J'avais quitté Paris depuis trois ans. Rien que l'odeur du macadam était une jouissance oubliée. Sans autos, Paris paraissait plus beau que jamais. L'atmosphère, comme rendue translucide par l'absence des gaz d'échappement, nimbait la capitale d'une lumière inusitée. Quelle émotion ! Nous comparions la vie actuelle à celle d'autrefois. Le sentiment de la précarité de nos existences donnait un prix incroyable à chaque instant. En regagnant Paris, nous retrouvions nos racines, nos marques, et ceux de nos amis encore en liberté.Déjà à cette époque, les déportations allaient bon train. Nous ne les ignorions pas et en pressentions l'issue. L'arrestation de Jean Moulin le 21 juin à Caluire s'était passée, à notre connaissance, dans des conditions difficiles à élucider et qui le sont restées.