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Citation de joellebooks


Minga,
Je me fais vieille. C’est horrible. Je ne sais comment te l’expliquer. Je ne parviens plus à porter mon corps. Dans ma tête, je me suis toujours sentie comme une enfant, j’ai rêvé comme une enfant, j’ai voyagé comme une enfant, m’émerveillant des lieux et des gens que j’ai rencontrés sur mon chemin. J’ai espéré. Maintenant, je ne suis qu’une vieille femme qui a vu les années passer comme on égrène les perles d’un collier de cauris. Des années vides, en réalité, vides de toi. Mes tiroirs, eux, sont plein de matériel de travail, de médicaments, de courriers administratifs, mais pas une seule lettre de toi. Je me demande si tu as reçu les miennes. Je sais, j’imagine, ton père m’avait dit qu’il s’arrangerait pour que je ne te revoie jamais. Mais j’ai toujours pensé que le temps éroderait ses colères, qu’il le délesterait de toutes ses épines. Ce n’était qu’illusion.
Si je te disais qu’en parlant justement du temps, je l’avais laissé s’écouler parce que la joie du retour était sans cesse annulée par la peur d’affronter ton regard. Et puis, qu’allait t’apporter réellement mon retour dans ta vie ? Parfois il est mieux que tu ne laisses pas certaines choses revenir. Le passé par exemple.
Il n’y a que la pluie après les longs mois de saisons sèches, l’éclosion des fleurs au printemps, les couchers de soleil, le sourire d’un enfant malade, l’odeur du quatre-quarts qui cuit dans le four, le Canon en ré majeur de Johann Pachebel, le goût du café à une terrasse parisienne, qui peuvent revenir. Mais il n’est pas bon que le passé revienne sous la forme d’un ancien président déchu, d’une femme battue, d’un soldat amputé, d’un blessé de guerre. Tous ces êtres pleins d’échardes.
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