Bruno Lemaitre

L'ego sous toutes ses formes ! Ou plus exactement le narcissisme scruté sous le microscope de l'auteur, qui aborde cette question de "l'amour de soi" dans tout ce qu'elle a de plus complexe, tant au niveau individuel que social. L'ouvrage si lit très bien, un essai clair et abordable, une galerie de portraits de l'ego en situation. L'auteur s'est efforcé de regrouper ses approches au travers de plusieurs domaines : sociologie, psychologie, culture... Un livre pédagogique, une loupe sur nos ego, à lire pour en savoir davantage sur cette particularité qui peut nous servir comme nous être néfaste !

L'ouvrage aborde aussi la question des paradoxes de l'ego, c'est à dire ce qui est à la fois civilisateur et ce qui peut être toxique pour la société. C'est vraiment un travail soigné, un livre qui présente toute l'étendue du concept sans le banaliser.

Une société ne peut se constituer, se développer ou simplement se maintenir sans altruisme. Alors comment se fait-il que nos sociétés développées génèrent de plus en plus de personnalités égotiques et sachent si mal s’en défendre, jusqu’à leur réserver les meilleures places ?



Bruno Lemaitre est un chercheur reconnu en immunologie. Pourquoi s’intéresse-t-il à un domaine qui relève de la psychologie et des sciences sociales ? Il ne se dévoile pas, mais on devine, au vu de son précédent livre (*) et des exemples qu’il utilise, qu’il a dû être confronté à des personnalités narcissiques dans sa communauté scientifique et qu’il en a probablement souffert. Mais c’est sans doute aussi parce que, comme tout un chacun, il constate une montée du narcissisme dans nos sociétés développées et s’en inquiète. Et en bon chercheur, il cherche à comprendre le phénomène.



L’ego, inné ou acquis ?

Disons tout de suite qu’il ne s’intéresse pas aux narcissiques pathologiques, ni aux pervers narcissiques, mais simplement aux « gros egos », dont il met en lumière les traits de « dominance » et les « stratégies conjugales brèves ». Ces traits sont particulièrement importants pour expliquer la composante génétique, héritable, du narcissisme, caractère dont l’apparition peut également être favorisée ̶ ou réfrénée ̶ par l’environnement familial et social.



L’analyse, qui relève de la psychologie évolutionniste, est intéressante et peut se résumer ainsi : la dominance accroit la visibilité et augmente le pouvoir de séduction, assurant le succès de « stratégies conjugales brèves » et la multiplication des descendants. Ayant plus d’enfants que des individus ayant une plus grande stabilité conjugale, leurs traits se répandent dans la société. Si les narcissiques n’ont pas atteint une domination totale, c’est que cette stratégie a un revers. Leur manque d’investissement paternel (il s’agit essentiellement d’hommes), ne joue pas en faveur des enfants. C’est aussi que les sociétés finissent par réagir à trop d’ego.



On pourra objecter à l’auteur que si la multiplication des aventures amoureuses a pu se traduire dans le passé par des ribambelles d’enfants, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faut donc trouver d’autres explications au regain d’ego de notre époque. Les hypothèses, répertoriées dans le livre, ne manquent pas : évolution de l’éducation des enfants, instabilité familiale accrue, mise en valeur des people par les médias, renforcement des tendances narcissiques par les réseaux sociaux, par l’offre de consommation d’objets valorisants, baisse de la socialisation…



L’œuf ou la poule ?

C’est un livre riche qui aidera à repérer les personnalités narcissiques aussi bien dans la sphère médiatique que dans notre entourage. Il fournit également une grille de lecture originale sur des questions de société aussi diverses que la progression de l’obésité, le rôle des religions, l’intégration des migrants… Mais la science sur lequel il s’appuie reste fragile et ses conclusions mal assurées. Sont-ce les situations de pouvoir qui développent l’ego, ou les traits de caractère qui lui sont souvent associés qui favorisent l’accès au pouvoir ? Les études réalisées peinent à répondre à cette question ainsi qu’à d’autres soulevées dans le livre, qui s’apparentent au paradoxe de l’œuf et de la poule.



Conscient que les narcissiques sont incapables de percevoir leur problème et donc de changer, l’auteur passe en revue les solutions souvent avancées pour créer un environnement qui ne fasse pas le lit du narcissisme. Il relève en particulier le rôle bénéfique des religions et dénonce comme contre-productif l’essor d’une culture laïque étroite, hostile aux religions et à la dimension spirituelle. Il plaide au contraire pour une grande diversité dans ce domaine. Mais il conseille aussi de se protéger en citant deux psychologues américains (**) : « Évitez si possible le contact avec les narcissiques (…) Gardez vos sens en alerte : si quelqu’un a l’air charismatique, charmant ou sûr de lui, prenez un peu de temps avant de vous lancer dans une relation avec lui. »
Lien : https://www.ouvertures.net/e..

Merci à Babelio et aux éditions EPFL Press pour l'envoi de ce livre suite à ma participation à la Masse Critique.



Ce livre est très dense et demande d'avoir déjà des bases en philosophie et en épistémologie pour l'appréhender. Je ne le recommande pas à tout le monde.



Cependant, pour un public au fait de ces disciplines, il est très intéressant.



Je connaissais Polanyi de loin, pour certains de ses propos, mais sans plus. Ce livre m'a permis (et me permet encore puisque je ne l'ai pas tout à fait terminé tant il est dense et riche) d'apprendre à connaître un peu de la vie de l'homme et, surtout, de découvrir son point de vue et sa philosophie à propos de "la manière dont on fait la science".

Étant scientifique de formation, ce livre m'a fait remettre beaucoup de choses en question et m'a permis de me questionner sur mon propre rapport au Savoir, à la Science et à mon savoir personnel.



C'est un livre que je trouve très enrichissant sur les plans aussi bien scientifique et philosophique que personnel.

Il m'a également donné très envie d'en découvrir davantage sur ce personnage.

Découvrir la vie d'un scientifique philosophe est toujours un plaisir, même si, dans ce cas, je conseille vivement de prendre le temps et d'être très patient. L'ouvrage est très complet, historique et déploiement de la pensée de Polanyi, mais très complexe et peu accessible. Si je pense avoir saisi le principal, je ne crois pas avoir capté les subtilités et cela merite que je pousse les recherches un peu plus loin.

Pour ceux qui aiment les livres pointus, je ne peux que conseiller.

« La science et l’économie ne peuvent que prospérer dans une société libérale où chaque individu dispose d’une liberté d’indépendance et d’action ».

 

Ce livre de Bruno Lemaitre sur Michael Polanyi n’est pas accessible de tous. Il est difficile de comprendre les méandres d’explications, de réfutations de théorie scientifique, philosophique etc…

Ici, la vision de Polanyi est noyée au milieu d’explications peu digérables, c’est un visionnaire atypique de sa génération, engagé dans les combats intellectuels de son siècle. Sa lutte constante contre la théorie du nihilisme en opposition avec la réalité tacite comme un savoir vrai et détaché. Sa vision de la connaissance personnelle a eu forces critiques or elle gagne à ce jour encore du terrain.

Je déplore le côté pompeux de cet ouvrage, il n’est en rien aisé pour les néophytes de capter une signification claire de Michael Polanyi et de ses batailles révolutionnaires pour son époque. Il se détache de ses pairs, se détourne de la science pour aller vers la philosophie et le sociale afin de bouleverser les théories objectivistes et de laisser place à la « connaissance personnelle » en combattant le totalitarisme tout en prônant une société libérale capable de la non planification de la recherche. Il valorise la pratique, la tradition et la communauté non enfermé dans des connaissances préétablie. Il est pour la transmission de savoir mais non statique, il faut explorer, tester par soi-même pour évoluer et ne pas s’enfermer. Pour Polanyi, il faut prendre l’humain, la nature dans son ensemble, avec ses croyances, ses cultures car cela influence tacitement notre apprentissage, nos choix, nos résultats.

C’est dommage, je me réjouissais de découvrir ce livre, or je pense ne pas avoir absorbé le tiers. Il est certes très intéressant cependant il n’a pas été plaisant à lire avec des phrases abstraites difficiles à saisir surtout dans la première partie. J’aurai préférée que l’auteur simplifie d’avantage son lexique nébuleux qu’il soit moins académique cela aurait diminué l’opacité de mon décryptage au fil des pages.