AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Cécile Campergue (197)


Le Dalaï-Lama s'exprime en faveur des femmes, reconnaît et approuve les droits et les acquis de celles-ci dans les sociétés occidentales mais son propos n'est pas toujours suivi. Il affirme, lorsque des enseignants occidentaux le questionnent par rapport aux femmes et au dharma à l'Ouest : « Je pense généralement que les femmes doivent prendre confiance en elles-mêmes et saisir toutes les occasions. Se rendre les égales des hommes dans tous les domaines. C'est le plus important ». Ces droits et acquis des femmes dans nos sociétés peuvent difficilement être remis en question publiquement par certains maîtres, alors que dans une conversation personnelle, plusieurs donneront leur avis sur la position et le statut de la femme, qui n'est pas celle qu'ils donnent publiquement.
À l'instar du Dalaï-Lama*, plusieurs font référence à l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, alors que d'évidentes ambiguïtés apparaissent au regard des enseignements bouddhiques eux-mêmes, notamment ceux qui concernent la doctrine de l'anatman. Un lama français me dira qu'il est difficile, si l'on se réfère aux textes bouddhiques, de parler de droit des personnes (personne entendu au sens occidental) alors que cette personne n'est, du point de vue de l'enseignement bouddhiste, qu'un ensemble d'agrégats dépourvu d'existence propre**.
-----
* Notons que le Dalaï-Lama n'est pas très ouvert sur les questions de sexualité et d'avortement et que son raisonnement se rapproche de celui de l'Église catholique en prônant l'abstinence et désavouant l'avortement en tant que mort volontaire d'un être humain.
79 « Bouddhisme et Philosophie : La question de l'Identité », Les cahiers bouddhiques, n°1, juin 2005, p. 102-123.
p. 297
Commenter  J’apprécie          00
Certains maîtres ont une « cour » non négligeable de femmes qui les entoure, les sollicite, et aussi, les ennuie. Des maîtres sont quelquefois embarrassés de cette effervescence qu'ils produisent, même si elle peut être recherchée par d'autres. Le support et l'aide de la femme sont particulièrement décisifs dans certaines conditions. notamment « pour aider les grands maîtres dans leur activité », comme me le rappellera un lama tibétain, la femme représentant la sagesse, la vacuité (prajna) et l'homme les moyens habiles (upaya) qui sont deux pôles indissociables dans le Vajrayana, traduits de manière rituelle avec l'union de l'instrument rituel, le dörje et la cloche. Comme nous l'avons vu, les femmes mais plus encore l'énergie féminine, est notamment utile aux tertön. Publiquement, les maîtres mettent en valeur les qualités féminines de sagesse, notamment les qualités d'ouverture et de compassion d'une mère, ce qui ne fait qu'accentuer l'intérêt des femmes pour l'enseignement et le maître qui l'enseigne. En reprenant l'étude de certains tantra, ils mettent en évidence les capacités supérieures attribuées aux femmes*.
B. Faure soulignait son étonnement d'entendre que le bouddhisme tibétain en France fournisse refuge aux déçus du féminisme car cette valorisation et cette exaltation des femmes dans le bouddhisme tibétain « n'est pas une marque d'égalitarisme ; bien au contraire, c'est la caractéristique principale de toutes les religions et sociétés patriarcales ». Deux lamas tibétains Kagyü me diront que les femmes ont l'esprit « plus fin » et sont « plus sensibles au dharma que les hommes ». D'autres me diront que la condition d'une femme est « plus difficile sur tous les plans » (physique, psychique et sociale) qu'un homme, même dans nos sociétés occidentales encore machistes, et qu'elles sont en conséquence plus « dociles », de par leur éducation. L. Deshayes et F. Lenoir mentionnaient : « La place laissée aux femmes occidentales est justement à la confluence entre Tibet et Occident : l'un, traditionnel spirituellement riche mais socialement archaïque, l'autre en quête spirituelle, mais socialement avancé ». Cette distinction, qui reprend à la fois des stéréotypes …occidentaux sur le Tibet et des stéréotypes occidentaux sur leur propre société, a le mérite de refléter le discours d'une majorité de fidèles rencontrés.
----
*J. Simmer-Brown note que c'est un thème récurrent dans le tantrisme que d'attribuer des capacités supérieures aux femmes. Le souffle ardent de la dakini. Le principe féminin dans le bouddhisme tantrique. Kunchab, 2001, Paris, p. 64.
p. 296
Commenter  J’apprécie          00
« les dakinis au sens ultime sont la sagesse qui réalise shounyatâ, la Vacuité. Cette sagesse est le niveau le plus subtil de la conscience, la claire lumière qui est transformée en sagesse et qui réalise la Vacuité ; afin de faire naître cette dakini, il faut anéantir la conscience grossière grâce à la pratique de la chaleur intérieure qui est une forme particulière de félicité. Cette félicité est le remède qui détruit la conscience grossière, et, par conséquent, cette chaleur intérieure est une autre signification de dakini ; pour développer cette chaleur intérieure dans certaines circonstances et conditions, on doit s'associer à une parèdre ou partenaire féminin encore appelé femme de connaissance (rig ma), ce qui constitue le troisième sens de la dakini. Ces parèdres sont différentes par leurs caractéristiques physiques et spirituelles [...]
En fait les dakinis ont évolué de l'Inde vers le Tibet. En Inde, elles apparaissaient sous des formes destructives, sanguinaires et parfois cannibales, et leurs actions étaient souvent si crues et si obscènes que cela leur a valu le nom de sorcières. Leur présence auprès des yogis était essentielle pour accomplir certains rites psycho-sexuels. Progressivement, entrèrent dans la mythologie tibétaine sous des formes plus apaisantes et, cessant en même temps d'être considérées comme des êtres en chair et en os, elles devinrent les messagères de la transmission spirituelle et les symboles individuels de sagesse avec laquelle la méditant doit s'unir mystiquement. » (Édou, 2003 : 109-110)
Judith Simmer-Brown, universitaire américaine, enseignante à l'université Nalanda (fondée par Trungpa) expose dans son ouvrage “Le souffle ardent de la dakini”. Le principe féminin dans le bouddhisme tantrique* les différents aspects de la dakini dans le contexte traditionnel tibétain, dans les discours des féministes américaines et chez les lamas contemporains. En tant que symbole qui, en référence à Paul Ricoeur, « modèle le soi », J. Simmer-Brown explique que pour les Tibétains, les concepts de féminin et de masculin n'ont d'importance que pour autant qu'ils reflètent une dynamique ultime dans les rituels et la méditation. C'est dans cette « perspective sacrée » que la dakini doit être envisagée, perspective qui ne se « reflétait pas nécessairement dans la vie sociale » ou les femmes étaient « assujetties à leur père et mari ». Le profil de la dakini se voit modifié en contexte occidental ou elle « est passée du statut de dakini spécifique à celui d'un principe féminin désormais au cœur des enseignements vajrayana ». L'importance des dakini humaines, des parèdres, « l'aspect le plus déroutant » souligne J. Simmer-Brown, se révéleront essentielles pour la transmission des terma (notamment chez les Nyingma) où le tertön, le « découvreur de trésors », pratique avec son épouse mystique. L'utilisation, souvent inévitable, à des fins de pratiques religieuses, du principe féminin, est dans cette transmission parfaitement parlante.
-----
*Kunchab, Paris, 2001, [Dakini's Warm Breath, Shambhala publications, 2001]. Son analyse aborde tous les points de vue actuels sur le sujet, en se démarquant de la critique féministe mais en l'intégrant à l'analyse.
p. 288
Commenter  J’apprécie          00
Après la disparition du Bouddha, Mahakashyapa, le premier patriarche, fera de sévères reproches à Ananda, principalement pour avoir pris la défense des femmes et avoir ainsi réduit la durée de l'enseignement du Bouddha (le Bouddha aurait en effet prédit le déclin de sa doctrine). Le bouddhisme, pour J. Bacot, n'a pas de position absolue à l'égard des femmes : « Le climat des pays du Grand Véhicule est moins favorable que celui des pays tropicaux à l'appel des sens. Chez les peuples du Petit Véhicule, les femmes restent dangereuses pour la sérénité des moines. Elles doivent être vis-à-vis d'eux, d'une discrétion méticuleuse qui fait partie de leur éducation ». Les prérogatives doctrinales et les aspects culturels s'enchevêtrent, les seuls écrits attribués au Bouddha ne peuvent, à eux seuls, déterminer et expliquer les perceptions des femmes et du féminin. Avec le Mahayana et l'importance de la compassion et de la non-dualité, l'asexualité permettait en théorie aussi bien à une femme qu'à un homme d'atteindre l'éveil, mais pas l'éveil suprême. Cependant, « elle ne semble pas avoir contribué dans la pratique à améliorer la situation de la femme. La théorie des deux Vérités fournissant un argument commode pour nier les différences sexuelles sur le plan absolu tout en les maintenant sur le plan relatif » écrit B. Faure. Alors que le Vajrayana tibétain valorise et promeut le pôle féminin, la situation des femmes, notamment celle des religieuses, reste toujours subordonnée à celle des hommes.
1. Le principe féminin
Le Vajrayana se propose de transcender les passions par une sorte de processus alchimique. Comme le rappelle B. Faure, le « tantrisme bouddhique tire les ultimes conséquences du principe cardinal de la doctrine de Mahayana, le non-dualisme, autrement dit l'identité sur le plan de la vérité absolue des passions et de l'éveil. Mais il va même plus loin lorsqu'il affirme que l'énergie des passions est le catalyseur nécessaire de l'éveil ». Reconnaissant donc aux passions une « vertu sotériologique », l'acte sexuel sublimé va être mis en avant car il permet l'accès à l'illumination, au salut. Le tantrisme accorde effectivement une grande importance à l'aspect féminin du divin. Il perçoit le principe féminin comme étant la source d'énergie divine, la sagesse. Le tantrisme bouddhique, tel qu'il était pratiqué en Inde au Ve et VIe siècle, considérait l'initiation comme le tout de la voie tantrique.
p. 285
Commenter  J’apprécie          00
Chapitre 7
Femmes et dharma
La nécessité de faire un chapitre sur les femmes et leur rapport au dharma témoigne non seulement de leur importance dans le développement du bouddhisme tibétain en France (plus largement en Europe et aux États-Unis) pour toutes les questions qu'elles suscitent et inspirent mais également aux places qu'elles occupent auprès des maîtres. Peu d'entre elles disposent d'une autorité semblable à celle de leurs homologues masculins même si certaines sont des enseignantes et des maîtres à part entière.

I. FEMININ ET VAJRAYANA
« Si le bouddhisme, dans son universalisme, paraît ouvrir à la femme les portes du salut, il pose néanmoins une restriction majeure : avant d'obtenir l'éveil, la femme doit d'abord devenir un homme » souligne B. Faure. Il poursuit, en notant que le bouddhisme apparaît comme une « doctrine phallocentrique, où tout ramène à l'homme mâle *». Si les femmes étaient au départ exclues de la vie monastique, elles n'en étaient pas les seules ; plusieurs catégories de personnes en étaient formellement exclues (infirmes, boiteux, eunuques, certains métiers comme les bouchers, les poissonniers, etc.), ces derniers pouvaient également être tenus à l'écart des vœux de bouddhistes laïcs.
L'insistance donnée aux perceptions à la fois doctrinales de la femme et du féminin et à ses perceptions et applications sociales dans le monde tibétain est nécessaire car le développement actuel du bouddhisme tibétain en France (plus largement en Occident) engendre des controverses, des malentendus et des questionnements sur la place que la femme (rôle, statut, pouvoir) y occupe**. Cette place symbolique et réelle, son rapport a l'autorité (aux maîtres) et plus largement à l'institution, fait partie des questions parfois brûlantes qui agitent plusieurs communautés bouddhistes occidentales. Des mouvements bouddhistes féministes américains s'insurgent par exemple contre l'autorité spirituelle du guru et mobilisent des symboles religieux tibétains comme la dakini pour en faire un symbole du pouvoir féminin et en même temps de l'exploitation patriarcale***
----
*L. Wieger soulignait : « L'état féminin est inférieur à l'état masculin ; c'est un état de punition relative, pour cause de démérites passés. Jamais une femme n'est élevée directement à une haute charge, soit terrestre, soit céleste. Elle doit d'abord mériter de renaître homme, avant de pouvoir s'élever davantage », Bouddhisme Chinois, Tome 1 : Vinaya, Monachisme et discipline, Hinayana, véhicule inférieur, Textes de la Chine, Les Humanités d'Êxtrême-Orient, Série Culturelle des Hautes Études de Tien-Tsin, Les Belles Lettres, Paris, 1951
**Plusieurs lectures féministes posent le problème de la subordination des femmes, notamment des nonnes.
***Judith Simmer-Brown, Le souffle ardent de la dakini. Le principe féminin dans le bouddhisme tantrique, Kunchab, Paris, 2001, [Dakini's Warin Breath, Shambhala publications, 2001], p. 32.
p. 283
Commenter  J’apprécie          00
L'ambiguïté de la hiérarchie tibétaine à cautionner certains mouvements est caractéristique d'une disposition culturelle selon un lama tibétain rencontré, qui est celle de « laisser faire ». Mais si « disposition culturelle » il y a, elle masque souvent des raisons et réalités bien plus pragmatiques. L'argent considérable dont disposait Lama Kunzang et dont il a fait bénéficier, directement ou non, plusieurs lamas tibétains, entre en ligne de compte. Il est évident que lorsqu'une organisation ou un maître bénéficient des financements d'autres maîtres et organisations, les critiques sont plus délicates à émettre. Certains sont plus ou moins liés par contraintes matérielles à d'autres. A ce propos, sur un rapport de la commission d'enquête parlementaire belge*, on peut lire que des transferts sont effectués sur un « compte ouvert au nom de Robert Spatz », alimenté par « deux membres de la communauté qui travaillent aux Communautés européennes » (ils versent 200 000 à 250 000 francs par mois). Ces sommes, nommées « dépenses tibétaines », servent à faire certaines dépenses en rapport avec le Tibet. Lama Kunzang a participé financièrement à la venue du Dalaï-Lama à Paris, et également à la maison d'édition Padmakara (liée au CEC) ; il aurait également contribué à financer le collège monastique du monastère de Shechen (Népal). On comprend alors pourquoi les autorités tibétaines, les autorités spirituelles de l'organisation, cautionnent Lama Kunzang. Un autre critère à retenir : on observe une récupération des centres fondés par des maîtres occidentaux par les autorités tibétaines dont ils dépendent. Il importe de noter que ces maîtres non reconnus comme tels par la hiérarchie tibétaine, ont réussi à créer des organisations grâce à leur charisme personnel mais également par la caution de maîtres tibétains qui laissent faire. L'articulation entre charisme d'ordre personnel et charisme d'institution est ici indéterminée car le détenteur d'un charisme personnel va à la fois revendiquer et instrumentaliser l'institution et en même temps, il va être lui-même instrumentalisé par cette même institution. Ces procédés sont expliqués par plusieurs comme des moyens habiles pour ne « pas couper les gens du vrai dharma ». Une réflexion de Charles (48 ans, pratiquant Kagyü depuis 21 ans) en dit long sur le poids de l'institution et les types de maîtres :
« C'est simple, tu as d'un côté les maîtres labellisés, un AOC comme pour le vin, disciples de tel ou tel maître reconnu et légitimé, et de l'autre, des pseudos maîtres qui se disent disciples de maîtres éminents pour légitimer leur statut et gagner en notoriété. Ce qui ne veut pas dire bien sûr que l'AOC est forcément meilleure que celui qui n'a reçu aucun label. Pour autant, comme dans le vin, ce sont des garanties supplémentaires. Un grand cru sera toujours un grand cru, alors que des petits vins de terroir ou de table, qui peuvent être agréables à certains endroits ne restent pas en bouche comme un grand cru ! » (Paris, 2005)
Cette métaphore illustre un point de vue assez partagé par les fidèles : un maître n'est authentique que s'il s'inscrit dans une lignée identifiable et qu'il a reçu les enseignements et transmissions d'un maître connu et reconnu pour la place hiérarchique qu'il occupe dans la tradition. Cependant, certains ne sont pas considérés comme tels par les autorités tibétaines dont ils dépendent mais jouissent de leur caution, ce qui peut rendre confus les critères d'authenticité et de légitimité souvent évoqués par les maîtres et les fidèles.
-------------
*« Rapport de l'enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge », A. Duquesne et L.Willems, 28 avril 1997, doc. Chambre, n°313/7-96/96, partie 1, et n°313/8-95/96, partie II.
p. 281
Commenter  J’apprécie          00
Lama Kunzang a été arrêté à son domicile. Les attaques à son égard vont de l'enrichissement personnel* aux abus sur mineurs. Comme me le dira Paul (cinquante-huit ans), ayant vécu pendant plus de vingt ans à Nyima Dzong, Lama Kunzang a eu tout le panel des attaques possibles et imaginables, et ceci était essentiellement dû à d'anciens fidèles, qui, à cause de problèmes de couple et d'éducation des enfants se sont retournés contre le lama. Lama Kunzang était le seul maître dans son organisation, c'est « lui qui donnait les ordres » me dira Paul, qui souligne « le lama m'a tout donné pendant vingt-cinq ans ». Lama Kunzang n'habitait pas sur le centre, il vivait avec sa femme et ses enfants. Lorsqu'il s'est fait arrêter, le CEC a été perquisitionné. En effet, L. Kunzang avait publié une revue trilingue Adarshadatant de 1996) avec un texte précisant que « sans l'aide de Tulkou Péma, le centre OKC n'aurait pas pu voir le jour ni croître ». L'association CEC a tout de suite répondu par la négative, ce qui aurait irrité L. Kunzang. Un des responsables du CEC m'a dit que Lama Kunzang n'a jamais fait de retraite de trois ans et n'a jamais reçu le titre de lama de Kangyour Rinpoché. Il s'agit pour lui d'un « gourou autoproclamé » qui a « créé des centres avec de l'argent ». Ayant bien connu Lama Kunzang, mais n'étant jamais allé à Nyima Dzong, ce responsable est attristé : « Des gens intelligents ayant fait des retraites à Chanteloube sont partis suivre Lama Kunzang. Les gens sont naïfs, ils ont besoin de guides, de réponses, de structures, de hiérarchies. On remplace une sujétion par une autre. Or le dharma, ce n'est pas cela ». Une certaine orthodoxie religieuse justifie ou non les maîtres et disciples authentiques et ceux qui n'en sont pas. Des raisons plus pragmatiques participent à la revendication d'une orthodoxie religieuse qui est rarement le fait d'aspects purement religieux. Lorsque j'ai demandé au responsable du CEC pourquoi les autorités tibétaines, si elles étaient convaincues qu'il s'agissait là d'un imposteur n'ont jamais réagis, ce dernier me dit alors : « De quel droit et au nom de quoi les devraient intervenir ? Les Tibétains ne sont pas mieux, il faut voir le nombre de jeunes tibétains qui abusent de leur statut... ». Selon lui : « Les maîtres n'interviennent pas pour ne pas couper les gens du vrai dharma. Ils mettent l'accent sur la responsabilité individuelle. Ce n'est pas leur rôle d'interdire ou de critiquer telle ou telle personne. C'est à chacun de tester les qualités du maître ».
---
*Le château de Castellane avait été mis à la disposition de la communauté qui n'avait pas les moyens de l'acheter. C'est en vendant un autre château dont l'association était propriétaire qu'elle a eu la capacité financière d'acheter le « Château des Soleils » au L. Kunzang. La somme de la vente apparaît contestable soulignant que L. Kunzang a réalisé un bénéfice non négligeable. Les sociétés commerciales de l'association sont détenues à 80% par sa femme et 20% par les fidèles du centre, ce qui a été également un sujet de plainte.
p. 280
Commenter  J’apprécie          38
Pour mon interlocuteur, « manipuler est une chose simple et les dérives sectaires sont réelles, et elles seront de plus en plus nombreuses ». Le cas le plus connu est celui du Lama Kunzang Dorjé, alias Robert Spatz, disciple de Kangyour Rinpoché (ce qu'il affirme et qui est contesté par d'autres). Il est le fondateur des centres OKC (Ogyen Kunzang Choling): 1 en Belgique, 2 au Portugal, 1 en France, 1 en Polynésie Française. Son père, fortuné, a acheté le château de Castellane en 1974. Son fils y fonde Nyima Dzong, association loi 1901. Sur le site Internet du centre, on peut voir que l'attribution de la création du centre est remise à Kangyour Rinpoché. Le centre a reçu les visites de Dudjom Rinpoché, du XVIe Karmapa, Dilgo Khyentsé Rinpoché et Shechen Rabjam Rinpoché du monastère de Shechen au Népal. Le Dalaï-Lama y est venu enseigner en 1990. Les maîtres du CEC y enseignent de temps à autre. Ceci pour bien signifier qu'avant, pendant et après l'affaire des centres OKC, l'organisation bénéficie toujours de la considération et de la caution des autorités tibétaines. À Nyima Dzong, la vie communautaire est le fait de pionniers qui à l'époque étaient enthousiastes face aux projets de Lama Kunzang et ont, par la force des choses, commencé à vivre et à travailler ensemble sur un même lieu. Un autre centre avait été fondé au Portugal et en majorité, il semble que ces pionniers étaient d'origine portugaise. La vie communautaire a engendré la création de couples et des naissances (souvent effectuées sur le centre) ont eu lieu. Avec une volonté et un désir d'autogestion, les enfants ont été éduqués sur place. Il s'agit là d'une exception en France, l'éducation des enfants est assurée par la communauté, ainsi que tous les autres aspects de la vie sociale. La communauté subvient à ses besoins* dans un cadre magnifique de montagne, de fait, assez isolé. L'éducation des enfants est, selon les différents rapports, une réussite, et l'école a même été reconnue et agréée par l'éducation nationale française en tant qu'école privée*. L'organisation du Lama Kunzang mais aussi sa personne même, ont fait l'objet de critiques d'anciens adeptes et d'associations anti-sectes, ayant débouché sur une instruction judiciaire en 1997. En 1996, ce centre a été listé dans le rapport Guyard de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale contre les sectes148 comme « sectes à dangerosité présumée149 ». Lama Kunzang a fait l'objet d'une détention provisoire de six mois (sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui), après son arrestation du 30 mai 1997. Ce jour-là, plus de 150 gendarmes sont venus perquisitionner à Nyima Dzong alors qu'une opération de même envergure a été diligentée dans le centre de Bruxelles et les boutiques de l'organisation.
------
*OKC dispose d'immeubles, de sociétés commerciales (notamment en Belgique) comme des boutiques de distribution alimentaire, restaurants et magasins ; la société Kubera qui s'occupe de comptabilité interne; la société Torma : rénovation et travaux de construction et une société immobilière appartenant à R. Spatz.
**Les attaques les plus vives à l'encontre des sectes se situent sur le terrain scolaire et l'exercice illégal de la médecine comme le précisent J. Baubérot et M. Milot, « La question des sectes », Dérégulation institutionnelle ou singularité française ? Mise en débat », Arch. de Sc. soc. des Rel., 2002, 118 (avril-juin) p. 29-44.
p. 279
Commenter  J’apprécie          00
La transmission est liée à Lama Guendune, considéré comme le garant de la cohésion de la communauté. D'ailleurs, il n'y a pas d'enseignants et d'intervenants extérieurs, mis à part les Tibétains de la lignée qui viennent de manière épisodique. Le monastère n'a pas d'université ou de collège d'étude (pas de Khempo), et, alors que l'association pour les retraitants se nomme curieusement « Association en Hautes Études Tibétaines (AHET) », ni les stagiaires pratiquants ni les retraitants ne sont formés ou initiés aux études en tibétologie. Lors d'une conversation amicale, un lama (français) me dira : « On n'a pas besoin de Khempo, on n'a pas besoin de Tibétains non plus. Lama Guendune Rinpoché nous a tout donnés, notre rôle est de transmettre et de perpétuer son enseignement, rien de plus » (propos datant de 2004). Entre la volonté de se positionner comme les héritiers de la transmission de Lama Guendune, des désaccords et des conflits apparaissent au niveau des autorités tibétaines de la lignée, notamment avec le Shamarpa mais aussi avec Lama Jigméla*. Les conflits internes aux lignées témoignent ici de nouveaux paramètres : des Européens formés par Lama Guendune, qui dirigent le plus grand complexe monastique d'Europe, revendiquent sa transmission seule, ce qui pose problème aux hiérarques de la lignée qui exercent une autorité tentant de se raffermir d'année en année, en témoigne un nouveau programme pour les retraites de trois ans (désormais nommée « retraite de fondation ») sous l'autorité du Karmapa Thayé Dorjé.
----
*Désaccords qui portent sur la gestion interne du monastère, du centre de retraites, sur le statut de lama, des vœux, du port de la robe, des enseignements prodigués, de l'autorité, etc.
p. 273
Commenter  J’apprécie          20
Lama Guendune a vécu plus de vingt ans sur les lieux et son absence physique a été éprouvée de différentes manières. Les droupeuns encadrent désormais les retraites de trois ans qui continuent à recevoir de nombreux candidats. Alors que les deux premières générations de retraitants se sont vues accorder le titre de lama par Lama Guendune, sans forcément le vouloir ni le demander, les nouvelles générations doivent, en plus de leurs deux retraites, être suivies pendant une période probatoire de trois ans par leurs aînés et faire la demande du titre de lama au Conseil des Lamas, ce qui, incontestablement, prend plus de temps. Pour un lama-moine du Bost, c'était plus facile avant car il y avait Lama Guendune :
« C'était un très grand maître comme Saint François d 'Assise, avec une réalisation tellement grande. Il était avec nous pratiquement tous les jours, ce qui fait que l'on a eu des moments exceptionnels. Maintenant qu'il n'est plus là, ce n'est pas que ça a dégénéré mais ce n'est pas aussi profond je pense, pour les jeunes lamas. » (2004)
Parmi les droupeuns, Lama Y.N., est considéré comme l'un des plus proches de Lama Guendune. Traducteur et enseignant, il est le maître de nombreux disciples que j'ai rencontrés*. Parisien d'origine, né en 1952, il me raconte que c'est la perte de sa mère à un âge précoce qui l'amène à ressentir « un manque de sens profond à la vie ». S'intéressant au religieux et à la spiritualité, il aura toujours des difficultés à s'engager, « une réticence à franchir le pas ». Les documentaires d'A. Desjardins vont profondément le marquer. Établi dans le Sud de la France, il décide de faire le tour des centres bouddhistes (Montpellier, Aix). Une personne lui parle de Lama Guendune, il décide d'aller le voir et il est profondément touché par sa présence, ayant reconnu quelque chose d'inexprimable. Il sera fermement décidé à le suivre et deviendra par la suite son proche traducteur et son assistant. Il prend l'ordination monastique en 1982 et alors qu'il souhaite faire la première retraite de trois ans (1984), Lama Guendune lui demande de rester auprès de lui, ce qu'il fera, en commençant des travaux de traduction mais également d'enseignant. Il entreprend sa première retraite en 1987 qui sera suivie d'une seconde. À la fin cette dernière, son maître le nomme lama et droupeun, une grande responsabilité.
-----
* Depuis 2007, il a été destitué de son titre de lama et contraint de quitter le monastère suite à un épisode que nous aborderons succinctement dans la quatrième partie.
p. 270
Commenter  J’apprécie          20
La disparition de Lama Guendune en 1997 a modifié la structure du centre du Bost ; il n'est plus le maître, le guide, le seul référent. En même temps, une certaine continuité avec ses disciples considérés comme les plus proches, est apparue. Lama Guendune avait effectivement nommé de son vivant des maîtres de retraites (« droupeuns »), trois hommes et trois femmes, pour poursuivre la transmission du dharma. Lama Yéshé explique ce qu'est un droupeun : « Un droupeun est un maître de retraite, quelqu'un qui guide les retraitants dans leur pratique régulière. Il est aussi là pour transmettre les enseignements, les pratiques, les loungs (lectures rituelles des textes de pratique et des commentaires), les instructions. Il est détenteur des instructions orales ». Il précise que pour Lama Rinchen (femme) et lui, ils assument la tâche consistant « à redonner en retraite les initiations reçues du Maître Vajra : Guendune Rinpoché à l'origine, puis Shamar Rinpoché et maintenant le Gyalwa Karmapa ».

La mort du maître et la continuité de la transmission
Même si sa mort a pu entraîner des départs, il faut noter que les personnes qu'il a nommées pour continuer à préserver et transmettre son enseignement sont restées unies afin d'administrer ensemble la congrégation. Cette régence collégiale est cependant décrite par certains bouddhistes Kagyü comme une « oligarchie », les lamas ayant reçu de Lama Guendune des fonctions précises de transmission (notamment les droupeuns) n'ayant « jamais été nommés comme étant les dépositaires de son enseignement ». Parmi ces lamas, plusieurs se montrent particulièrement distants et décidés à ne pas se laisser guider par les Tibétains dont ils dépendent au niveau hiérarchique ; leur maître étant décédé, ils se considèrent comme seuls aptes à gérer et transmettre son enseignement.
p. 269
Commenter  J’apprécie          20
Le subjectivisme et le relativisme sont prégnants à Karma Ling, accompagnés d'une « morale du don de soi qui est exagérément amplifiée » avec un impératif d'obéissance exalté. Ayant rencontré des personnes qui ont été résidents quelques mois ou plusieurs années, la subordination au maître est effectivement un point clef dans l'organisation, et toute critique est considérée comme venant de l'ego du disciple ; l'autorité du maître a du mal à être discutée et remise en cause (caractéristique de la majorité des centres où j'ai pu me rendre). Dans une Lettre du Sangha Rimay, Lama Denys annonce qu'il prend sa « retraite » :
« Je pars ainsi en retraite, quittant toutes responsabilités administratives et organisationnelles, pour me consacrer à la transmission, aux enseignements, retraites, traductions et publications. Je resterai néanmoins pleinement présent comme le Lama Rimpotché du Sangha ; l'inspirateur de sa vision (via le Ganchi de la Congrégation-Bureau du Rimpotché) ; de sa contemplation (via les orientations dans le Dharma) et ses actions (via les Ganchis des Dharma Lings et leurs différents projets). Depuis longtemps déjà, je ne suis plus responsable du fonctionnement de l'institut. Désormais, je n'y habiterai plus non plus, coupant ainsi définitivement avec mon image de directeur du centre. Ceci correspond à une évolution de fond (engagée de longue date) dans la vie et la santé naturelle d'une passation de larges responsabilités à mes disciples aînés. Je souhaite, par mon départ physique, faire un geste symbolique encourageant les personnes concernées à prendre leurs pleines responsabilités, et leur offrir pour cela tout l'espace nécessaire ».
On remarque bien le paradoxe entre une volonté affichée de donner de l'autonomie aux différents disciples aînés, et en même temps, l'insistance sur le poids de sa présence constante à travers toutes les activités de l'Institut. L'autonomie est demandée en même temps que la subordination au maître. Ce qui renvoie aux conclusions de Mazenq sur les « techniques de management » telles qu'elles sont élaborées à Karma Ling : elles délivrent un « message contradictoire de double contrainte ». « On exige l'autonomie de l'acteur et en même temps la soumission consentie au maître spirituel, ce qui amplifie les effets de l'aliénation et paralyse l'action ». Les orientations prises et postulées par Lama Denys se doivent donc d'être relayées par ses proches disciples pour être efficientes et durables, ce qui n'est pas toujours les cas, d'où des départs, parfois anticipés.
En sortant du cadre de l'organisation interne de la congrégation dirigée par Lama Denys, le formidable éclectisme qui se donne à voir dans les programmes de ses centres témoigne d'un syncrétisme pouvant être considéré comme stratégique, dépassant les seules préférences personnelles.
Un syncrétisme stratégique ?
Voici une confidence d'un enseignant bouddhiste ayant bien connu Lama Denys :
« Lama Denys a le bras long et il est particulièrement malin : c'est simple, il prend tous les trucs à la mode ; chamanisme, enseignements Shambhala, Ban, et tous les enseignements new-age susceptibles d'appâter le poisson. Et puis, si un jour le bouddhisme ne mord plus, qu'il n'est plus à la mode, il aura toujours ses chamans et ses Indiens pour séduire une clientèle. »
Cette remarque critique n'a pas été la seule à l'égard de ce que certains regardent comme un « syncrétisme douteux ». L'activité de Lama Denys qui se déploie selon le slogan « Unité dans la Diversité » et le paradigme d'une « uni-multidiversité d'éveil » lui permet d'ouvrir son centre à une multitude de dialogues, d'échanges et de partenariats divers, drainant une foule considérable, ce qui semble-t-il, agace certains et en rend d'autres envieux.
p. 263 et 264
Commenter  J’apprécie          30
Lama Denys, dont le nom a subi d'importantes modifications (de Denis Esseyric à Lama Denis Teundroup ; Lama Denys Teundroup ; Vajracharya Lama Denys, puis enfin, Lama Denys Rinpoché) est un acteur incontournable de l'occidentalisation du Vajrayana en France (mais aussi en Europe). Notons qu'il est le seul lama français à la tête d'une congrégation à porter le titre de Rinpoché. Ce titre a engendré bien des critiques et des plaisanteries de la part d'autres lamas Kagyü et de pratiquants de diverses lignées. Je cite : « Il s'est autoproclamé Rinpoché, après Vajracharya, pourquoi pas ! », « Son ego n'a pas de limites », « Ce mec est complètement dingue, il ferait un malheur aux U.S. ». Les critiques allant bon train, peu des détracteurs rencontrés avaient connaissance de l'origine de l'attribution de ce titre. Lorsque j'ai demandé au principal intéressé, lors d'un entretien dans son centre parisien, pourquoi il avait décidé de porter ce titre (soulignant par là que je savais déjà que personne ne le lui avait attribué), il y eut un léger silence et il m'a répondu tout d'abord que « Rinpoché n'est pas un titre mais un terme d'adresse, ce qui est différent », et que ce terme était traditionnellement utilisé au Tibet pour désigner les supérieurs des monastères. En tant que supérieur d'une congrégation, il m'indiqua qu'on lui a suggéré depuis un certain temps de porter ce terme. Il m'explique aussi qu'il existe d'autres lamas à Karma Ling, et que, pour pouvoir se différencier, il a décidé de porter ce « terme d'adresse ». Il souligne également en avoir averti Situ Rinpoché (régent Karma-Kagyü) qui ne s'y est pas opposé. Cependant, il insiste sur le fait qu'il est le seul responsable spirituel dans son organisation. Il n'a pas de « comptes à rendre » et il n'est pas « inféodé », selon ses propres termes, à l'autorité tibétaine.

Lors de ma première rencontre avec lui au Dharma Ling de Paris, son secrétaire, dans un courriel m'annonçant l'heure et la date du rendez-vous, m'a également demandé : « Merci aussi de bien vouloir m'indiquer - ou me répéter - votre université, niveau d'études, directeur et sujet de travail, avant demain* ». M'étant exécutée, l'entrevue avec Lama Denys s'est déroulée autour d'une tasse de thé ou nous avons d'abord parlé de mes pérégrinations en milieu bouddhiste français. Il me dit d'entrée et d'un ton amusé que j'avais certainement vu « de tout », notamment des « disneylands tibétains et bhoutanais ». Après notre entretien, il m'a invitée à monter dans son appartement privé (à l'étage) et m'a présenté certains ouvrages sur lesquels ses disciples travaillaient puis également une lettre de l'association « L'Acacia et le Lotus » (lettre de l'association de bouddhistes et de francs-maçons), objet d'une réunion à laquelle j'ai pu assister par la suite. Au cours de celle-ci, Lama Denys s'est montré intransigeant, à la fois moqueur et arrogant avec ses interlocuteurs...
------
* Courriel personnel. C'est la seule fois où on m'a demandé de décliner si formellement mon projet de recherche et son cadre universitaire afin de pouvoir m'entretenir avec un maître.
p. 259et 260
Commenter  J’apprécie          30
Cette critique concernant les retraites de trois ans telles qu'elles existent en contexte français sous-entend également la légitimité du maître tibétain comme authentique détenteur de sa tradition auprès duquel le disciple est invité à recevoir et à pratiquer les enseignements pour qu'à son tour, il puisse prétendre un jour devenir un maître. Certains maîtres tibétains revendiquent et font de leur tradition et de leur identité un moyen de contrôle pour la transmission du dharma, revendication relayée par de nombreux fidèles qui n'accordent du crédit qu'aux seuls lamas tibétains, ces derniers étant considérés comme les seuls détenteurs et dépositaires de la tradition. On peut alors parler d'une revendication basée sur une certaine ethnicité, qui reprend à la fois des préjugés occidentaux à l'égard des Tibétains (vivant sur une terre sacrée, hommes saints et pacifiques, avec une supériorité spirituelle et morale) et les conceptions tibétaines de leur propre religion (Tibétain comme peuple « élu » par la religion bouddhique* et le Vajrayana comme véhicule ultime du bouddhisme). Les lamas occidentaux ne partagent pas forcément la même vision de la transmission même si l'engagement auprès d'un maître tibétain justifie et légitime souvent leur autorité. Un lama du Bost me dira lors d'une conversation amicale, qu'il pense que les maîtres tibétains qui ne souhaitent pas voir de lamas occidentaux ont peur de perdre leur prestige et leur pouvoir, qu'il s'agit d'un « mécanisme de défense ».
Au CEC (Dordogne), il n'existe pas de maîtres ou de lamas européens, selon la volonté des hiérarques tibétains qui gèrent le centre mais certaines personnes, les « intervenants de CEC » sont formés et ont l'autorisation de seconder le maître dans des circonstances précises. Les lamas tibétains qui ne souhaitent pas former de lamas dans la population locale n'ont pas forcément de contrôle sur leurs propres retraitants. C'est-à-dire qu'un retraitant, formé par exemple au CEC, qui propose les retraites de trois ans, qu'il fasse une ou plusieurs retraites, ne se verra pas attribuer de titres particuliers. Ce qui ne l'empêchera pas de se proclamer lama, de fonder un centre, en légitimant son statut par sa formation auprès d'un ou plusieurs lamas tibétains. Comme me note un responsable de l'association : « Il n'y a aucun contrôle sur les lamas autoproclamés qui peuvent créer des centres ». Il ajoute que ce phénomène risque d'augmenter, à son grand regret. Il faut toutefois relativiser cette assertion car même s'il n'y a aucun contrôle sur ces lamas, dans les faits, la hiérarchie tibétaine entretient un rapport étroit avec eux, ce qui sera abordé dans les prochaines pages.
----
* P. Kvaerne, « Le Tibet, grandeur et décadence d'une tradition monastique »...op.cit., p. 262.
p. 256
Commenter  J’apprécie          10
À plusieurs reprises, on me disait : « De toute façon, c'est un lama » sous-entendu, il sait ce qui est juste ou pas ; « Quand on est un lama comme lui » sous-entendu, des choses se font que nous ne pouvons pas comprendre. Plusieurs lamas de Dhagpo se montrent attachés à ce titre qui se confond avec leur personne. L'identification avec un idéal, l'attachement à la fonction d'un lama en incite certains à reprendre à leur compte les définitions traditionnelles d'un lama et à se les approprier par le simple fait qu'ils portent eux-mêmes ce titre. Par exemple, lorsque je demande à l'un d'entre eux comment il gère les projections de ses disciples, ce dernier me répond que ses projections ne trouvent aucun écho chez lui et qu'elles n'influencent « jamais le comportement du lama ». Son attachement à son rôle et à sa fonction de lama est tel qu'il en vient à nier les réalités auxquelles il est exposé régulièrement. Il procède ainsi à une négation de sa personne civile (qui n'existe que juridiquement), sa fonction devient prédominante, il veut être ce qu'il doit être. E. Goffman soulignait qu'un « acteur » peut parfois être pris à son propre jeu, c'est-à-dire qu'il peut être convaincu que l'impression de réalité qu'il produit est la réalité même. La fonction procède d'un abandon de la personne avant l'accès à celle-ci, une « deuxième naissance » en quelque sorte. En discutant avec un autre lama (moine), son identification avec la fonction incarnée d'un lama l'amenait à se positionner d'une manière supérieure par rapport à la vie des fidèles et des personnes dans le monde. Cette différence était ensuite relayée par ses proches disciples qui le mettaient dans une position d'autorité et de légitimité, arguant que « le lama est ce que nous avons de plus précieux ».
Ces « lamas de Dhagpo » sont considérés par Lama Jigmé Rinpoché comme étant toujours en formation, « sur la voie ».
« Ils partagent leur apprentissage, ce qu'ils ont reçu comme transmissions et ils sont sur le chemin. Ces lamas doivent faire attention, ils doivent suivre une certaine éthique, une certaine discipline, tout en étant dans l'activité. » (DKL, 2003)
Les lamas français ont un statut encore fragile et Lama Jigmé Rinpoché, qui les supervise, leur demande d'être attentifs et de respecter à la fois une discipline et une éthique …
p. 254
Commenter  J’apprécie          00
Pour Guy, qui a fait deux retraites (la première lorsque Lama Guendune était encore en vie), la première a été bouleversante :
« Ce n'était pas du tout ce que j'avais imaginé, c'était très déstabilisant. Ça fait monter de plus en plus fort les peurs, ce qu'il fallait voir à l'intérieur et c'était terrifiant de voir tout ça et de ne pas avoir compris encore que c'était ça qu'il fallait voir. Les autres, la situation d'être dans un droupkang, il y avait vraiment beaucoup de jalousie, de désir et de colère. »
L'aspect social est également mis en avant ; pour Magalie, la retraite s'est bien passée et n'a pas été vécue de manière douloureuse car elle était avec une de ses meilleures amies. « Moi, en retraite, j'étais vraiment bien. J'ai eu la chance d'être avec une amie très chère. Donc, ça aide dans les moments difficiles car je n'étais jamais seule et en même temps, ça nous a desservis parce que nous n'étions jamais seules. On ne s'est pas retrouvé face à nous-mêmes et il y a des fois ou on aurait dû. » Elle ajoute que le fait d'être dans le groupe international à majorité allemande lui a énormément appris.
Ces longues retraites, fondées sur des pratiques formelles, individuelles et parfois collectives (rituels) ont des aspects sociaux et psychologiques marqués. Des personnes qui n'ont pas choisi de se retrouver ensemble partagent le même droupkang (centre de retraite) pendant plus de trois ans. Tensions, jalousies, colère et autres émotions nées de la promiscuité et de l'équilibre psychologique et relationnel de la personne sont inévitablement présentes. Les premières retraites des années 1980 et aussi celles qui suivirent ont connu des difficultés diverses concernant les retraitants et leur encadrement (pendant et après celles-ci) ; il m'a été rapporté des cas de dépression, des tentatives de suicide et des personnes ayant développé des pathologies de type psychotique ou schizophrène. Les préparations à la retraite n'existent pas toujours (chez les Nyingma, seule l'appréciation du maître prévaut) ou alors, les critères d'admission ne sont pas réellement définis pour qu'un retraitant soit considéré apte à entrer en retraite*. J'ai ainsi rencontré des retraitants (dans les lignées Kagyü et Nyingma) qui avaient fait un séjour à l'hôpital psychiatrique après une longue retraite, d'autres en thérapies parfois depuis de nombreuses années. Plusieurs bouddhistes Kagyü ayant des membres de leurs familles qui ont effectué une ou plusieurs retraites, mais également certaines personnes qui en ont fait l'expérience parlent de « psychothérapies de groupe » pour qualifier les retraites du Bost, notamment après la mort de Lama Guendune.
Plus largement, les retraites, parce qu'elles ont un coût économique, ont des conséquences sociales parfois importantes. Certains retraitants s'endettent pour pouvoir effectuer celle-ci et parfois, ce sont les familles ou les amis qui s'endettent ou qui prennent des mesures économiques particulières afin de subvenir aux besoins du retraitant. D'autres difficultés peuvent se poser quant au déroulement même de la retraite, comme la séparation des hommes et des femmes. Dans certains cas, lorsque la situation géographique le permettait, quelques hommes ou quelques femmes, notamment chez les Nyingma, « faisaient le mur » pour aller rejoindre leur ami(e). Comme me le rapportera un des responsables du CEC, alors que pour les premières retraites, les hommes et les femmes n'étaient pas séparés par une longue distance, les va-et-vient n'étaient pas rares. Désormais les hommes sont en retraite sur la Côte de Jör tandis que les femmes sont à quelques dizaines de kilomètres de là,...
---
* Les dispositions mentales, affectives et intellectuelles des personnes qui entrent en retraite de longue durée ne sont pas toujours prises en compte. Des passe-droits sont aussi employés.
p. 250 et 251
Commenter  J’apprécie          00
II. LES MAITRES EUROPEENS
La formation de maîtres dans les nouveaux pays d'accueil a été encouragée par des maîtres tels que Kalou Rinpoché et Guendune Rinpoché. En formant des lamas dans la population locale capable à leur tour de transmettre la doctrine et d'établir des centres, les écoles de ces maîtres sont vite devenues les plus importantes. Dans les autres écoles, tous n'ont pas le même avis quant à la formation de maîtres occidentaux. Certains s'y refusent et se montrent circonspects quant à cette possibilité. Notons également que tous les maîtres (nommés lamas, enseignants, vénérables, etc.) n'ont pas tous reçu de formation pour acquérir leur titre (certains ont pu se l'octroyer) et ce dernier ne correspond pas toujours à des standards traditionnels et désigne des compétences différentes selon les organisations.
p. 249
Lorsqu'on questionne les retraitants à propos de leur expérience, ce sont essentiellement le vécu quotidien avec un groupe défini de personnes et leur pratique personnelle effectuée seule dans leur chambre qui sont abordés. Ainsi, même s'ils font référence à telle ou telle pratique préliminaire en soulignant, par exemple, qu'elle permet aux émotions de faire surface et qu'elle entraîne un travail important sur soi, les expériences sont à chaque fois différente et engendrent diverses réactions. Pour Magalie, droupla ayant fait une retraite, ce n'est pas trois ans ou six ans de retraite qui change une personne. « Nous sommes les mêmes mais on assume plus ce que l'on est. On est soi-même, on se connaît mieux et du coup, il y a plus d'espace. On peut paraître moins émotionnel dans le sens où on va s'emporter moins facilement mais ce n'est pas qu'on a changé et qu'on est vraiment tolérant car ce n'est pas trois ans ou sept ans qui vont vraiment nous changer. »
p. 250
Commenter  J’apprécie          00
2. Les tülkou occidentaux : enjeux pour la pérennité du Vajrayana
2.1. « Little Bouddha » : la réalité dépasse la fiction

Le premier tülkou né de parents occidentaux et, considéré comme la renaissance d'un lama tibétain important est espagnol, il s'agit de Ösel Hitta Torres, devenu Ösel Tenzin. C'est deux ans après le décès de Lama Yéshé, actif dans la diffusion du dharma en Occident, que son disciple, Lama Zopa, trouve sa réincarnation dans le fils d'un couple espagnol. Ce couple devenu disciple de Lama Yéshé en 1977 avait construit un centre de retraites au sud de Grenade en 1978, à qui le Dalaï-Lama donnera plus tard le nom « Ösel Ling » (Centre de la Claire Lumière), ayant reconnu formellement le jeune garçon. Celui-ci est né le 12 février 1985 à Bubion et, après avoir été soumis à des tests en mai 1986 auprès du Dalaï-Lama, il fut plus tard reconnu officiellement comme la réincarnation de Lama Thoubten Yéshé. La journaliste bouddhiste Vickie Mackenzie souligne que « depuis sa plus tendre enfance, dès que sa véritable identité a été révélée, il a fait face au public, à la presse, aux foules et aux disciples avec une grâce et un détachement de toute évidence naturels ». Le charisme supposé de l'enfant est mobilisé pour participer à la construction de sa sainteté, notamment par ses disciples, mais aussi par des sympathisants. Ösel Tenzin est entré à l'âge de six ans (en 1991) au monastère de Séra (Inde du Sud) pour y suivre l'éducation réservée aux tülkou. Sa formation, très chère, sera payée grâce aux dons de disciples.
Cependant, elle sera stoppée un temps car le jeune tülkou, âgé de huit ans, n'a plus supporté la vie au monastère et sa mère est venue le chercher pour le ramener en Espagne.* Il retournera parfaire son éducation en Asie à Kopan au Népal, pour ensuite revenir à Séra. Dans une interview à l'aube de ses seize ans, il souligne que le monastère est « le meilleur endroit au monde pour étudier le bouddhisme et tout a été fait pour me faciliter les études ». Pour lui, c'est une « renaissance tellement fortunée ! J'aurais eu beaucoup de remords si j'étais resté en Espagne [...] ». A la question, « que faites-vous pendant vos vacances ? », Ösel répond : « Je m'assieds et j'utilise mes mains pour jouer à l'ordinateur. Parfois, je joue au ballon, parfois je vais de haut en bas, dans la maison ». On apprend également que l'adolescent lit des livres en anglais (comme Le Seigneur des Anneaux, la saga de Tolkien) et parfois en tibétain, langue qu'il ne comprend pas véritablement mais qu'il préfère à l'anglais. Il insiste : « Mon esprit se passionne pour l'ensemble des études bouddhiques », on ne pourrait pas en attendre moins, pourrait-on dire, d'un tülkou destiné à prendre les rênes d'une organisation bouddhiste. En ce qui concerne les sciences, il avoue ne pas les aimer beaucoup, surtout la physique : « Oui, je déteste particulièrement la physique, je n'y comprends rien, c'est très difficile. Je pense que j'étudierai un peu plus la psychologie occidentale dans le futur, juste pour voir de quoi il en retourne ». Les paroles de l'adolescent peuvent apparaître à certains endroits comme immatures, voir puériles alors qu'elles sont à d'autres moments très convenues et normatives (par exemple, sur sa vie au monastère, « je n'imagine pas que ce puisse être mieux »). Mais, comme me dira un disciple de l'ancien Lama Thoubten Yéshé, plutôt dubitatif quant à la renaissance de son maître dans cet enfant espagnol : « S'il doit s'agir d'un pantin, c'est ridicule, mais s'il montre des aptitudes pour l'enseignement et qu'il sait mobiliser les gens à travers une éthique juste, alors peut-être que cela n'aura pas servi à rien, même si je ne reconnais pas mon maître à travers »
---
* Selon des témoins, l'enfant était devenu très égocentrique et capricieux.
p. 239 et 240
Commenter  J’apprécie          00
« Moi, de voir qu'il y a des tulkous européens parce que j'ai appris ça, c'est une porte qui s'est ouverte. Le dharma, c'est pour les autres. La forme que prend le dharma, c'est fonction des êtres qui sont en lien avec. S'il faut que les tulkous soient noirs, des piercings dans le nez et une crête sur la tête, si c'est juste à ce moment-là, ça se fera comme ça. » (Dordogne, 2004)
Le jeune moine souligne l'authenticité du phénomène et son bien-fondé, ses origines et ses développements ne sont pas questionnés. Pour lui, c'est une chance de savoir qu'il existe des tülkou occidentaux car le dharma s'adapte à son auditoire. Kalou Rinpoché, qui avait laissé présager qu'il se réincarnerait dans le corps d'un occidental n'a pas laissé d'instructions précises concernant sa renaissance. Celle-ci a été retrouvée chez le fils de son neveu et secrétaire Lama Gyaltsen. Reconnu par le Dalaï-Lama et Taï Sitou Rinpoché, le jeune Yangsi Kalou est né le 17 septembre 1990 alors que son prédécesseur est décédé le 10 mai 1989. Bokar Rinpoché, fidèle disciple et successeur de Kalou Rinpoché relate la naissance du « Yangsi Kalou », la renaissance de Kalou Rinpoché :
« Sa naissance se fit sans aucune douleur pour la mère. Dès ce moment, certains bienfaiteurs fidèles de l'incarnation précédente éprouvèrent une joie et un bien-être physique inhabituel à la simple vue du visage de l'enfant. Son monastère de Sonada se trouva recouvert d'un dais d'arc-en-ciel et se produisirent de nombreux signes positifs, significatifs et merveilleux. Aussi, un grand nombre de personnes sur place et ailleurs, laissèrent-elles entendre que la sublime incarnation de leur maître avait repris naissance. »
On remarque ici que les critères de sélection obéissent à des logiques familiales et politico-économiques, qui, même si elles n'ont pas les mêmes fonctions qu'auparavant, maintiennent les mêmes logiques. Des manipulations apparaissent pour servir les détenteurs de ce système. Cependant une autre modalité rentre en compte : le danger de voir une lignée tibétaine dirigée par un Occidental. Une concurrence est alors palpable entre d'une part les maîtres tibétains qui veulent conserver leur prééminence sur leur tradition et des maîtres occidentaux qui souhaitent prendre de plus en plus d'indépendance par rapport à la hiérarchie tibétaine. Voyons d'abord quelles sont les conditions et quels sont les enjeux qui caractérisent la présence de tülkou occidentaux.
p. 238 et 239
Commenter  J’apprécie          20
Les avis concernant la validité d'un tel principe en Occident sont divergents mais ils ne sont pas réductibles à l'adaptabilité aux valeurs des sociétés occidentales prônée par certains maîtres ; des maîtres occidentaux souhaitent l'adaptation totale du dharma au contexte occidental en maintenant ce système alors que d'autres, qui le critiquent fermement, le rejettent. Les lamas tibétains rencontrés souhaitent tous voir perpétuer ce système qu'ils considèrent fondamental dans leur tradition. Certains Européens sont plus réservés, parfois critiques, par rapport aux tülkou qu'ils pensent être une « déviation culturelle » alors que d'autres souhaitent, à l'instar des lamas tibétains rencontrés, le voir perdurer. On peut penser que certains maîtres occidentaux rejettent ce système parce qu'ils n'ont pas les clefs pour le contrôler, le légitimer et la capacité à reconnaître des tülkou. Les propos de deux lamas français, ceux d'un lama de Dhagpo Kagyu Ling et ceux de Lama Denys, illustrent bien ces différentes opinions.
« Le système des tülkou est important à préserver. Ce n'est pas quelque chose de culturel. C'est un système qui a été établi par des êtres éveillés et qui garantit l'authenticité de la transmission. C'est un point important. Deuxième point, c'est vrai qu'au Tibet, dès qu'il y a une structure, c'est comme ça, il y a eu des déviations, il y a eu des tulkous politiques. On est d'accord là-dessus. Il ne faut pas faire semblant non plus. » (DKL, 2004)
F. Lenoir a restitué dans sa thèse les propos du Lama Denys, propos qui manifestent le désir d'une prise de distance radicale avec la culture tibétaine. Il affirme que le système des tülkou est une création tibétaine liée à sa culture féodale :
« L'erreur habituelle est la déviation animiste qui consiste à percevoir une continuité individuelle dans la succession de tulkous. Ce n'est pas un enseignement bouddhiste, mais une déformation culturelle qui est néanmoins largement répandue en Orient et au Tibet. Elle est aussi entretenue pour nourrir la dévotion et la motivation des fidèles. Elle est aussi inconsciemment entretenue par les espoirs réincartionnistes de l'ego des pratiquants... » (Lenoir, 1999b : 378)
Cette dernière observation critique la déformation « culturelle » qui perçoit les tülkou comme des renaissances successives d'un même être. Il s'agit d'une prise de distance avec un certain héritage religieux tibétain. Les fidèles sont en grande majorité convaincus de la validité de ce système, même s'ils admettent qu'il a ses « perversités » et ses « manipulations ».
p. 237 et 238
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Cécile Campergue (2)Voir plus


{* *}