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Citation de Charybde2


Un jour, j’ai été bolchevik.
Un bolchevik de fiction. Mais un bolchevik en chair et en os tout de même, avec blouson de cuir, foulard rouge autour du cou, et une étincelle dans le regard. En ce temps-là, les murs de mon studio étaient couverts d’affiches de la révolution d’Octobre. On y voyait des fusils enlacés avec des marteaux, des cercles pénétrés par des triangles, des poings levés et des slogans en forme d’allégories : « Battre les Blancs avec un coin rouge ! » Les locomotives s’élançaient vers le ciel et des ouvriers en vareuse rouge pointaient du doigt l’ennemi de classe ou le déserteur. Juché sur une mappemonde, Lénine muni d’un balai nettoyait la surface de la terre de ses derniers exploiteurs. Et dans mes rêves, il y avait des onomatopées en lettres géantes qui se répétaient, comme dans les films d’Eisenstein :

HO, HO, HO.

Les masses accourues de toute part se transformaient en force matérielle au contact de la théorie marxiste de la plus-value. Dès le réveil, l’image collée au mur d’un homme au front ceint d’un bandeau taché de sang me communiquait son implacable énergie. La fée électricité illuminait le monde. Les soviets faisaient le reste.
Les masses se ruaient dans le grand théâtre de l’Histoire. En coulisse, les acteurs attendaient les trois coups pour se précipiter su scène et adresser à la foule les mots qu’elle attendait depuis toujours. Les slogans s’échappaient des bouches fumantes. Ce n’était plus seulement des orateurs qui s’adressaient au peuple, c’était l’Histoire en personne qui leur dictait ses mots. Comme si le but de ces bolcheviks aux nerfs d’acier était de se couler en elle et de s’y fondre.
« Pendant les révolutions le charme des femmes pâlit aux yeux des hommes, dit-on, l’Histoire leur ravit la première place. C’est elle qui hante leurs rêves. » Et dans ce rêve, Lénine de son balcon harangue pour toujours la foule de Petrograd, sa casquette à la main. Le train de Trotski se lance à la poursuite des armées de Koltchak et de Denikine, franchit les espaces immenses, les distances désolées.
Un jeune homme de dix-huit ans tire à bout portant sur un ambassadeur. « La révolution choisit ses amants jeunes », avait déclaré Trotski aux généraux allemands étonnés de devoir négocier la paix avec des adolescents. La raison en est simple : ils donnent la mort plus facilement.
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