Laurence, 31 ans, avoue avoir été soumise à une compagne pendant plusieurs années, avant de « craquer » et de la quitter : « cette expérience fut désastreuse, cette femme, plus âgée que moi, était très autoritaire, très étouffante : elle savait tout, je sentais bien qu’elle me détruisait. Je me trouvais comme ces femmes battues qui restent sans trop savoir pourquoi, mais en même temps je l’aimais et je ne pouvais rien faire. » La violence physique peut alors faire son apparition comme dans n’importe quel couple hétérosexuel à partir du moment où le dialogue est rompu.
Tout comme Anne, maître nageur dans l’est de la France, mariée depuis six ans, deux enfants : amoureuse à 27 ans d’une femme, le divorce s’impose d’autant plus pour elle, que son mari, à peu près dans le même temps, s’est lui aussi découvert homosexuel.
Dire son homosexualité, un médecin ne soulève pas, aujourd’hui, de problème majeur. […] « Il y a 10 ou 15 ans, dit Juliette, 52 ans, c’était l’étonnement garanti. Aujourd’hui, le corps médical a évolué, comme le restant de la société. »
Gabriel a 86 ans, elle a traversé deux guerres, a eu deux maris et trois fils : « j’ai voulu savoir, un jour, écrit-elle, si le mot « bonheur » avait un sens. Je peux vous dire que je l’ai trouvé avec une femme. Je ne vous en dirait pas plus, c’était trop beau, trop vrai, trop… tout ! C’était une île de beauté dans ma vie monotone et qui va vers sa conclusion naturelle, la mort. Je ne veux pas en parler, ni même déflorer cette histoire qui m’appartient et dont je garde jalousement le secret. Ce fut comme une initiation, comme un voyage dans l’indicible. J’étais bien tombée ? Oui, peut-être, j’étais si bien tombée que jamais plus, ni avant, ni après, je n’ai pu relever le niveau de ma vie à une hauteur digne de ce que j’ai vécu ce moment-là. Je devance votre question et le mot de la fin : ça n’a pas duré parce que la perfection et le bonheur ne peuvent pas se vivre sur cette terre. C’est tout. »
« Je peux dire aujourd’hui, à l’âge de 43 ans, me dit Hélène, que le viol subi dans mon enfance, lorsque j’avais huit ans, par un jeune apprenti de 15 ans, m’a influencée dans mon choix sexuel. Pendant des années, j’ai vécu avec ce souvenir enfoui dans mon corps, sans oser en parler avec qui que ce soit. J’avais une trouille bleue des hommes. J’aurais peut-être pu surmonter cette épreuve si la relation avec mon père avait été meilleure… Comme j’avais l’impression que les mâles avaient le pouvoir et la force de faire le mal, il n’y avait qu’une façon de s’en sortir : se passer d’eux… Par la suite, lorsque je faisais l’amour avec un homme, je revivais ce viol, et l’acte d’amour se transformait en acte de torture, alors qu’avec les femmes, que j’ai découvertes plus tard, j’étais totalement décontractée… »
Les boîtes sont-elles des lieux de rencontre ? On peut se poser la question. « J’aime bien danser, dit Mathilde, mais les boîtes de lesbiennes, si tu n’y vas pas avec plein de copines, c’est déprimant. Tu te retrouves très seule. Draguer ? Peut-être ! Mais si tu abordes une nana, comme ça, directement, tu te prends deux baffes. D’un autre côté, on voit que les filles qui fréquentent les boîtes n’ont pas vraiment envie de discuter avec toi. » Témoignage sombre d’une désenchantée ? Nombreuses sont celles qui font le même constat. Patricia reconnaît qu’elle va « rarement seule » en boîte, car « on ne s’y fait de toute manière aucune relation, aucune amitié ; on dirait que les filles ont peur d’être abordées », dit-elle.
Pourquoi préférez-vous les femmes ? « Pour la douceur, la tendresse, la fragilité », « Parce qu’elles ne « piquent pas », parce que leur torse est sans poils », « Parce qu’elles ont la peau plus douce », etc. Cette profusion de douceur, de tendresse, de tranquillité que l’on retrouve dans la quasi-totalité des témoignages, comme trop de miel, trop de sucre, finit par coller aux dents et donner mal au cœur… Pourquoi cette image de douceur à tout prix ? Si l’imposition d’un pouvoir passe souvent, chez l’home, par une violence sexuelle, la violence est aussi présente chez les femmes et les lesbiennes. Pourquoi le nier ? Éliette a reçu des coups de son amie.
La Gay Pride, journée de fierté gay : en 1969, les émeutes de Stonewhall, marquent la première grande prise de conscience gay, et depuis ce jour, une fois par an, au mois de juin, un peu partout dans le monde (et parfois même dans des pays où l’homosexualité est encore un délit), des gays et des lesbiennes se rassemblent. Au fil des années, et, selon les époques, la Gay Pride prendra des visages différents : très revendicatrice certaines années, plus festive d’autres, c’est l’occasion de se rencontrer, et pour des lesbiennes, des homosexuels vivant toute l’année très isolés, c’est un peu de baume au cœur.
Patricia, qui dit avoir été amoureuse de femmes dès l’âge de cinq ou six ans, d’une manière très naturelle, reconnaît qu’elle ne prend conscience de son homosexualité que vers 17–18 ans : « Jusque-là, dit-elle, je me pensais asexuelle. Je n’étais pas attirée par les hommes, j’étais attirée par les femmes sans coller sur ce « fait » l’étiquette « homosexualité » qui ne me plaisait guère. À 19 ans, je suis tombée amoureuse d’une femme de 30 ans ; mais il ne s’est rien passé entre nous et j’ai déguisé en amitié cet amour-passion. Je n’ai jamais sus ses sentiments envers moi ».
Annick, elle, au début des années 60, va se heurter à la répression des adultes, dans son milieu scolaire, relayée ensuite par ses parents : « je ne l’ai pas caché, dit-elle, pas au début, puis, au bout de quelques mois, oui, à cause du déchaînement des adultes : répression, conseil de classe, mesures coercitives, renvoi du lycée. J’en avais même parlé à ma mère qui, dans un premier temps, ne m’a pas « prise au sérieux »… Les autorités du lycée ont pris soin ensuite de me désigner comme « anormale », et d’obliger mes parents à participer à mon « redressement ». »