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Citation de genou


genou
06 novembre 2016
Extrait (Pardon la vie si j'ai survécu)
Les cigarettes étaient rares, pour un fumeur invétéré tel que mon père, pour qui, l'approvisionnement en nicotine relevait de l'indispensable. En plein maquis de la seconde guerre mondiale, chacun utilisait le système « D », dans cette tourmente. Un compagnon de combat, de misère, de papa, l'entraîna dans un tabac-presse, fréquenté essentiellement de journalistes, puisque situé près d'un quotidien notoirement connu.
– Tu verras, tu te mets la fille dans la poche, belle plante, en plus, et tu les auras tes mégots, Tony !
Devant tant de promesses alléchantes, en cette période de privations en tous genres, nos deux compères s'y rendirent sans hésitation. Ma venue au monde est liée à ces quelques volutes de fumée...

Ma naissance fut pour le moins indésirable. Si j'en crois la rumeur familiale, ma mère dansait et se déchaînait frénétiquement avec le vif espoir que le fœtus ne résisterait pas. Là, commence l'acharnement prénatal plus condamnable que l'avortement, plus lâche aussi. Pauvre fœtus ! Comme il dut lutter avec pugnacité !
Papa, disparu dans d'atroces souffrances, était issu d'une famille pauvre, pour laquelle se nourrir chaque jour restait incertain. Le respect d'autrui, la soif de connaissances, voilà ce que grand-mère Marie a su inculquer à ses quatre enfants. Seule, elle les éleva, tous menèrent à bien leur vie sociale et professionnelle. En revanche, sur le plan familial, pour chacun d'eux et leur progéniture, ce fut un cuisant échec !

Anne, ma mère, fille de commerçant, avec sa sœur Line, avait été élevée dans un milieu bourgeois décadent. Une « boniche » était là, intégrée à la famille, partageait ce qui pouvait l'être et cette présence marquait bien cette qualité de « bourgeois » qui restait la préoccupation fondamentale.
Mon grand-père maternel partit (abandonnant femme, enfants, commerce) poursuivre sa vie, dans le Nord de la France, avec une autre compagne.
Petite fille, je vivais chez grand-mère Laure. J'ai rencontré la compagne de mon grand-père, venue pour je ne sais quelle raison. Des bruits de disputes retentissaient dans la maison.

Je ne comprenais pas qu'il s'agissait tout simplement de grand-mère Laure qui tentait, vainement de rattraper l'infidèle... Bien sûr, maman était là !
Née, je ne sais trop par suite de quel miracle, je dus manifestement à un autre miracle ma survie. Mes deux premières années, d'après ce que j'appris plus tard, ma vie ne tenait qu'à un fil ténu, se déroulant entre « l'Hôpital des Enfants Malades » et les deux pièces de grand-mère Laure qui m'entoura de tout son amour et chez laquelle je vécus jusqu'à l'âge de douze ans.
En 1976, je me suis rendue à l'Hôpital. Cette allée interminable, bordée d'arbres, devait tout de même me reconnaître ! J'avais le secret espoir que derrière la baie vitrée, un docteur sortirait d'un tiroir mon dossier médical... La réalité fut toute autre et tranchante comme la lame d'un couperet :
– Madame, je suis désolé, nous ne conservons les dossiers que vingt-cinq ans.
Née en 1949, mes deux premières années, effacées, gommées, balayées...
Ma plus fidèle compagne, fut la maladie. Si elle m'affligeait d'une otite ou d'une infection quelconque, je me retrouvais alitée – le jeûne, était d'avis familial déjà un bon remède – nourrie d'une soupe panade (mélange de pain dans de l'eau bouillie). Souvenir gustatif qui n'excite en rien mes papilles !
Papa souffrait d'une maladie, dite contagieuse, à ce titre, je ne devais pas vivre avec mes parents. Papa vivait « isolé » chez grand-mère Marie, sa mère, à six kilomètres de chez grand-mère Laure.
Onze années durant, maman chevauchait, par tous les temps, son vélo, le soir, pour rejoindre son mari et revenait par le même moyen de transport le matin.
Le microbe qui rongeait malignement papa était très discipliné. Il s'immisçait au sein du couple dès dix-neuf heures et le quittait le matin à sept heures ! Il ne devait pas apprécier le trajet matinal en deux roues... !
Dès son arrivée, maman me conduisait en classe avant d'aller effectuer quelques heures de ménage chez les commerçants du quartier, tout comme grand-mère Laure.



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