Dernière frontière, en territoire comanche, dernière frontière avec la mort aux trousses entre la France et l'Espagne, entre 1939 et 1940, sur une route des Pyrénées. Triste litanie de noms de camps d'internements aujourd'hui oubliés, de patronymes célèbres ou anonymes, de réfugiés, d'indésirables… Parmi les figures marquantes de la littérature tuées par l'exil, on se souvient du poète Antonio Machado, qui épuisé abandonna ses bagages (avec des textes inédits perdus pour toujours) dans le col des Balitres, et mourut à Collioure. Sa dépouille, recouverte du drapeau républicain, fut portée par les soldats de la 2ème brigade de cavalerie emprisonnés au château Royal et suivie par des réfugiés anonymes. Une année plus tard, ce fut Walter Benjamin qui se donna la mort à Portbou. Ce 26 septembre marquera le 78ème anniversaire de sa disparition. Contrairement à Machado, on ignore où se trouve le corps de Benjamin, tout comme on ignore ce qu'est devenue sa serviette de cuir qui contenait ses manuscrits. A défaut de dépouille, une stèle lui a été dédiée au cimetière de Portbou.
L'Italien Bruno Arpaia s'est inspiré de ce mystère pour écrire ce très beau roman qu'est Dernière frontière, un récit à deux voix qui verra la rencontre improbable de deux exilés, le philosophe allemand et un républicain asturien tous deux brisés par la guerre. « C'est comme ça que pendant toutes ces années j'y ai repensé souvent à votre philosophe. Nous ne pouvions pas être plus différents, lui et moi, mais quelque chose nous liait. C'est ce que nous étions, chacun à notre façon, les bouts d'une même ficelle, deux faces de la même Europe. Et puis la catastrophe. On dit qu'il faut beaucoup de temps avant qu'un monde finisse. Mais le nôtre s'est écroulé net. Depuis, il n'y a plus place pour les gens comme nous. Lui, c'est le temps qui l'a tué, celui dans lequel il avait été contraint de vivre. Moi, qui sait comment le temps m'a épargné, mais il m'a condamné à survivre, à consommer peu à peu toutes les défaites, à attendre et attendre encore. »
Voyageurs involontaires, exilés forcés, indésirables, traqués, parqués, ne sachant pas à quelle sauce ils allaient être mangés, les deux hommes, francophiles bouleversés par la défaite et l'attitude d'une France idéalisée, sont deux visages de la résistance, l'une militaire, l'autre intellectuelle. Arpaia dépeint leur parcours, depuis les grèves sanglantes dans les Asturies en 1934 pour le premier, depuis l'Allemagne de l'année 1933 pour le second, auprès de combattants anonymes en Espagne -« C'est comme ça que je m'y trouvais le jour des adieux aux Brigades internationales: après les accords de Munich , elles ne servaient plus à rien, elles étaient inutiles. Au revoir, merci,et un coup de pied au cul à ceux qui pendant des années s'étaient battus pour l'Espagne mieux que nous-mêmes, qui avaient laissé des dizaines de milliers de morts dans nos tranchées. »- ou aux côtés d'intellectuels comme Koestler et Hannah Arendt à Paris.
Dernière frontière est un roman bouleversant sur la rencontre aussi soudaine que tragique deux hommes dont les nationalités, l'âge, les milieux sociaux et les parcours de vie différaient. Avec beaucoup de finesse, Bruno Arpaia a su tisser un lien subtil entre Laureano et Walter Benjamin, et son roman résonne comme un chant du cygne, beau et désespéré.
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Commissaire à la PJ de Naples, Malinconico est appelé sur les lieux d'un accident de la route. C'est son premier mort et peut-être son premier meurtre. Des témoignages vont dans le sens d'un assassinat et la veuve de la victime lui révèle que son mari, un écrivain, avait décrit la scène dans son dernier récit. La thèse de l'accident emporte pourtant la préférence de ses supérieurs qui d'ailleurs lui assignent une mission un peu spéciale : partir pour le Mexique sur les traces d'un parrain de la Camorra.
Roman noir plutôt que polar, Avant la bataille vaut surtout pour son ambiance grise et mélancolique, et son héros qui est à l'unisson. Malinconico est un homme déprimé et un flic désabusé qui traîne sa langueur des bas-fonds de Naples jusqu'aux rivages mexicains. Inexpérimenté, le commissaire se fait balader dans une affaire qui le dépasse mais son mal-être ne s'arrête pas là. Il demeure incapable de se stabiliser émotionnellement et sa compagne, lasse de ses dérobades, est en train de le quitter en douceur. Son voyage lui donne l'occasion d'une réflexion sur lui-même et si, au final, il s'est fait manipuler, il y trouve aussi une force, un élan qui augurent d'une volonté nouvelle de bien faire son métier. Bruno ARPAIA pose là les bases d'une future série avec un flic qu'on aura plaisir à connaître mieux, dans une ville qu'il semble aimer beaucoup. Un court roman un peu difficile à aborder mais qui s'avère attachant au final. A suivre.
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Bruno Arpaia a écrit plusieurs ouvrages sur la guerre d'Espagne.
On a ici l'histoire d'une formation politique amoureuse de la vie.
Les ataviques divisions de la gauche sont le fond de la défaite ouvrière avant même la guerre civile.
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Un jeune historien veut reconstituer les derniers jours de Walter Benjamin, philosophe qui s'est suicidé en 1940.
Il a retrouvé un témoin direct qu'il interroge.
Le vieux Laureano qui a vécu ces années le bouleverse avec le flux de ses souvenirs. Comme si l'Histoire n'avait attendu que ce témoignage.
L'homme a quatre-vingts ans, mais en lui vit toujours le garçon asturien qui, en octobre 1934 est devenu homme dans une bataille soutenue par le peuple espagnol pendant la guerre civile.
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Les hommes et leurs problèmes existentiels...Un peu court....
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