Qu'est-ce qu'une rencontre? C'est un transfert de présence. Un transfert secret, éminemment singulier, qui incessament réinvente l'autre en soi. Après s'être quittés, ceux qui se sont vraiment rencontrés se sentent plus présents à eux-mêmes, plus vivants, plus aimants.
On renaît toujours de ce que l'on a consenti à perdre.
On ne passe pas une vie indemne. Tout homme, un jour ou l'autre, se trouve contraint à perdre. C'est plutôt une chance, car ce à quoi il renonce lui sera rendu, d'une autre façon, à un autre niveau, transformé, transcendé.
J'ai grandi, voyez-vous, avec cette idée-là, ma mère pouvait à tout instant rendre l'âme. Il m'imcombait cette mission secrète, inconnue de tous, d'arrêter l'hémorragie. J'étais le garrot de son être toujours en fuite. Les autres enfants semblaient insouciants. Je m'en étonnais... Je sais aujourd'hui que c'est toujours ainsi. Lorsque l'enfance est heureuse, le bonheur s'impose comme un lieu commun. Lorsqu'elle ne l'est pas, le malheur devient un désastre personnel.
"Âme", le mot est bref, un seul son mêlé d'un peu de souffle, presque un murmure. À peine prononcé, il ouvre l'espace, suggère une échappée.
Ainsi enlacés aux mots, quelques instants, au bord de l'abîme, nous dansons. C'est une folie douce.
Les petits malheurs se racontent. Les grandes douleurs sont vouées au silence. Mais ce n'est pas si simple car sous les petits malheurs bavards, il y a parfois de grandes douleurs muettes.
Lieu inentamé, vierge encore de parole. Au bord des rideaux mal joints, la lumière s'impatiente. Elle voudrait bondir. Bientôt elle envahira l'espace. Suivront les paroles, les pensées, les souvenirs, les regrets et les désirs, les parfums et des larmes.
Me vient l'idée d'arrêter l'intruse, de la remettre à sa place. Pour qui se prend-elle ? Je me résigne. On ne peut lutter contre le jour.
tout ce qu'un enfant met à disposition de sa mère blessée, il s'en prive irrémédiablement et s'en trouvera plus tard apauvri. La faille naît toujours de s'être logée dans la faille d'un autre. Ainsi s'incarne-t-elle en secret d'une génération à une autre. Le mal est ancestral.
L’Âme de l’enfant est si légère qu’elle se détache sans bruit. Celui qui s’en sépare ne le sait pas.