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Citations de Cécile Campergue (197)


Les premières retraites des années 1980 et aussi celles qui suivirent ont connu des difficultés diverses concernant les retraitants et leur encadrement (pendant et après celles-ci) ; l'engouement des disciples pour la retraite était important et tous les lamas tibétains n'ont pas forcément mesuré les impacts sociaux, économiques et mentaux d'une telle rupture avec le monde. Effectivement, il n'y avait pas ou peu de préalables requis pour entrer en retraite. Dépressions, tentatives de suicide et personnes ayant développé des pathologies de type psychotique ou schizophrène sont à noter. Les préparations à la retraite n'existaient pas toujours (chez les Nyingma, seule l'appréciation du maître prévaut) ou alors, les critères d'admission n'étaient pas réellement définis pour qu'un retraitant soit considéré apte à entrer en retraite*.
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* Les dispositions mentales, affectives et intellectuelles des personnes qui entrent en retraite de longue durée ne sont pas toujours prises en compte.
p. 178
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Weber (Max) écrivait que dans la religion tibétaine, les tülkou étaient tous « des sauveurs en vertu d'un charisme magique » et que la “théorie de la sainteté” est au « fondement de la hiérarchie lamaïste ». Avec le système des tülkou, nous sommes en face d'un charisme d'ordre magique tout autant que d'un charisme institutionnel. Tous les lamas ne sont pas des tülkou, d'autres sont pourvus d'un charisme de fonction et/ou d'un charisme personnel ; ces charismes venant s'ajouter au charisme gentilice (liée à la lignée) dont tous les maîtres tibétains (mais aussi les Occidentaux ayant intégré la lignée) sont porteurs.
Les avis concernant la validité d'un tel principe en Occident sont divergents mais ils ne sont pas réductibles à l'adaptabilité aux valeurs des sociétés occidentales prônée par certains maîtres ; des maîtres occidentaux souhaitent l'adaptation totale du dharma au contexte occidental en maintenant ce système alors que d'autres, qui le critiquent, le rejettent. Les lamas tibétains souhaitent le voir perpétuer car il est fondamental dans leur tradition (même si certains déplorent une certaine corruption en son sein). Les reconnaissances de chefs de lignée sont d'une importance capitale pour assurer la continuité et, comme au Tibet avant 1959, des enjeux politiques et économiques viennent se greffer au choix des réincarnations.
p. 166/67
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Tülku - Bishop en distingue trois niveaux : les lamas de bas niveau qui ont une renaissance pour une bonne vie méritoire ; des êtres quasi-parfaits correspondant à des virtuoses religieux réincarnés pour leur mission et enfin, des lamas incarnés qui correspondent au sens complet du terme tülkou, manifestation d'un Bouddha éveillé. Lorsque les Tibétains utilisent ce terme, nous dit Samuel, le sens est variable et souvent il s'agit d'une renaissance. Souvent, les deux phénomènes sont combinés, un lama va être considéré comme une émanation d'une déité tantrique et comme la renaissance d'un lama défunt. L'éducation des tülkou, notamment ceux de haut rang, obéit à des règles strictes et codifiées. Elle est confiée à la charge de tuteurs qui doivent veiller à son apprentissage intensif de la pratique, de la discipline et des enseignements. Le tülkou est au centre de la vie du monastère dont il participe à son prestige, c'est un extraordinaire pourvoyeur de fonds et, dans les monastères qui n'appartiennent pas à l'État, le tülkou est propriétaire terrien*. Les tülkou se situent au top de la hiérarchie religieuse en tant qu'avatar du Bouddha. Ces lamas réincarnés détiennent un pouvoir social et spirituel mais également un “pouvoir symbolique” nous dit Bishop. Les lignages spirituels sont organisés autour de la transmission de l'énergie spirituelle (les bénédictions, la grâce) que les tülkou les plus importants sont censés incarner, représentants « the divine into the mundane social world ». L'auteur note que dans la culture tibétaine, il existe deux traditions parallèles de continuité, la parenté sociale et la réincarnation institutionnalisée. Weber écrivait que dans la religion tibétaine, les tülkou étaient tous « des sauveurs en …
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* Le palais du supérieur, labrang, est un pôle économique majeur car il gère les biens du hiérarque. Le tülkou perçoit différentes taxes des terres qui lui appartiennent (grains, tenures, etc.).
p. 166
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Les rituels propres au bouddhisme tibétain sont aussi à prendre en compte car certains font appel à une consommation de viande. Par exemple, dans les rituels d'offrandes et notamment lors des fêtes rituelles de tsoks (« rassemblement »), il est commun de consacrer de l'alcool et de la viande (en plus des tormas, « gâteaux rituels »), des fruits et des sucreries. Une fois consacrées, ces substances peuvent être consommées de manière tout à fait légitime, sans référence à un interdit*.
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* Dans bien des centres français, même dans les monastères, certains tsok peuvent fournir une occasion de consommer de l'alcool (même pour les moines).
p. 152
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Dans son article sur le bouddhisme comme acteur social, Rommeluère écrit que l'engagement bouddhiste actuel prend des formes variées : « aide aux malades, aux indigents et à tous les laissés pour compte », ce qui ne semble pas tout à fait correspondre à la majorité des centres que nous avons étudiés en France et ailleurs.
Il existe néanmoins un terrain que les autorités tibétaines ont investi, d'abord timidement dans les années quatre-vingt, puis de manière renforcée après les années 2000 : le végétarisme et la défense de l'environnement(1). Comme le souligne l'ethnologue Guillaume Rozenberg, spécialiste du bouddhisme birman, « le végétarisme n'est jamais doctrinalement recommandé »*.
Dans le bouddhisme tibétain, le végétarisme n'a jamais été une pratique standardisée et plébiscitée par les élites religieuses même si des écrits de quelques maîtres encouragent la non-consommation de viande.
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« Végétarisme et Sainteté dans le bouddhisme du Theravàda. Pour une relecture des sources anciennes de la réalité contemporaine », Archives des Sciences Sociales des Religions, 2002, 120, octobre/décembre 2002, pp. 5-31 : 26.
p. 151/52
(1) https://www.midilibre.fr/2022/05/08/coeur-dherault-sagesse-pour-la-terre-lalliance-du-bouddhisme-et-de-lecologie-10281857.php?fbclid=IwAR2Irpw4NQ6EzbFpe92XP5wNDw2tWEtpSy9F4Ycr97DeUzV_aJKHuWNFrmE
Nous assistons là, à une reconversion «du marché» après le scandale autour de Sogyal Lakar des années 2017, avec la participation commerciale active de divers intervenants régionaux ... «tout est oublié» à défaut d'être "pardonné" dans une résilience salvatrice, ce qui devrait être le cas dans ce genre d'endroit prétendument «spirituel», mais bon, le business c'est le business .— (note du transcripteur)
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Les premiers centres des années 70 étaient plutôt dans une logique de construction, d'établissement et de pérennisation et la dimension économique était centrale. Ils étaient très peu portés sur l'action sociale et tout était à construire. Une fois les centres bien établis, le secteur de l'action sociale engagée n'a pas été pleinement investi. Outre le soutien de la cause tibétaine, politiquement et idéologiquement fédératrice, c'est principalement par le biais de l'accompagnement des mourants et des personnes en deuil que l'action sociale s'est développée*. Les associations créées par les centres sont surtout des associations qui interviennent pour venir en aide à la communauté tibétaine en exil ou au Tibet même, en Inde et au Népal. Il faut souligner que de nombreux convertis ne perçoivent pas l'engagement dans la société comme un enseignement bouddhiste même s'ils sont par ailleurs engagés dans le secteur social. Le karma est parfois utilisé chez certains pour justifier les positions et les situations sociales des personnes et l'impossibilité d'interférer contre cette loi jugée immuable. La rhétorique compassionnelle indifférenciée et passive, justifie ainsi l'absence d'action sociale et d'aide directe à autrui. Bien d'autres fidèles s'investissent dans des associations à vocation humanitaire et sociale et se sentent pleinement concernés par l'aide à autrui mais ils étaient souvent engagés avant même de s'intéresser au bouddhisme.
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* La mort et sa gestion, comme nous l'avons déjà dit, apparaissent comme une “spécialité” des lamas tibétains et permet de toucher un public large, puisque tout le monde meurt...
p. 150/51
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La méditation ainsi plébiscitée est-elle un « nouveau Prozac » laïque se questionne Faure ? Qu'en est-il de l'expansion massive de la méditation Mindfulness ? A-t-elle des liens avec la méditation bouddhique et pourquoi parle-t-on de méditation “laïque” ? Le terme même de méditation est problématique car il est, comme bien d'autres termes, connoté par des siècles de christianisme. C'est sous l'influence jésuite que le terme a été choisi pour traduire les mots bouddhiques que sont bhavana “culture mentale”, samadhi, recueillement, “absorption méditative” et dhyana (une étape de la culture mentale) employé en Chine et en Extrême-Orient comme terme générique synonyme de bhavana (voir le chan et le zen).
p. 136/37
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La science, dans le discours du Dalaï-Lama est, comme le note Liogier, tantôt appelée à confirmer des hypothèses “bouddhistes”, tantôt reléguée au rang “d'abomination moderne”. Ce double positionnement est lié à l'auditoire différencié du Dalaï-Lama et à son pragmatisme qui permet de jongler d'une idée à une autre sans contradiction. Cette supposée concordance entre le bouddhisme et les neurosciences, si médiatisée et servant de légitimation à l'expansion du bouddhisme et surtout à ses formes pratiques dont la méditation, point de focal pour envisager la convergence, n'en reste pas moins problématique comme le rappellent Lopez et Faure. Ces chercheurs soulignent que les points de désaccord sont passés sous silence (par exemple, la cosmologie bouddhique est loin d'être compatible avec la science occidentale) ; la méditation changerait les structures neuronales, ce qui est, en soi, non exceptionnel ; la base expérimentale est restreinte (la collaboration entre quelques scientifiques bouddhistes et des méditants dont M. Ricard), la confirmation est biaisée et le protocole peu rigoureux.
p. 136
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C'est le développement personnel (l'épanouissement personnel) et la quête de bonheur (l'injonction au bonheur bien soulignée dans l'essai critique de Pascal Bruckner L'Euphorie perpétuelle) qui dominent le formidable marché du “spirituel ”. Dans ce marché, le bouddhisme occupe une place de choix et il est devenu plus que jamais un objet de marchandisation et de commercialisation (statuaires, images, iconographies, objets divers, livres, CD, films, etc.). Dans ce registre, bien des maîtres du bouddhisme tibétain ont adapté leur enseignement en incorporant des éléments non bouddhiques afin de mieux correspondre aux attentes de leur nouvel auditoire, quitte à proposer un enseignement de type New-Age. Dans leur rhétorique du bonheur, de la paix, de la responsabilité individuelle et de la liberté, ils participent pleinement au capitalisme néolibéral, qui, même s'ils le critiquent parfois fortement, concourt à le faire perdurer.
p. 131
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Samten Karmay note que les bouddhistes ont toujours cherché à convertir les Bönpo. Le Bön assimilé dispose de sa propre collection de textes, Kangyour et Tengyour. Ils n'ont également pas de « système de réincarnation institutionnalisé même s'ils ont reconnu, plus tard, vers le XIXe siècle, un certain nombre de réincarnations sur le modèle bouddhiste. » Les Yungdrung-Bön auraient intégré les formes de Bön indigène, ce qui les incite à se poser comme détenteurs de « la vraie, l’authentique tradition du Tibet ».
p. 124
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Le livre tibétain de la vie et de la mort, se doit d'être analysé pour son énorme succès (traduit en 34 langues dans 80 pays). Dapsance écrit qu'il aurait été tout spécialement conçu par Sogyal Rinpoché pour “bouleverser la conception occidentale de la mort et de la vie” en joignant « une tradition spirituelle ancienne et habilement adaptée à un public occidental, urbain, cosmopolite ». Le succès de l'ouvrage précipitera d'ailleurs son auteur, devenue une véritable star dans le champ de la spiritualité, dans une carrière internationale comme le note Dapsance, tout en développement un programme d'accompagnement des mourants (“programme d'accompagnement spirituel” en 1993). Dans celui-ci, on retrouve d'un bout à l'autre, une réflexion sur les “écueils spirituels de l'Occident comparés à la supériorité spirituelle des Tibétains, présentée comme issue d'une constatation personnelle”. Sogyal souligne qu'il fut choqué lors de sa première venue en Occident : « Malgré ses prouesses technologiques, la société moderne occidentale ne possède aucune compréhension réelle de ce qu'est la mort, ni de ce qui se passe pendant et après celle-ci ». Dapsance a bien montré que la dévalorisation qui procède de l'Occident (“désert spirituel”) reprend des thématiques chères à la vision théosophique du monde, ce qui évidemment, ne représente pas un cas isolé puisque bien d'autres maîtres tibétains vont poser les mêmes constats et vont s'ériger comme les détenteurs d'une tradition supérieure.
p. 108
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La lecture du Bardo Thödöl, texte-trésor attribué à Padmasambhava et découvert par Karma Lingpa, se destine au défunt pour guider son principe conscient jusqu'à sa prochaine renaissance (jusqu'à 49 neuf jours après sa mort). C'est une œuvre liturgique constituée d'un ensemble de textes utilisé lors des rituels funéraires qui présente les six bardos : l'existence, les rêves, la méditation, la mort, la réalité absolue et le devenir. Dans les traductions du Bardo-Thödöl comme dans celle de Cornu, on trouve tout un chapitre sur des textes associés à ce dernier, et qui concernent directement les différents types de transfert de conscience mais aussi des textes présentant des rituels pour guider le défunt hors des destinées, inconnus du monde tantrique indien, apparus dans les écoles Nyingma et Bönpo, avec l'influence, comme le note Cornu, de survivances pré-bouddhiques : il s'agit donc « d'un élément important de l'acculturation des états intermédiaires dans la culture tibétaine ».
p.107
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Bokar Rinpoché, dans « Mort et art de mourir dans le bouddhisme tibétain », précise aussi que renaître en Déwatchen « présente un caractère de relative facilité ». Des enseignements concernant les prières pour renaître en Déwatchen sont très communs dans les centres. Elles peuvent être combinées à une autre pratique qui fascine les Occidentaux : le transfert de conscience (powa) au moment de la mort pour renaître dans une terre pure (comme celle d'Amitabha). Le powa est une pratique populaire au Tibet, présente dans toutes les écoles avec des variables quant aux modalités de sa pratique. Celle-ci peut être faite du vivant de l'individu et des signes de la pratique doivent apparaître si elle est bien effectuée : un ramollissement au sommet du crâne, une boursouflure de la fontanelle, siège du canal médian, que l'on peut percer à l'aide d'une brindille d'herbe et des démangeaisons. La pratique peut donc être faite par le pratiquant lui-même et au moment de la mort, elle est réalisée par un maître qui guide la conscience du défunt pour qu'elle rejoigne la terre pure d'Amitabha/Eupamé.
p. 106/07
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Le trente-cinquième vœu prononcé par Amitabha en tant que bodhisattva indique que seuls les hommes naissent dans sa terre et les femmes ne peuvent donc y renaître que sous forme masculine. Plusieurs maîtres bouddhistes (tibétains et non tibétains) expliquent que dans cette terre, il n'existe plus de distinction entre les sexes puisque la naissance n'est pas conditionnée comme elle l'est dans le monde humain (il n'est pas nécessaire ici d'avoir une mère et un père). Pour autant, cette absence de distinction entre les sexes est interprétée au masculin. On peut y voir un signe de la misogynie bouddhique : « La pureté de cette terre tient en particulier au fait que les femmes ne sont pas admises » écrit Faure. Dans les tantras, Amitabha (tib. Eupamé) est considéré comme un des cinq « bouddhas de sagesse ». Matthew Kapstein explique que le culte d'Amitabha fait partie intégrante du bouddhisme Mahayana des écoles tibétaines et que Amitabha est central pour l'identité tibétaine mais aussi dans la praxis des tantras (même s'il n'existe pas une école de la terre pure tibétaine). Les documents tibétains issus de Dunhang combinés aux traductions tibétaines des textes bouddhistes canoniques des IXe et Xe siècles soulignent l'apparition du culte d'Amitabha et de sa terre pure sous la période impériale. Certains maîtres affirment que c'est Padmasambhava qui aurait introduit son culte dès le VIIIe siècle et l'importance de l'école Nyingmapa est reconnue.
p. 104
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Les dons financiers en faveur du centre ou directement aux maîtres peuvent aussi être problématiques en mettant le destinataire dans une position ambiguë, voire délictueuse : un don empoisonné en quelque sorte. En effet, durant ces quinze dernières années, des accusations d'abus de faiblesse, de pouvoir, de malversations financières, sont rendues parfois publiques par des fidèles, avec quelques procès que j'aborderai dans une partie ultérieure.
Qu'un maître reçoive de l'argent de ses disciples pose un certain nombre de difficultés en Occident. Plusieurs bouddhistes, dont certains enseignants, prônent un travail séculier à côté de l'activité de maître car, sous couvert de qualité, la générosité et le don de soi peuvent être instrumentalisés à des fins plus triviales que le cheminement sur la voie de la Libération. Les points les plus discutables concernent l'importance des donations et leur utilisation qui ne sont pas considérées comme compatible avec les enseignements bouddhiques pour plusieurs lamas et fidèles.
p. 85
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À LA RECHERCHE DE JINDAK : LE DON COMME PARRAINAGE
Les aspirants font appel aux bienfaiteurs (jindak) dans les centres Kagyü, notamment ceux qui proposent la retraite de trois ans, trois mois, trois jours, codifiée par Djamgoeun Kongtrul au XIXe siècle, au Tibet, puis repris par Kalou Rinpoché dans le centre de retraite qu'il a fondé en exil à Sonada. Cette forme de retraite est présentée par les milieux Kagyü comme le meilleur moyen de pratiquer le Dharma et a connu un vrai succès dans les années 80/90.
p. 80
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D'autres admettent cependant qu'ils ne sont “ni payants ni gratuits” : « l'enseignement ne doit pas être bradé », souligne un administrateur d'un centre parisien. Le terme “participation” ou “frais de session” est préféré, suivi par exemple de la mention : « une enveloppe d'offrande au lama circule pendant l'enseignement ». On trouve aussi : « Traditionnellement les enseignements sont gratuits. Il est cependant d'usage de faire une offrande au lama en fin de session ». Les frais de session exigibles pour assister à l'enseignement, qui s'élèvent par exemple à 15 euros, ne sont pas considérés comme une rétribution de l'enseignement mais comme une participation aux frais engagés pour le matériel, la salle, le transport, etc. On remarque bien la difficulté à laquelle les autorités font face : ne pas reconnaître ouvertement une marchandisation des enseignements alors qu'un paiement (peu importe le terme utilisé) est souvent sollicité, voire exigé pour assister à l'enseignement. Derrière ce qui se présente comme un don ou une offrande, on retrouve finalement l'échange marchand euphémisé, ce qui renvoie aux travaux de Bourdieu sur l'économie de l'Église catholique déniée par les autorités en tant qu'économie (1994).
p. 78
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En France, les fidèles laïques qui effectuent des dons aux autorités religieuses, en reçoivent un, considéré comme beaucoup plus important, celui du Dharma, qui dépasse le don matériel selon la doctrine bouddhique. Les maîtres rappellent effectivement que « le don du Dharma est suprême ». Ce que les fidèles reçoivent de leur maître, il leur est donc impossible de le rendre. Ils s'inscrivent alors dans une logique de dette qu'ils entretiennent. L'enseignement reçu n'est pas toujours formel : le simple fait de participer à des enseignements généraux, de lire des ouvrages écrits par des maîtres, de participer à des séances de méditation ou des rituels, ou encore de donner de son temps à la vie d'un centre est considéré par la majorité des fidèles rencontrés comme une “chance”. La phrase « Je ne pourrais jamais rendre tout ce que j'ai reçu », illustre bien cette reconnaissance de dette, et donc cette asymétrie entre ce qui est donné et ce qui est reçu. Le maître n'est pas toujours le donataire ultime des dons des fidèles. Il est alors un intermédiaire efficace dans la circulation des dons effectués. Godelier notait que le « don rapproche les protagonistes et les éloigne socialement parce qu'il fait de l'un l'obligé de l’autre. Ici, l'obligé n'est pas celui que l'on croit et c'est très souvent le disciple qui reste en position de débiteur par rapport au maître, ce dernier lui accordant l'enseignement du Dharma. Cependant certains grands donateurs ont leur mot à dire concernant les orientations prises dans un centre et peuvent cesser leur financement si ces dernières ne sont pas satisfaisantes à leurs yeux.
p. 74/75
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Les sollicitations et les appels à la générosité s'ajoutent au coût des enseignements dispensés, enseignements bouddhistes basiques, initiations tantriques, conférences, stages et autres retraites, collectives ou individuelles. Les prix sont variables et dépendent du statut du maître (enseignant occidental, lama occidental, lama tibétain, moine, tülkou, maître de lignée, khempo, guéshé, etc.) Plusieurs centres proposent un tarif réduit pour les chômeurs et les étudiants. Même si la majorité des centres précise que l'argent n'est pas un obstacle et que, si une personne a des difficultés financières, elle est invitée à entrer en contact avec l'accueil, tous ne tiennent pas leur engagement. Certains frais de session sont très coûteux (par exemple, plus de 600 euros la semaine) et peuvent s'expliquer de différentes manières, soit par la volonté de faire un bénéfice, soit pour “sélectionner” les personnes par ce biais, en pensant faire un “tri social”, soit pour effacer la perte des années passées, soit comme une répercussion de lourds frais de location et d'intendance. Habituellement, les rituels hebdomadaires ne sont pas payants, et certains centres ne font pas payer, non plus, les séances d'initiation à la méditation, tandis que d'autres, plus rares, proposent des frais de session libre pour certains types d'enseignements. La gratuité totale des enseignements reste cependant exceptionnelle. Dans sa thèse sur Rigpa, Dapsance fait un constat que nous partageons pleinement : « Les activités et manuels d'apprentissage liés à ces différents programmes sont tous payants : aussi le lien qui unit un individu à Rigpa, quel que soit son niveau d'implication, consiste-t-il en premier lieu dans une transaction monétaire ».
p. 73
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Le contexte social et culturel des convertis français et des centres du Dharma est éloigné des contextes tibétains. Mis à part trois réels monastères, les centres accueillent en France majoritairement des résidents laïques. Seule une minorité a prononcé des vœux monastiques et porte la robe. Les dons s'effectuent de ce fait, la plupart du temps, de laïques à laïques, mais les résidents des centres ayant pris des vœux, ceux de “fidèle laïque”, ceux de bodhisattva ou même ceux du Vajrayana, peuvent être considérés comme des religieux qui ont mis leur vie au service du Dharma même s'ils n'appartiennent pas à la communauté monastique.
p. 72/73
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