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Citation de santorin


Elle lui dit qu'elle détestait l'Arabie. Elle n'avait pas réalisé qu'elle appartenait à un pays qui avait aboli l'esclavage des Noirs en 1969, mais jamais celui de ses femmes, jusqu'à son retour d'Amérique à l'âge de seize ans. A l'étranger, elle avait vécu comme n'importe quelle lycéenne qui s'habillait court, jouait au tennis, partait en camp de vacances et fréquentaient les garçons…
Brutalement le monde se déroba. Elle eut la sensation qu'on l'enterrait toute vivante, là, avec ses jambes de seize ans habituées aux coups de pédales alertes à travers les pelouses de Washington et qui voulaient galoper, ses cheveux qui voulaient flotter dans l'eau salée de la mer Rouge. Dès le retour à Djeddah on la força à porter l'abbaya et même à se voiler le visage. Ses parents étaient des gens ouverts, conciliants, sa mère s'était vêtue à l'occidentale pendant des années en Amérique, mais l'Arabie, s'efforçaient-ils de lui faire comprendre, n'était plus ce qu'elle était. Tout était bien plus répressif que quand ils étaient partis, seulement cinq ans plus tôt. La révolution iranienne était passée par là et avait fait souffler un vent de puritanisme sur l'Islam. L'Arabie, gardienne des lieux saints, s'était sentie obligée de surenchérir. Encore une fois, les femmes avaient payé ! La liste des prohibitions avait désormais été fixée, codifiée. On savait maintenant ce qu'il était interdit de faire : à peu près tout. L'espace où les femmes avaient le droit de se mouvoir était désormais strictement délimité : zones réservées dans tous les lieux publics, guichets pour femmes, grilles et paravents. Il ne leur restait plus qu'à respirer leur propre haleine humide sous la couche de gaze noire par cinquante degrés à l'ombre.
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