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Citation de Carosand


Je me souviens de l'école, lorsqu'on commence à étudier les mathématiques, il faut ranger les nombres dans de grosses bulles : bulles de semblables. On range par catégorie, par type.
Je regarde ce monde et j'essaie de tout ranger dans des bulles. Dans la mienne, je me sens seule. Tant mieux. C'est dur d'être seule, mais je m'habitue.
Dans la grosse bulle d'â côté, je regarde les gens. Serrés les uns contre les autres, ils sont collés par la glu de leur individualisme. Ils ne se parlent même pas, tellement ils sont obnubilés par les néants qui remplissent leur vie. Ils sont nombreux. Ils se tiennent chaud. Ils sont muets. Pourtant, ils ont tout. Leur voiture roule, leur maison brille, leur argent dort, leur famille est assurée. Moi, je n'ai rien de tout cela.
Un jour, on m'a fait un joli compliment : "Ne change jamais". Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Que l'un d'entre eux avait ouvert les yeux, avait vu ma bulle spacieuse et l'enviait secrètement ? Ou qu'il fallait ne pas changer parce qu'il n'y avait pas de place pour moi, chez eux ?
Parfois, j'aimerais leur ressembler. Ils paraissent si sûrs d'eux, rien de semble les atteindre. Ils se battent, se neutralisent, sans aucune pitié. Le mendiant leur inspire le dégoût et le rejet, à la rigueur la bonne conscience quand ils mettent la main à la poche. La compassion ne le effleure pas. Ils s'aiment, eux, à travers les autres. L'altruisme n'est qu'un alibi. Lorsqu'ils "font un geste", ils calculent le profit escompté ; autrement ils se dérobent. Ils avancent droit devant parce que rien ne les touche, rien ne les émeut, rien ne les concerne, à part leur égo. Peut-être faut-il être comme eux, rejoindre le groupe et ressembler aux images qu'ils se font de la vie : en noir et blanc ? Gris. Ils sont gris de coeur et de raison. Et ils volent la couleur de mes rêves pour la mâchouiller, comme un chewing-gum. Lorsque je n'aurai plus de goût, je finirai écrasée sur un trottoir, collée sous une semelle. Et ma bulle sera vide.
Je n'ai pas envie de les aider. De les aimer pour les rendre aimables. Je suis trop fragile encore, et la seule manière de me protéger, c'est la dureté. Comme avec Alexandre. Je n'ai pas les moyens d'être un ange. Je ne suis pas faite pour ça. J'ai déjà trop de mal à rester moi.
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