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Citations de Céleste Albaret (35)


— Ma chère Céleste, vous devriez écrire votre journal. Je suis sérieux, Céleste.Vous savez tout de moi. Je vous dis tout. Après ma mort, votre journal se vendrait plus que mes livres.
D’ailleurs, j’irai encore plus loin, Céleste : vous l'écririez et moi, je vous le commenterais.

— Je vois cela, Monsieur. Encore une petite moquerie comme vous aimez à m’en faire.

— Vous avez tort, Céleste, et vous le regretterez.
Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui viendront vous voir après ma mort, ni qui vous écriront.
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En fait de repos, je savais parfaitement que, allongé là et immobile dans son lit, il voyageait dans son livre et dans son temps retrouvé.
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Je vois ce grand seigneur qui entre. Il faisait très jeune - mince, mais pas maigre, avec une très jolie peau et des dents extrêmement blanches, et aussi cette petite mèche sur le front, que je devais toujours lui voir et qui se faisait toute seule. Et puis cette élégance magnifique et cette façon curieuse, cette espèce de retenue que j'ai remarquée ensuite chez beaucoup d'asthmatiques, comme pour économiser leurs forces et leur souffle.
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Dix années, ce n'est pas si long. Mais c'était M. Proust, et ces dix années chez lui, avec lui, c'est toute une vie pour moi ; et je remercie le destin de me l'avoir donnée, parce que je n'aurais pu rêver d'une vie plus belle. Je ne me rendais pas compte à quel point. Je menais mon train-train, j'étais contente d'être là. Quand je le lui disais, il avait un petite œil scrutateur, à la fois taquin et gentil, et il répondait :
Voyons, chère Céleste, vivre tout le temps la nuit, ici, avec un malade, cela doit être bien triste ?
Et moi je protestais. Il s'amusait, mais il avait deviné bien avant moi ce que cette existence représentait pour moi. C'est difficile à exprimer. C'étaient son charme, son sourire, sa façon de parler, avec sa petite main contre sa joue. Il donnait le ton comme une chanson. Quand la vie s'est arrêtée pour lui, elle s'est arrêtée aussi pour moi. Mais la chanson est restée.

2516 – [Robert Laffont, 1973, p. 11/12]
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... son œil pétillait – comme cette nuit où il est rentré d'une réception chez le comte de Beaumont, dont l'attraction était un hypnotiseur. Toute l'assistance s'était soumise à l'expérience, y compris le comte, qui s'était endormi et qui a voulu que M. Proust y passe aussi. Mais l'hypnotiseur s'est récusé : « Oh, non pas monsieur ! » M. Proust en était très fier...
- Il a senti que cela n'irait pas comme avec le comte, qui s'est endormi comme un seul homme, ni comme avec les autres, m'a-t-il dit. Vous comprenez, Céleste, il m'intéresse et il m'amuse. Mais il est de ces gens qui empruntent autour d'eux le peu d'esprit qu'ils ont. Ce qui fait que l’hypnotiseur n'avait pas de mal à lui donner un peu du sien. De toute façon, ce n'est pas allé très loin.

2594 – [p. 158/159]
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A propos de mouchoirs neufs :
- Céleste, je vous ai dit que je ne pouvais pas utiliser ces mouchoirs. Je vous prie de bien vouloir comprendre que ce n'est ni une idée ni un caprice. Ils ne sont pas assez fins. Ils me causent une espèce de chatouillement aux narines, qui me donne des éternuements, et c'est très mauvais pour mon asthme. Donc, ne me les donnez plus, s'il vous plaît.
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Et c'est ce même soir-là de septembre 1914, où il est entré volontairement dans sa vie de reclus pour les huit dernières années de sa vie et de son œuvre, que moi qui ne savais rien faire, et bien que ce ne fût pas décent, comme il l'avait dit, j'y suis entrée aussi, pour y rester, toujours sans m'en douter, jusqu'au bout.
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Céleste Albaret
Ce M. Gallimard est un peu papillon, maintenant qu’il a vu la fleur, il voudrait se poser. Laissons le voleter encore un peu.
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Une nuit – ce devait être vers la fin de la guerre, alors que j'étais déjà près de lui depuis trois ou quatre ans – il m'a dit :
- Ma chère Céleste, je me demande ce que vous attendez pour écrire un journal.
Moi, je me suis mise à rire :
- Je vois cela, Monsieur. Encore une petite moquerie comme vous aimez à m'en faire.
- Je suis sérieux, Céleste. Personne ne me connaît vraiment, que vous. Personne ne sait comme vous tout ce que je fais, ni ne peut savoir tout ce que je vous dis. Après ma mort, votre journal se vendrait plus que mes livres. Si, si, vous le vendriez comme le boulanger vend ses petits pains le matin, et vous gagneriez une fortune. D'ailleurs, j'irai encore plus loin, Céleste : vous l'écririez, et moi, je vous le commenterais.
Là-dessus, je me souviens de lui avoir expliqué :
- C'est ça, Monsieur ! Vous répétez constamment que vous n'avez pas le temps de faire ce que vous avez à faire, et vous voudriez commenter mon journal par-dessus le marché ! Quand je vous dis que vous vous moquez !
- Il a soupiré, puis il a dit encore :
- Vous avez tort, Céleste, et vous le regretterez. Vous n'imaginerez pas le nombre de gens qui viendront vous voir après ma mort, ni qui vous écriront. Et à ceux-ci, naturellement, telle que je vous connais, vous ne répondrez pas.
Le pire est que tout est vrai. On est venu me voir du monde entier, depuis sa mort. Je continue à recevoir des lettres, auxquelles je ne réponds pas. Mais surtout, je regrette de n'avoir pas tenu ce journal, parce que, principalement s'il me l'avait commenté, j'aurais eu une autre arme que ma parole et ma mémoire pour lutter contre les mensonges, bien ou mal intentionnés, répandus sur son œuvre et sur lui.

39 – [Robert Laffont, 1973, p. 162-163]
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Un événement qui l'avait beaucoup marqué autrefois, c'était l'affaire Dreyfus. Lui qu'on aurait pu croire plutôt craintif et éloigné de ces luttes, il me racontait qu'il s'était jeté dedans à corps perdu et qu'il avait assisté à toutes les séances du procès. Il prônait Emile Zola et tous les défenseurs de Dreyfus, pour leur courage.
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Il fallait voir la plume courir et aligner son écriture fine et liée. Il ne se servait que de plumes Sergent-Major, je crois l'avoir dit, qui étaient nettes et aiguës, avec un petit creux au-dessus pour retenir une goutte d'encre, si je me le rappelle bien. Je ne l'ai jamais vu employer un stylo - à l'époque, l'usage commençait pourtant à s'en généraliser.
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Les lettres de Montesquiou étaient pareilles à des ouvrages d'art. Il avait une grande écriture, belle, droite, magistrale, sur un papier très soigné. M. Proust, lui, écrivait ses réponses sur n'importe quel papier. Je me souviens que, un jour, il a fait une tache sur la lettre qu'il adressait au comte. Il m'a dit :
- Tant pis, nous la lui enverrons quand même ; je suis trop fatigué pour la refaire. Mais vous verrez qu'il trouvera que je manque de classe.
Comme d'habitude, il avait deviné juste. Le fait est que l'on a retrouvé la lettre, après la mort de Montesquiou, en 1920, et celle de M. Proust. En regard de la tache, le comte avait écrit de sa grande écriture : "Caca".
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"Céleste, j'ai mis le mot fin"
(...) Il était environ quatre heures lorsqu'il a sonné. Je suis venue par le petit salon. Il avait sonné un seul coup, j'arrivais donc les mains vides -pour apporter le plateau, c'étaient deux coups de sonnette-. Quand je suis entrée, il reposait dans son lit, le buste et la tête légèrement soulevés par les oreillers, comme d'habitude, dans la lumière de la petite lampe qui laissait son visage dans l'ombre, à part le regard, qui était toujours si fort que l'on sentait quand il vous observait ou vous suivait. J'ai tout de suite remarqué qu'il n'avait pas fait de fumigation en se réveillant. Qu'il n'ait pas "fumé" ce jour-là m'a toujours frappée.
D'ordinaire, je l'ai dit, tout se passait silencieusement à ce premier contact -un léger geste pour remercier, un autre, le cas échéant, ou une simple orientation des yeux pour signifier qu'il avait besoin de quelque chose; il n'était pas nécessaire de parler, je comprenais le moindre signe.
Il avait l'air très fatigué, mais il souriait en me regardant venir. Tout de suite, j'ai été frappée par la lumière de son expression.
Comme j'arrivais près du lit, il a tourné un peu la tête vers moi, ses lèvres se sont ouvertes et il a parlé. Depuis que je vivais auprès de lui, c'était la première fois qu'il m'adressait la parole au sortir de son réveil et avant d'avoir pris sa première tasse de café. Jusqu'à sa mort, cela ne s'est plus reproduit. J'ai été surprise malgré moi, et je suis restée là, avec mon plateau en suspens.Il m'a dit:
-Bonjour, Céleste...
Un petit instant, son sourire a paru déguster ma surprise. Puis il a repris:
-Vous savez, il est arrivé une grande chose cette nuit.
-Que s'est-il passé, Monsieur?
-Devinez.
Il s'amusait beaucoup. Rapidement, dans ma tête, j'ai fait le tour de ce qui aurait pu arriver. Ce ne pouvait pas être une visite inattendue -je l'aurais su et entendu; jamais il ne fut allé ouvrir lui-même la porte. Qu'il ait pu se relever pour sortir était également inconcevable; jamais il n'eût décroché de ses mains son pardessus et son chapeau dans le vestiaire; toujours il fallait que tout fût préparé. Tout en cherchant, j'inspectais du regard la chambre. Je me disais "personne n'est venu; il n'a pas demandé ses vêtements; il n'est pas sorti; il n'a pas grillé sa bouilloire électrique; il n'a rien cassé; tout est en place..."
J'ai dit:
-Monsieur, je ne vois pas du tout ce que cela peut être, je ne peux pas deviner. Cela doit être un miracle. Il faut que vous me l'appreniez.
L'air tout heureux et rajeuni, il jubilait comme un enfant qui a joué un bon tour.
-Eh bien, ma chère Céleste, je vais vous le dire. c'est une grande nouvelle. Cette nuit, j'ai mis le mot "fin".
Il a ajouté, toujours avec son sourire et cette lumière dans son regard:
-Maintenant, je peux mourir.

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Car la vérité, c’est cela : il ne s’est pas amusé à peindre un jeu des portraits ; il y avait un monde qu’il avait connu, toute une société et un mode de vie qui s’effritaient et tombaient peu à peu par pans entiers dans un autre monde qui se refaisait. Il l’avait vu ; je suis sûre qu’il en avait eu la perspective dès le début. Il avait vu la chute de ce monde, bien avant de la connaître. C’est cela qu’il a voulu écrire, un moraliste, avec tous les ressorts humains, toutes les beautés, mais aussi tous les ridicules. Il était terrible dans ses jugements. Oui, il a prédit la chute – voilà ce qu’il faut lire dans son œuvre. Si l’on ne sait pas y lire cela, c’est qu’on n’y a rien compris.
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Céleste Albaret
e me souviens même qu’il m’a conseillé Les Trois Mousquetaires. Je l’ai lu et cela m’a passionnée
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Le pire est que tout est vrai. On est venu me voir du monde entier, depuis sa mort. Je continue à recevoir des lettres, auxquelles je ne réponds pas. Mais surtout, je regrette de n'avoir pas tenu ce journal, parce que, principalement s'il me l'avait commenté, j'aurais eu une autre arme que ma parole et ma mémoire pour lutter contre les mensonges, bien ou mal intentionnés, répandus sur son oeuvre et sur lui.
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Il y avait d'abord son allure. J'ai dit qu'il était plutôt grand. En même temps, il était mince et il se tenait un peu cambré et renversé, la tête bien dégagée, avec beaucoup de noblesse, ce qui le grandissait encore. Non qu'il bombât le torse à plaisir et par affectation. C'est une chose courante, chez les asthmatiques, de porter ainsi leur asthme, comme pour se dégager de l'oppression de la respiration.
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Aujourd'hui, j'ai compris que toute la recherche de M.Proust, tout son sacrifice à son œuvre, cela a été de se mettre hors du temps pour le retrouver. Quand il n'y a plus de temps, c'est le silence. Il lui fallait ce silence, pour n'entendre que les voix qu'il voulait entendre, celles qui sont dans ses livres. À l'époque, je n'y pensais pas. Mais maintenant, la nuit, quand je suis seule et que je ne dors pas et que je réfléchis, je crois le voir comme il était sûrement, dans sa chambre, après que je l'avais quitté - seul aussi, mais dans sa nuit à lui, alors que, dehors déjà depuis longtemps il faisait jour, et travaillant sur ses cahiers. Et je songe que j'étais là, sans me douter jusqu'au bout, ou presque, qu'il a voulu cette solitude et ce silence, tout en sachant que cela le tuait.
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Et, pour la première fois, il m'a dit une chose qui devait souvent revenir plus tard dans nos conversations :
- Peut-être un jour, si je vais mieux... Et je vous emmènerai. Je voudrais absolument que vous voyiez cela.
Et, là aussi, il y avait dans sa voix tout le regret, presque enfantin, d'images qu'il aurait bien voulu revoir.
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Céleste Albaret
C'est grâce à la gentillesse et à la bonté de Monsieur Proust, je puis vous le dire, que je suis devenu quelqu'un
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