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Citation de viedefun


Derrière les enfants, en retrait, les parents. Le jeune homme se serait souvenu d'une telle photo s'il l'avait déjà vue. Il eut le souffle littéralement coupé devant la prestance de ce couple. Lui, grand et altier. Appuyé sur une canne discrètement remisée contre sa jambe droite. Vêtu d'un pantalon élégant et d'un polo blanc, avec une grande mèche que le vent prenait à rebrousse-poil et rabattait sur le front avec malice. Elle, serrée contre lui comme si sa station debout en dépendait, tenant négligemment à la main un lainage qui traînait à terre, la tête légèrement penchée, ce qui avait eu pour effet de faire glisser sa longue chevelure noir, dont la coupe était aux antipodes de ce qui pouvait se faire dans les années 1960. Elle riait aux éclats. Son autre main était emprisonnée dans celle de son mari et reposait contre sa taille. Rien n'existait en dehors d'eux. Ni le ravissant décor de carton-pâte jaune, ni les arbres centenaires, ni cette aisance financière qui devait alléger bien des soucis, ni ce titre ronflant dont se seraient gargarisées beaucoup de personnes. Même ces quatre beaux enfants ne semblaient avoir d'intérêt. Sur cette photo, on ne voyait qu'eux. Leur séduction. Leur étreinte qui suggérait qu'ils ne pouvaient éloigner leurs épidermes respectifs l'un de l'autre plus de quelques secondes. Sebastian se pencha un peu plus et concentra son attention sur le visage de son grand-père. Il ne l'avait pas connu. Il était mort en 1990. Lui-même n'était pas né. Il savait juste que, si on voulait s'en faire une bonne idée, il suffisait de regarder Charles qui lui ressemblait de manière frappante, mais l'analogie s'arrêtait là. Son oncle était réservé, assommant et un peu collet monté, quand les récits qu'il avait pu entendre plus jeune présentaient son grand-père comme une personne fantaisiste, charmeuse, un peu loufoque, qui volait les tartines de ses fils pour les faire crier, tirait sur les tresses de ses filles, embrassait amoureusement sa femme à tout bout de champ, si possible devant tout le monde, et vivait chaque minute de sa vie comme si c'était la dernière. Sa grand-mère, Marianne von Wreden, était plus jeune de onze ans que son mari et supportait son veuvage depuis vingt-deux ans maintenant, chaque année plus lourde que la précédent.
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