était arrivé aujourd’hui plutôt qu’à l’époque, vous auriez été dans le pétrin. On vous aurait décapité ou brûlé. Mais mon père n’était pas superstitieux.
– On disposait d’explications, dit Olaf.
– La science peut tout expliquer, ajouta Oleg.
– Ou le pouvait, maugréa Rasmus. De nos jours, qui sait ? La science n’existe plus vraiment, en tout cas pas comme auparavant. Elle n’a pas été conçue pour notre monde mais pour celui d’avant.
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