Dans cette compilation, cinq romanciers et romancières de renom ainsi qu'un éditeur partagent leurs conseils pour les apprentis auteurs. Alexis Jenni (lauréat du Goncourt), Benoit Laureau (co-fondateur des Editions de l'Ogre), Valentine Goby (auteure de "Murène"), David Diop (auteur de "Frère d'âme"), Milton Hatoum (auteur de "Cendres d'Amazonie") et Carole Martinez (auteure de "Le coeur cousu") évoquent les erreurs à éviter et les bonnes pratiques à adopter pour améliorer son écriture.
Entretiens réalisés aux Artisans de la Fiction, grâce à la complicité de la Librairie Vivement Dimanche (69004 Lyon) et à la Villa Gillet.
00:09 Alexis Jenni
01:21 Benoit Laureau
02:10 Valentine Goby
03:50 David Diop
04:43 Milton Hatoum
07:17 Carole Martinez
INTERVIEWS COMPLETES
Alexis Jenni : https://youtu.be/PcA30xrfCGo
Benoit Laureau : https://youtu.be/MEuVUMs-QbQ
Valentine Goby : https://youtu.be/e5kQNaGn_Sg
David Diop : https://youtu.be/C9y8TSRYdbw
Carole Martinez : https://youtu.be/bzHIv36uAw4
Qui sommes-nous ?
Les Artisans de la Fiction sont des ateliers d'écriture situés à Lyon. Nous proposons un apprentissage artisanal des techniques d'écriture, avec pour objectif de rendre nos élèves autonomes dans la concrétisation de leurs histoires. Notre approche s'inspire du creative writing anglophone, en mettant l'accent sur l'apprentissage et la transmission des bases essentielles de la narration : structure de l'intrigue, principes de la fiction, construction de personnages, etc.
Découvrez notre univers !
Vous êtes curieux d'explorer le monde du creative writing et de tester si l'écriture de fiction vous passionne ? Nous organisons des journées d'initiation pour vous permettre de plonger dans cette expérience unique.
Retrouvez tous nos stages d'écriture sur notre site : http://www.artisansdelafiction.com/
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Et se mains, vous ai-je jamais parlé de ses mains ?
Les mains des conteuses sont des fleurs agitées par le souffle chaud du rêve, elles se balancent en haut de leurs longues tiges souples, fanent, se dressent, refleurissent dans le sable à la première averse, à la première larme, et projettent leurs ombres géantes dans des ciels plus sombres encore, si bien qu'ils paraissent s'éclairer, éventrés par ces mains, par ces fleurs, par ces mots.
« À défaut de croire en Dieu, j’ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l’incroyable pouvoir. » (p. 166)
Et moi, j’étais entrée dans ma cellule comme en un navire, j’y avais essuyé des tempêtes, abordé des terres inconnues, j’y avais tout perdu et tellement espéré. Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ?
On oublie si vite nos rêves et nos désirs d'enfant , on les dilue pour les rendre acceptables, innocents et jolis. On ne se souvient que d'un monde doux et tranquille , alors que la pureté même de l'enfance est tout entière dans cette violence que tu dis sans détours.
L'enfant est un dévorant qui avalerait le monde , si le monde était assez petit pour se laisser saisir.
Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l'oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n'imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi
L'homme savait bien qu'il devait mourir un jour, mais il passait sa vie à l'oublier.

À presque trois ans, Elzéar parvenait, en poussant ma chaise au plus près du mur, à se hisser à la hauteur des barreaux de ma fenestrelle et à se laisser glisser jusqu'au sol de l'autre côté. Il était plus libre que je ne l'avais jamais été, bien qu'il dormît en ma cellule. Je ne le contraignais pas à cet espace minuscule et le laissais gambader au-dehors à sa guise. Je l'aidais même lors de ses évasions et masquais l'angoisse grandissante qui m'étreignait au moment de la séparation. Car, à mesure qu'Elzéar gagnait en agilité, il lui devenait plus difficile de se faufiler entre les tiges de fer pour courir dans les écuries et regarder les hommes y travailler. Je le suivais des yeux aussi longtemps que possible, puis je m'imaginais ses jeux à partir de ce que chacun m'en disait, j'assemblais des morceaux. Elzéar tentait lui aussi de me conter ses découvertes en sa langue décousue, mais son monde n'était que de fragments, les mots lui manquaient encore autant que la faculté d'organiser ses souvenirs dans le temps et l'espace.
Ses mains percées ne me donnaient accès qu'au regard de mon père – l'au-delà du grand érable m'était étrangement plus lointain que la Syrie, l'enfer ou les cieux -, et mes nuits étaient toujours emplies des souffrances du croisé que les caresses quotidiennes d'Elzéar me condamnaient à partager.
Je vivais son calvaire de l'intérieur, j'étais ses pieds, ses yeux, sa chair. J'étais accrochée à mon père comme le gui à l'arbre, j'embrassais sa pensée aussi clairement qu'au soir de mes noces manquées.
"On ne quitte pas un monde sans angoisse ni sans rêve."
J'attrape mon portable sur la table de nuit et le rallume. Cet objet s'installe dans ma vie, je l'oublie de moins en moins, il est devenu ce que je touche en premier le matin et en dernier le soir. Peu à peu, il avale tout : réveil, montre, agenda, appareil photo...
Depuis que je vis ici, il a dévoré mes enfants, mes amis, mon mari.
Est-ce parce qu'il contient Laurent que ce téléphone m'est désormais essentiel ? Sa voix y est enfermée avec tout un bric-à-brac d'objets du quotidien.
J'étais belle, tu n'imagines pas, aussi belle qu'une fille peut l'être à quinze ans, si belle et si fine que mon père, ne se lassant pas de me contempler, ne parvenait pas à se décider à me céder à un autre.