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Citation de Catherine3


"Céleste, j'ai mis le mot fin"
(...) Il était environ quatre heures lorsqu'il a sonné. Je suis venue par le petit salon. Il avait sonné un seul coup, j'arrivais donc les mains vides -pour apporter le plateau, c'étaient deux coups de sonnette-. Quand je suis entrée, il reposait dans son lit, le buste et la tête légèrement soulevés par les oreillers, comme d'habitude, dans la lumière de la petite lampe qui laissait son visage dans l'ombre, à part le regard, qui était toujours si fort que l'on sentait quand il vous observait ou vous suivait. J'ai tout de suite remarqué qu'il n'avait pas fait de fumigation en se réveillant. Qu'il n'ait pas "fumé" ce jour-là m'a toujours frappée.
D'ordinaire, je l'ai dit, tout se passait silencieusement à ce premier contact -un léger geste pour remercier, un autre, le cas échéant, ou une simple orientation des yeux pour signifier qu'il avait besoin de quelque chose; il n'était pas nécessaire de parler, je comprenais le moindre signe.
Il avait l'air très fatigué, mais il souriait en me regardant venir. Tout de suite, j'ai été frappée par la lumière de son expression.
Comme j'arrivais près du lit, il a tourné un peu la tête vers moi, ses lèvres se sont ouvertes et il a parlé. Depuis que je vivais auprès de lui, c'était la première fois qu'il m'adressait la parole au sortir de son réveil et avant d'avoir pris sa première tasse de café. Jusqu'à sa mort, cela ne s'est plus reproduit. J'ai été surprise malgré moi, et je suis restée là, avec mon plateau en suspens.Il m'a dit:
-Bonjour, Céleste...
Un petit instant, son sourire a paru déguster ma surprise. Puis il a repris:
-Vous savez, il est arrivé une grande chose cette nuit.
-Que s'est-il passé, Monsieur?
-Devinez.
Il s'amusait beaucoup. Rapidement, dans ma tête, j'ai fait le tour de ce qui aurait pu arriver. Ce ne pouvait pas être une visite inattendue -je l'aurais su et entendu; jamais il ne fut allé ouvrir lui-même la porte. Qu'il ait pu se relever pour sortir était également inconcevable; jamais il n'eût décroché de ses mains son pardessus et son chapeau dans le vestiaire; toujours il fallait que tout fût préparé. Tout en cherchant, j'inspectais du regard la chambre. Je me disais "personne n'est venu; il n'a pas demandé ses vêtements; il n'est pas sorti; il n'a pas grillé sa bouilloire électrique; il n'a rien cassé; tout est en place..."
J'ai dit:
-Monsieur, je ne vois pas du tout ce que cela peut être, je ne peux pas deviner. Cela doit être un miracle. Il faut que vous me l'appreniez.
L'air tout heureux et rajeuni, il jubilait comme un enfant qui a joué un bon tour.
-Eh bien, ma chère Céleste, je vais vous le dire. c'est une grande nouvelle. Cette nuit, j'ai mis le mot "fin".
Il a ajouté, toujours avec son sourire et cette lumière dans son regard:
-Maintenant, je peux mourir.

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