Catherine Bernard (II)

J'ai lu d'une traite ce récit de vie, d'une sincérité confondante...

Texte personnel d'une ancienne journaliste passionnée, engagée... et un jour, la rupture, la saturation de la violence, d'un trop- plein... et la remise en cause à la fois de sa vie intime et de sa profession...



"C'est là, comme la goutte d'eau de trop dans un vase qui se remplit chaque jour, que le journalisme m'a quittée, ou plus exactement, quelque chose de ce métier embrassé à vingt ans la fleur au bout du fusil m'a quittée dans l'enceinte des murs de la justice des hommes où l'on est aussi et peut-être même surtout son propre juge.... (...) il ne m'a plus été possible de tenir la posture de l'objectivité, doxa du journalisme moderne. Finalement qu'est-ce que l'objectivité, si ce n'est regarder le spectacle du monde et en rendre compte du haut d'un arbre, la conséquence étant d'écraser celui qui lit au lieu de l'amener à penser ?" (p. 58)



J'ai toujours été admirative, fascinée...par les personnes qui , un jour, quittent tout, recommencent une autre existence, entreprennent des choix originaux, et aux antipodes de leur ancienne vie... Des bilans , des remises en question... pour aller à l'ESSENTIEL...en dehors des chemins connus, en dehors des rails !!! Des leçons de vie... vivifiantes, toniques, et positivement "secouantes" !



C'est le cas de cette ex-journaliste, Catherine Bernard, qui abandonne en 2004 le journalisme, et part dans les Cévennes mettre en oeuvre son changement de cap : cultiver ses vignes [ dont elle a publié en 2011, le récit, " Dans les vignes, chroniques d'une reconversion" ]



Un récit que j'ai lu d'une traite, emportée par le style très vivant de Catherine Bernard, des réflexions profondes sur notre société de l'Information, du journalisme et de la nécessité d'un vraie déontologie...,

éthique, objectivité (bien difficile à tenir...parfois ), le retour aux sources, les plaisirs intenses d'un retour à la nature, à la terre, à une sorte d'humilité..., les retrouvailles avec des valeurs vraies, loin des des médias et des feux de la rampe ! Un écrit dynamique, aussi dérangeant que tonique, positif, rempli d'humanité et d'émotions...fortes !

Catherine Bernard a longtemps été journaliste dans la région nantaise. A 40 ans, en plus des mots qui la constituent, elle ressent l'appel des vignes et achète trois hectares d'une parcelle - La Carbonelle - en coteaux du Languedoc et devient une néo, une femme d'ailleurs qui s'installe comme vigneronne. Une double étrangère dans l'univers viticole macho et vieillissant de Saint Drézéry, commune de l'est de Montpellier. Commence alors non pas une aventure, terme trop galvaudé, mais une renaissance, une reconversion, un nouvel apprentissage au rythme de la vigne, sa taille, son entretien, sa vendanges, des achats à faire en amont puis après l'embouteillage. Elle raconte le nouvel univers qui est le sien, qu'elle apprivoise sans totalement y adhérer, dont elle veut comprendre l'histoire tout en gardant sa liberté d'innover et d'être libre de toujours aimer la fraîcheur et l'acidité des vins de Loire, ses amours d'antan. Mois après mois, elle dévoile sa première année, son premier cru, ses premières bouteilles.



Dès les premières pages, ce récit me séduit. D'abord par la femme qui se dessine derrière cette plume, cette écriture maîtrisée, nette, agréable. Et puis par le thème et sa proximité géographique. Je réalise ensuite qu'il s'agit de la même vigneronne ayant publié son cri d'alarme à l'heure du pic de canicule du 29 juin 2019 dans l'Hérault et le Gard quand nombre de pieds se retrouvèrent brûlés au chalumeau des cieux.

A la fois pédagogique, le récit qu'elle fait de sa première année nous emmène vraiment dans les vignes, dans ses vignes et un peu les autres de la région, au magasin Gamm Vert de Castries, héritage de la Copal destinée aux viticulteurs, pour s'équiper, nous dit les cépages typiques comme le marselan, ce métis né à l'Inra en 1961 d'un croisement Grenache et Cabernet Sauvignon, et vivant en cépage clandestin de l'appellation Coteaux du Languedoc. Elle nous parle de la bureaucratie viticole, de la Safer aux déclarations de récolte, en passant par l'organisme de certification bio. Elle parle de la solitude du vigneron, et des technico commerciaux et oenologues qui dispensent leurs conseils qu'elle suivra ou non. Elle nous parle de son Nouveau Monde sur lequel elle s'installe sans être tout à fait d'ici, ses vignes qu'elle dompte en conquérante, sa terre qu'elle apprend à écouter. Et la lire nous parler est un pur bonheur.

D'elle il faudra assurément que je lise Une place sur terre ...
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