Citations de Christian Angles (11)
« Liberté, liberté chérie, je n’imaginais pas chérir ton nom », avais-je écrit dans un cahier. En plusieurs langues, comme au frontispice d’un monument à la gloire des hommes libérés de leurs chaines.
J’imaginais en rêve mon roman sur les tables des libraires, bien en vue, trituré, retourné, feuilleté et parcouru par des acheteurs potentiels. Acquis par mes futurs lecteurs, emporté et lu par d’innombrables anonymes. Je le découvrais avec stupeur et ravissement dans les listes des meilleures ventes où il apparaissait tout simplement parce qu’il était génial. Ce n’était pas moi qui le disais, je n’aurais pas eu cette impudeur, c’était les gens, la presse, les littérateurs… On évoquait la bonne surprise de cette fin d’année. Coup d’essai... Coup de cœur... Coup de maître, écrivait-on dans les pages littéraires.
J’ai bouquiné toute ma jeunesse – dévoré serait plus exact – à m’en bousiller les yeux, et aujourd’hui encore je ne peux pas me passer d’un bon livre. J’allais sur mes six ans quand mamie m’avait rapporté l’édition originale du Club des cinq et le trésor de l’île, ayant appartenu à Neil, mon père. Cette lecture reste à jamais gravée dans ma mémoire comme une révélation : on peut connaitre ces doux moments au fond de son lit avec pareil objet entre les mains. On peut vivre dans l’urgence de cet instant de bonheur total, celui où l’on reprendra l’histoire ; celui où l’on passera une nuit blanche à tourner les pages. Celui, implacable, de patienter jusqu’à la sortie de la suite.
La vie réserve parfois des moments d’effroi absolu, nous plaçant dans des situations qui dépassent l’entendement, cela n’arrive pas que dans les films catastrophes, croyez-moi. J’allais être jetée d’un hélicoptère au-dessus de la forêt amazonienne et seule la main de Dieu pouvait me sauver.
Mon imaginaire, souvent prompt à l’évasion, m’a fait songer à Ulysse luttant contre le cyclope dont il crevait l’œil grâce à un pieu, après l’avoir enivré.
Je me suis dit que j’aimerais moi aussi crever l’œil de ce sale type ! Il était probablement le chef de ce bataillon, les soldats semblaient n’agir que sur ses ordres.
Ce soir, tout mon être flottait dans l’ouate des petits bonheurs ; ceux, rares et méconnus des autres, qui nous appartiennent et que l’on se garde bien de divulguer, d’étaler au grand jour. De toutes minuscules sensations qui me donnaient des fourmis dans les méninges et au bout des doigts… Ce, qu’in petto, je qualifiais de « libido d’écriture ». Quitter ce foutu plateau, abandonner ces jeux du cirque dont j’étais, j’imagine, l’unique martyre, et regagner Londres n’était plus qu’une affaire de minutes. Le besoin d’écrire me bouffait. London, le nid, les miens qui me manquaient atrocement, mon cabinet de travail sous les toits, écrire, écrire... la casanière de base, quoi !
Des lignes… des mots… j’en ai écrit presque chaque jour de ma vie. Ici aussi, histoire de tuer le temps dans ce « cloaque de l’humanité » comme je l’appelais avec un mépris aussi insultant qu’injuste.
Lorna J. irradiait, comme à chacune de ses apparitions publiques, réveillant la plus assoupie des libidos, mettant le feu aux têtes et aux ventres. Une diablesse qui à trente-six ans se voyait consacrée pour « une œuvre originale, puissante et stimulante. » Yolanda mon âme sœur, elle qui n’avait jamais rien lu, elle qui n’aimait ni lire, ni écrire, qui n’aimait que jouer, chanter et séduire et brûler la chandelle par les deux bouts. Nonobstant, elle recevait une distinction littéraire de haut rang sans qu’elle n’eût jamais écrit la moindre ligne.
La communication politique à la papa est bel et bien finie. On est entré dans l’ère du numérique, d’internet, de YouTube et surtout de la starisation des politiciens. Ils vont claquer dix fois plus. À la louche deux cents millions !
Embobiner, endormir, caresser dans le sens du poil, Ferdinand découvrait les vertus de la méthode. Il ressentait ces choses avec naturel. Il se sentait fait pour la vente.
Ce qui restait de son corps déchiqueté et coupé en deux au niveau de l’abdomen, le requin l’engloutit en s’enfonçant dans les profondeurs de son règne.