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Citation de LydiaB


À presque trois ans, Elzéar parvenait, en poussant ma chaise au plus près du mur, à se hisser à la hauteur des barreaux de ma fenestrelle et à se laisser glisser jusqu'au sol de l'autre côté. Il était plus libre que je ne l'avais jamais été, bien qu'il dormît en ma cellule. Je ne le contraignais pas à cet espace minuscule et le laissais gambader au-dehors à sa guise. Je l'aidais même lors de ses évasions et masquais l'angoisse grandissante qui m'étreignait au moment de la séparation. Car, à mesure qu'Elzéar gagnait en agilité, il lui devenait plus difficile de se faufiler entre les tiges de fer pour courir dans les écuries et regarder les hommes y travailler. Je le suivais des yeux aussi longtemps que possible, puis je m'imaginais ses jeux à partir de ce que chacun m'en disait, j'assemblais des morceaux. Elzéar tentait lui aussi de me conter ses découvertes en sa langue décousue, mais son monde n'était que de fragments, les mots lui manquaient encore autant que la faculté d'organiser ses souvenirs dans le temps et l'espace.

Ses mains percées ne me donnaient accès qu'au regard de mon père – l'au-delà du grand érable m'était étrangement plus lointain que la Syrie, l'enfer ou les cieux -, et mes nuits étaient toujours emplies des souffrances du croisé que les caresses quotidiennes d'Elzéar me condamnaient à partager.

Je vivais son calvaire de l'intérieur, j'étais ses pieds, ses yeux, sa chair. J'étais accrochée à mon père comme le gui à l'arbre, j'embrassais sa pensée aussi clairement qu'au soir de mes noces manquées.
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