Lucie intervient, les sourcils froncés :
-Papa ne nous a jamais parlé de son grand-père. Ni de sa grand-mère. Vous habitiez tout près d'eux, pourtant, quand il était petit. Moi, j'aimerais bien vivre moins loin d'ici et pouvoir venir te voir plus souvent... En tout cas, quand je serai maman, je suis sûre que je parlerai de toi à mes enfants !
Deux paires d'yeux ronds la dévisagent d'un air intrigué. Elle prend son vieil album qu'elle a déposé la veille au soir, avant d'aller se coucher, et s'assied au milieu du canapé, tapotant de la main les places laissées libres de chaque côté. Lucie et Théo s'y installent à leur tour et se blottissent contre elle.
Dans les temps anciens, c’était à la nuit tombée du solstice d’été que les mages récoltaient leurs herbes et plantes médicinales, pour profiter de toute l’énergie du soleil qui s’y était concentrée en ce jour le plus long de l’année. Pendant que les enchanteurs s’affairaient à leur cueillette, le commun des mortels allumaient de grands feux de joie, autour desquels ils dansaient. Il se disait que le voile entre le monde des vivants et celui des morts était mince lors de la fête de Litha, et que si l’on s’éloignait du feu, on pouvait croiser des esprits. Selon la légende, il suffisait même d’un pas distrait posé sur du millepertuis pour être propulsé au pays des fées.
Elle était décrite comme une femme d’une grande beauté, aux longs cheveux d’un noir de jais et à la peau diaphane. Ses yeux étaient d’un vert sombre et profond, de la couleur des sapins. La légende raconte qu’elle apparaissait parfois aux mortels qui s’étaient laissés surprendre par une tempête de neige. Sa complainte les guidait jusqu’à elle et son regard sondait leur âme.
– Mais, Théo, c’est une légende ! Dans les légendes, t’as pas une fée qui arrive et qui te donne des sous, et après, paf, ça y est, l’histoire est finie !