Les premières semaines sans nouvelles, j’étais complètement déprimée. J’ai cherché des réponses partout : dans le ciel, dans le marc de mon café, chez un psy très cher et très connu pour finir par pleurer dans mes draps que je n’avais toujours pas lavés… J’ai pris ma décision un soir en rentrant du travail – j’étais secrétaire en intérim et ce travail m’ennuyait profondément – je ne pouvais pas rester indéfiniment sur mon canapé à siroter du vin rouge d’une main et à vérifier mon portable de l’autre
… parce que la philologue que je suis est fascinée par ce pays pourtant vert qu’on appelle « Iceland » et qui aurait dû s’appeler « Greenland », nom que les premiers colons ont préféré attribuer au Groenland, une terre glacée qui n’avait pour le coup rien de vert… Que je ne serais plus prisonnière de cette langue qui nous a séparés, de son langage à lui que je ne comprends toujours pas…
Sonder les profondeurs de l’âme humaine comme on sonde les abysses à la recherche d’un trésor englouti, tu en avais rêvé, toi qui déteste la plongée... Il paraît que les elfes – ces créatures invisibles pour qui le peuple islandais a tant d’égards que le gouvernement est capable de faire dévier un tracé de route inopportun ou de déplacer une maison –, ici, ont ce pouvoir…
Pour toi, l’amitié entre un homme et une femme correspond souvent à un temps où les deux sont disponibles et ont un besoin émotionnel de l’autre sexe mais qui par définition ne dure jamais, la mise en couple de l’un ou l’autre mettant en général fin à cette relation. Ou bien l’un se révèle amoureux, l’autre pas, si bien qu’une gêne s’installe… et met également fin à la relation.
— Ah… je vois. N’est-ce pas Newton qui a dit : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » ?! Pourquoi as-tu ri tout à l’heure quand je t’ai parlé des elfes ?
— Oui… c’est une phrase qui fait réfléchir… Ah ! Parce que c’est souvent la première question que posent les étrangers ici, c’est drôle…
Au départ je pensais naïvement qu’apprendre plusieurs langues m’aiderait à mieux comprendre les autres, et le monde qui m’entoure. Étudier comment les langues étrangères construisent leurs mots, quels mots n’existent pas dans certaines langues… comparer les sonorités… les civilisations… tout cela me passionn… ait.
Sacrifier le présent à un avenir, qui, par définition, est toujours incertain et qu’on ne pourra jamais maîtriser quelles que soient nos tentatives. Voilà ce que tu avais fait. Et maintenant c’était trop tard. Ses derniers mots s’étaient imprimés jusqu’aux derniers replis de ton corps. Tu l’attendrais.
« L’avenir est un miroir sans glace. »
Xavier Forneret