Isis est seule.
Elle avance sans savoir.
Isis est ma sœur
comme elle je ne sais pas
comme elle j'avance
quand même
Elle ramasse ce qui n'appartient plus
des fragments
Elle brave l'épars
A-t-elle peur ?
J'ai peur si souvent
Je la vois qui se penche
La terre peut être aride
et ne rien offrir
à son regard qui scrute
à sa main qui se tend
Elle effleure la roche
reprend sa marche hésitante
et peu lui importe le temps
qu'il faudra
elle persiste
tout entière à sa tâche
Le geste d'Isis
c'est celui de la pensée
La pensée recoud les fragments du monde
Il y faut de la constance
et une forme de foi
celle que je me reconnais
sans dieu celle qui m'a guidée
enfant
quand j'ai désiré si fort
l'entrée dans les signes
Elle me tient toujours
Du désir d'écrire au désir de penser
il y a le pas d'Isis
celui qui mène
d'un mot
à un autre
Sans vide entre les mots
rien n'est lisible
Cet espace vide
est celui où j'aventure aussi mon pas
C'est là que la pensée m'attend
chaque jour
et chaque jour je tente de rassembler l'épars
J'y mets du temps
et du silence
ma solitude fertile
c'est ainsi que j'ai désiré ma vie
Des images m'habitent alors
La pensée est saeur du songe
Sur lui elle s'appuie
Alors peu à peu, comme Isis
je vois
que le corps du monde est là
Il apparaît enfin
et je sens à nouveau
la terre sous mes pieds
je peux penser enfin ce monde où je vis
et y prendre
ma place.
Jeanne Benameur - Le geste d'Isis ou Le désir de penser