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Citation de le_Bison


En 1974 encore, je perds ce qui me restait de virginité vaginale dans une Plymouth 1970 Superbird Road Runner violette au toit noir. Nous allons le soir, toute une bande d’amies de Veronica Lane, Linda, Pamela et Patricia, dans un bois derrière le K—Mart pour nous entraîner à l’hétérosexualité, à ses pratiques éclairs et à des techniques de blow job qui vont faire de tous nos petits copains de l’époque des pères de famille éjaculateurs précoces, des batteurs de femmes, des violeurs en série ou des hommes adultères qui se feront une collègue dans un motel lors de voyages d’affaires à Detroit. La sexualité est somme toute à l’époque moins ennuyeuse que ma famille. Et puis parfois cela me rapporte un peu d’argent que je peux dépenser au K-Mart où je vais jusqu’à trois fois par jour pour m’acheter du vernis à ongles et me faire rembourser mes flacons achetés la veille dont je n’aime pas la couleur. Toutes mes copines prennent la pilule. On s’arrange avec des sœurs ou des amies un peu plus grandes que nous. Il ne faut pas tomber enceinte. Ca, c’est sûr. Cela pose trop de problèmes. L’avortement n’est pas évident dans le Michigan pour les enfants de treize ans dans les années soixante-dix et les faiseuses d’anges se font rares. Quand on est mal prises, on s’entraide le week-end avec des aiguilles à tricoter dans les cuisines désertées par des parents partis faire des courses à Saginaw. Mais rien n’est vraiment sûr et les perforations d’utérus ou les hémorragies tragiques sont à craindre. Pour les malchanceuses, elles conduisent à l’urgence de l’hôpital et aux aveux. La mort est presque préférable. Néanmoins, « les filles qui ne couchent pas » sont encore plus connes que nous, « les filles des voitures », « les filles des aiguilles à tricoter ». Elles rêvent de se marier avec des gars qui ont passé leur jeunesse à enfiler les femelles humaines et animales des environs, après les matchs de football par exemple où l’on finit toujours par enculer une jument ou une femme sans observer une différence sensible. « Les filles qui ne couchent pas » rêvent de se faire faire en douceur des gosses par des crétins aux yeux bleus et à la bite molle, frileuse, anesthésiée. Elles rêvent d’une maison plus grande que celles que l’on trouve à Veronica Lane. Elles rêvent d’un driveway dans lequel il y aurait quatre ou cinq voitures, une vraie piscine creusée comme celle de ma tante et de mon oncle et non pas une piscine hors terre comme toutes celles qui jonchent les cours du quartier. Elles rêvent d’une boite aux lettres dans la fente de la porte d’entrée, et pas d’un contenant en métal, collé à celui des autres. Elles rêvent de mariages blancs et de larmes sincères. D’aiguilles à tricoter aussi, mais pour la layette de bébé. Moi, je ne rêve jamais à rien. Surtout pas à l’avenir.
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