Caroline de Gruyter

Dans Monde d’hier, monde de demain. Un voyage à travers l’empire des Habsbourg et Union Européenne Caroline de Gruyter, journaliste et politologue, livre ses observations, interrogations et réflexions sur l’existence et le fonctionnement de deux entités aussi mystérieuses qu’hermétiques pour le lecteur non averti que je suis : l’empire défunt des Habsbourg et l’Union Européenne.

Elle précise d’emblée que son ouvrage n’a pas vocation universitaire mais s’apparente plutôt à une quête impressionniste. C’est précisément pour cette raison que sa lecture est réjouissante et passionnante.

Le lecteur plonge avec délectation dans un monde aux splendeurs passées somme toute peu familier si l’on s’aventure plus loin que les personnages historiques emblématiques de Marie-Thérèse, Sissi et François-Joseph. L’auteure se penche sur l’empire habsbourgeois disparu il y a plus d’un siècle et en tire des conclusions qu’elle étend à l’Union Européenne. L’ouvrage regorge d’anecdotes, retrace des entretiens avec des descendants des Habsbourg et des diplomates, et se lit très facilement. Elle convoque des écrivains (Joseph Roth, né aux confins de l’empire austro-hongrois en Galicie, Zweig, Musil, Kafka) aussi bien que des historiens contemporains et des spécialistes de géopolitique rencontrés au cours de son enquête. Son long séjour à Vienne lui a permis d’analyser des fonctionnements de la société autrichienne qui nous semblent opaques si l’on ne comprend pas la trace laissée par l’Empire. Le vaste empire a façonné un territoire immense sur lequel il régnait grâce à de multiples aménagements, des adaptations continuelles, un système d’alliances amenées à se recomposer et des concessions habiles à la Realpolitik. C de Gruyter rapproche cette entité de l’Union Européenne, elle aussi toujours en devenir ; elle l’envisage plus comme un processus que comme un achèvement. Quelques chiffres et comparaisons pertinents réfutent l’idée d’une horde de fonctionnaires européens, quelques parallèles historiques soulignent la spécificité de l’attitude de la Hongrie au cours des siècles. (du Royaume Uni aussi)

L’UE doit parvenir à un équilibre, savoir composer et lâcher du lest du fait de sa fragilité inhérente pour survivre, c’est ce qui la rapproche de l’empire des Habsbourg. Caroline de Gruyter pose la question des limites du « soft power » européen, un marché unique et une communauté de valeurs ne peuvent seuls garantir sa survie.

Ce voyage dans l’histoire et à travers le territoire européen est une immersion passionnante par la qualité des témoignages rassemblés et le style direct de l’auteure.

Les Habsbourg sont une dynastie ayant régner sur l’Europe centrale depuis le moyen-âge. L’ouvrage se concentre sur l’histoire de la famille depuis l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, au 18ème siècle, jusqu’à sa fin, en 1918.

De nos jours, l’autrice Caroline de Gruyter, est une journaliste et politologue néerlandaise qui a été amené à travailler dans le domaine de la politique européenne.

100 ans les séparent et pourtant des similitudes entre ces deux systèmes politiques peuvent nous frapper. La fin de l’un peut-il prédire le futur de l’autre ?



« Monde d’hier, monde de demain » est un essai qui m’a abreuvé d’Histoire dont j’ignorais presque tout. Les Habsbourg, la société d’Europe centrale, la reconstruction des nations déchues après les guerres, etc. Nos livres d’histoires (français, du moins) ne nous racontent presque rien sur eux. L’autrice nous raconte le fonctionnement de l’empire, ses lieux phares, son administration, ses peuples. Certains demandaient l’autonomie, d’autres le défendait. L’empire regroupait plusieurs pays aux ambitions et au mentalités différentes. Pourtant, comment faisaient l’empire des Habsbourg pour la bonne tenue de son système et ce, sur une aussi longue période ? Ces questions peuvent nous interpeller quand aujourd’hui, l’Union européenne se trouve dans une situation identique, décriée et synonyme d’administration inutile. Pourtant, sa place serait d’unir les peuples et elle occupe une place centrale tant économique que diplomatique, qui plus est, nécessaire dans l’ambiance de la guerre en Ukraine (il est important à souligner que le livre a été publier quelques mois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie). Ces dichotomie sont très bien décrites et les enjeux de notre mauvaise compréhension de l’Europe pourrait se retourner contre nous.



L’angle d’attaque du livre est vraiment intéressant à plusieurs niveaux. D’une part, en tant « qu’occidentaux », nous apprenons le tout aussi riche passé de nos voisins d’Europe centrale. Il est toujours intéressant de déplacer le viseur de notre Histoire sur les autres nations.

Comment se sont-elles développées ?

Quel a été l’importance des conciliations entre les peuples et leurs effets ?

Quelles ont été leurs freins et leur leviers pour dans les moments difficiles ?

Ce sont des questions qui peuvent nous inspirer pour résoudre nos propres problèmes européens.



D’autres part, Caroline de Gruyter donne à son ouvrage un ton personnel. L’autrice est d’abord journaliste et cela se perçoit rapidement. Elle décrit son livre, dès l’introduction, comme une sorte de journal de bord, sans véritables finalités. Mais son implication dans celui-ci est véritable. Elle voyage à travers l’Autriche et l’Europe pour nous faire découvrir d’anciens hauts-lieux des Habsbourg et leurs politiques. Elle y effectue des entretiens avec de hauts fonctionnaires européens, des spécialistes et à des membres actuels de la dynastie. Ce point de vue personnel est présent tout le long du livre. Le livre serait-il alors plus une enquête ? Sans vouloir le mettre dans une case (cela ne servirait à rien), qualifier d’enquête « Monde d’hier, monde de demain » nous permet de mieux comprendre le prisme par lequel est y décrit l’Europe actuelle. Ce prisme entre l’Histoire et l’actualité interpelle car il m’a décrit une autre Europe que je celle que j’avais l’habitude de voir (média, discussions quotidiennes). Une Europe du consensus, de la diplomatie entre ses membres. Un lieu plus complexe que je ne le pensais.

Je suppose que Caroline de Gruyter à ses entrées dans les milieux relativement très élevé et elle nous retranscrit sans concession ses pensées avec, comme mire, l’intérêt d’une Europe non pas forte et au dessus des états, mais surtout unies face aux défis futurs et aux puissances voisines internationales qui ne manquent pas de nous déstabiliser.



L’intérêt de ce livre est peut-être ici : par le prisme du passé, nous interpeller sur les risques de voir cette Europe, espace de dialogues et de paix entre des peuples qui ont été souvent en guerre depuis siècles, disparaître.

Voilà un livre qui me tentait, le sujet étant original : comment trouver des similitudes entre l'empire des Habsbourg et l'Union Européenne, la disparition du premier peut-il présager de notre avenir ? Cette Mitteleuropa nous intrigue tant par ses différences que par sa parenté.

C'est un essai, mais d'un genre particulier, le livre tâtonne sans structure rigide. Volontairement, nous annonce l'auteure, il est incomplet et inachevé ( à l'image de l'empire des Habsbourg et de l'Union Européenne ?)

C'est en résidant quatre années à Vienne, que l'auteure a creusé ce sujet.

On imagine très bien les interrogations d'un Européen de l'Ouest au contact avec un autre monde, l'Europe du milieu, où l'empire disparu des Habsbourg est omniprésent dans l'architecture, l'opéra, les cafés, et plus largement le style de vie.

Le livre est tout à la fois un récit de voyage, de rencontres et comporte quelques répétitions. Une carte, un arbre généalogique des Habsbourg, et des photos personnelles documentent et agrémentent la lecture.

La partie concernant l'histoire est intéressante, bien documentée avec des références littéraires Zweig, Roth notamment. On retrouve les déchirures sur lesquelles l'Europe s'est construite, la cohabitation pacifique entre des peuples très différents, la fragilité de l'édifice. La partie sur le monde de demain est plutôt une analyse du monde d'aujourd'hui. L'auteure relève plusieurs similitudes entre les deux mondes : la nécessité constante de compromis imparfaits, l'importance des frontières et des débats sur l'immigration, la protection apportée par l'Union , pas seulement contre les guerres.

En conclusion l'auteure nous livre quelques réflexions sur l'institution européenne : il faudrait davantage informer ses peuples sur son fonctionnement réel et ses réalisations.



Je remercie les éditions Actes Sud et Masse critique de Babelio pour cet envoi !

Ce livre écrit par une journaliste néerlandaise est passionnant. Non pas par son style que l'on peut dire très journalistique et ses fréquentes redites. Mais par sa comparaison entre l'empire des Habsbourg qui a tenu six siècles et l'Union européenne.

Comment le multiculturalisme et multinationalisme serait non seulement une richesse de l'Europe mais également une condition de sa richesse et de son maintien démocratique.

Les peuples râlent contre les eurocrates mais veulent continuer à être protégés par "Bruxelles". Comme les Tchèques et les Hongrois se rebellaient contre Vienne mais rester sous sa protection.

La journaliste néerlandaise Caroline de Gruyter, spécialiste de l'Union Européenne, forte de son expérience professionnelle et personnelle (elle a vécu notamment à Bruxelles et à Vienne) propose dans cet essai un comparatif entre l'empire austro-hongrois des Habsbourg et l'Union Européenne actuelle. Comme l'auteure l'explique très bien en introduction, elle n'est pas une universitaire spécialisée dans l'une ou de l'autre question qu'elle pourrait traiter selon un angle historique, politique ou sociologique, et elle ne prétend pas faire une étude comparative exhaustive. L'idée de départ m'a semblé très intéressante et pertinente, tant les ressemblances sont frappantes (une communauté de peuples divers qui cohabitent bon gré mal gré sous une structure commune qui évolue lentement, et par à-coups). Son propos se construit au fil des rencontres qu'elle a faites avec des descendants des Habsbourg, des décideurs politiques ou même son voisinage. Le texte mêle donc toutes sortes de considérations ; c'est là son intérêt, mais aussi sa principale faiblesse. Car on alterne entre propos politiques ou historiques bien construits et pertinents, remarques plus banales, voire sociologie de comptoir. Au bout d'un moment, le texte tourne un peu en rond et les mêmes idées se répètent. Un documentaire très intéressant donc, avec un angle d'attaque original, mais qui aurait probablement mérité d'être plus resserré.

Caroline de Gruyter est une Européenne de nationalité néerlandaise qui publie régulièrement dans les grands quotidiens européens (dont De Standaard en Belgique). Elle est journaliste et couvre l'actualité européenne, en particulier celle de l'Union. Elle parle un Français remarquable, le Néerlandais bien sur, mais tant d'autres langues européennes, ce qui lui a permis de rencontrer les grands d'Europe dans leur langue. Elle a vécu dans différentes capitales européennes, dont Bruxelles et Vienne. Arrivée dans cette dernière, sa curiosité naturelle l'a amenée à comprendre l'histoire de sa nouvelle ville et notamment le palais de la Hofburg, jadis palais impérial, siège du pouvoir des Habsbourg, qui ont régné sur un vaste territoire mais surtout une multitude de pays, de langues, de cultures, de religion pendant plus de 6 siècles.



Ces découvertes lui ont donné une idée lumineuse : comparer ce vaste empire disparu dans les affres de la 1e guerre mondiale avec l'Union européenne née des affres de la 2e guerre, elle-même suite épouvantable de la première, mal terminée.



Ce livre raconte cette invraisemblable comparaison. Il est absolument passionnant à montrer en quoi des deux ensemble ont permis des relations pacifiées entre les peuples, les langues, les religions tout en promouvant un réel essor économique. Elle montre comment une bureaucratie bien pensée a permis de créer ce cadre commun tout en laissant une large autonomie locale. Marie-Thèrese, impératrice au XVIIIe a doté son empire de cette structure de gouvernance, comme la commission et les états membres le firent à partir de 1958 (et rappelle que la ville de Paris a plus de fonctionnaires que toute l'Union européenne).



Elle démontre avec conviction la lenteur, la faiblesse, la fragilité, la complexité de ces deux institutions, mais ce sont précisément ces caractéristiques qui en font la force.



Elle mobilise le patrimoine culturel de l'Autriche-Hongrie, S. Zweig bien sur, mais elle rend un indispensable hommage à Joseph Roth qui par ses romans sut rendre si prenante la nature particulière de cet empire multiculturel et cosmopolite (et qui par ses essais d'une brûlante actualité alerta sur la montée du populisme et du nazisme). Elle évoque évidemment l'ouvrage majeur de C. Magris "Danube".



C. de Gruyter rend aussi hommage à Otto de Habsbourg, fils du dernier empereur qui milita toute sa vie durant, non pas pour la restauration de l'empire de ses aïeux mais pour la construction européenne, notamment en siégeant longtemps au parlement européen.



Les Habsbourg furent les souverains des Pays-Bas bourguignons, devenus ensuite espagnols, puis autrichiens depuis le mariage de Marie de Bourgogne avec le futur empereur Maximilien 1er en 1477 jusqu'à l'invasion et l'occupation française de 1792. C'est à Gand que naquit l'empereur Charles Quint, sans doute le plus prestigieux de la dynastie, et à Bruxelles qu'il abdiqua. Des princesses belges épousèrent au XIXe siècle des archiducs autrichiens. Deux rues rendent hommage aux anciens Souverains Marie-Thérèse et Joseph II.



Le livre porte surtout sur l'histoire des possessions danubiennes, mais cela ne l'en rend pas moins passionnant, vu d'Europe de l'Ouest.



Au final, il raconte ces deux "empires" de façon passionnante, en alternant les anecdotes de la vie quotidienne, les rencontres de personnes célèbres, la découverte de palais et musées ou les analyses plus pointues de géopolitique. L'excellente traduction d'O. Vanwersch-Cot renforce la qualité de lecture.



Il y a longtemps que je n'avais pas lu un éloge aussi convaincant de l'union européenne et de l'idée impériale, à ne pas confondre avec l'impérialisme : il s'agit ici de fédérer par le dialogue et la paix et non pas de conquérir un territoire pour lui imposer un mode de vie.



C'est à la chute de l'empire des Habsbourg que l'on a compris la catastrophe qu'elle signifiait (cf. François Fejtö : Requiem pour un empire défunt). Chérissons donc notre Union Européenne

Alors que le centre de gravité du continent se déplace vers l’est, ce livre très vivant évoque l’Europe centrale au temps des Habsbourg.
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