Drôle de bonhomme, ce Mr. Blank. Il faut dire que son concepteur – Mr Auster – l'a placé dans une drôle de situation : tout seul dans une chambre, avec un lit, un bureau, un mer-vei-lleux fauteuil-sur-roulettes-qui-pivote, une porte qui donne sur une salle de bain, et ...mais où donc est le placard ? Fenêtre close par des volets métalliques, et porte fermée... à clef ?
Et puis, là-haut, une caméra-appareil-photo qui le mitraille toutes les secondes.
Ca, c'est l'univers austérien, évidemment ! Une bizarrerie totale qui a pourtant sa propre logique.
Car on comprend vite que Paul Auster s'est amusé à se singer. Sur le bureau, se trouvent 2 piles de photos de tous types de personnages : ce sont ceux qui ont peuplé quelques-uns de ses romans les plus célèbres avant 2005 (date de l'écriture du « Scriptorium »). On retrouve Anna Blume, ainsi que les héros de la « Trilogie New-Yorkaise », de « Moon Palace », de « Leviathan », de « Brooklyn Follies ».
Mais Mr Blank ne les reconnait pas, car son cerveau est bizarrement embrumé, comme s'il était drogué. Peut-être même le drogue-t-on, puisqu'il est obligé d'ingurgiter de curieux médicaments colorés à heure fixe, ces gélules qui font partie du « traitement ».
Et puis arrivent ces gens sur les photos, ces – ses- personnages qui aiment Mr Blank et qui lui rendent visite pour l'interroger, pour le soigner, pour lui donner à manger.
Je n'oublie pas non plus de mentionner le manuscrit sur le bureau, écrit par un certain Trause (Auster?).
Mais il vaut mieux que je laisse le charme s'opérer ...ou pas ? Car tous ces éléments décrits minutieusement se mettent en place comme les pions sur un échiquier. Que va en faire le joueur, en l'occurrence Mr Blank ?
Que va en faire le lecteur ?
Mr Blank est perdu, la tête pleine de fantômes gémissants, mais il essaie de comprendre.
Le lecteur est désarçonné, et se dit qu'il aurait dû relire les premiers romans d'Auster, pour comprendre toutes les allusions qui assurément auraient été bien jubilatoires.
Et là je parle pour moi. Car même si je suis une inconditionnelle de cet auteur (enfin, j'ai quand même détesté « le voyage d'Anna Blume »), j'ai erré dans ces pages, mi-amusée, mi-déconfite. Déconcertée. Désorientée.
J'aime beaucoup le jeu intellectuel, mais il me faut un minimum de balises.
Je n'aurais pas dénigré un avertissement du genre : « (Re)lisez les romans de Paul Auster écrits avant 2005 avant de vous asseoir dans le scriptorium ».
Car je suis comme Mr Blank : j'avais oublié les personnages, à part Anna Blume dont j'ai fait la connaissance il y a quelques semaines et que j'avais abandonnée à sa misère totale.
Mr Blank : une page blanche sur laquelle on peut écrire. Auster nous y invite. Allez-vous le suivre ?
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Le récit s’ouvre un vieil homme dans une pièce close à la fenêtre condamnée. M. Blank, ainsi que le nomme le narrateur, n’a plus de souvenirs. Il ne sait pas pourquoi il est dans cette chambre, qui il est, qui sont les personnes sur les photographies empilées sur le bureau. « Ce qu’il sait, c’est que son cœur est empli d’un implacable sentiment de culpabilité. En même temps, il ne peut se défendre de l’impression qu’il est victime d’une injustice terrible. » (p. 12) À mesure que la journée se déroule, Mr. Blank rencontre différentes personnes et apprend ou réapprend l’existence d’individus qu’il aurait envoyés en mission. Pour faire quoi ? Il ne s’en souvient pas, mais ces personnes nourrissent à son égard un profond ressentiment. Sur le bureau, il y a le manuscrit d’un certain Sigmund Graf : ce narrateur raconte une histoire dans un univers fantasy et inconnu. Mais l’histoire n’est qu’une ébauche et c’est à M. Blank de combler les blancs.
Scriptorium, quel beau mot, riche et plein d’une tradition perdue, celle des moines copistes. Et comme les lettrines des manuscrits qui offraient de petites histoires illustrées au sein du récit, Paul Auster ne déroge pas à son amour de la mise en abîme en proposant des histoires imbriquées qui finissent toujours par se recouper. « Nous sommes embarqués dans une histoire compliquée, et tout n’est pas nécessairement ce qu’on pourrait croire. » (p. 101) La narration extérieure nous décrit tout comme une expérience, comme si M. Blank était un rat de laboratoire soumis à une expérience sadique sans cesse renouvelée. Nous ne sommes pas très loin de Kafka tant les situations sont absurdes et les personnages incompréhensibles. À demi-mot, on comprend toutefois que M. Blank est un auteur dont les personnages se vengent en l’enfermant lui-même dans un récit.
Pour saisir toute la valeur et la profondeur de cette histoire, il me semble indispensable d’avoir lu d’autres textes de Paul Auster. Commencer par Dans le scriptorium serait comme partir à l’aventure sans boussole. Ce texte répond à d’autres romans de l’auteur. Lisez donc La nuit de l’oracle, Le livre des illusions ou La trilogie new-yorkaise. Et surtout, lisez Pourquoi écrire ?, réflexion courte mais passionnante sur le métier d’écrivain.
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Attention, lecture à plusieurs niveaux possibles et manipulation du lecteur par le romancier de rigueur. Commencer à lire Auster par « dans le scriptorium », c’est sans doute passer à côté de l’essentiel de ce roman.
L'auteur convoque quelques-uns de ses précédents personnages à travers ce roman, un peu nombriliste il est vrai : un vieil homme, Mr Blank, se réveille seul dans une pièce sombre, et voit défiler des gens venus lui demander des comptes sur des évènements du passé. On comprend vite qu’on a affaire à un romancier face à ses démons, huis-clos magistral entre un artiste et son œuvre.
Le lecteur y rentre sur la pointe des pieds, il a peur de perturber cette auto-psychanalyse schizophrénique. Et puis, et puis… J’ai été ravi de rencontrer à nouveau Anna accompagnée d’autres personnages (Benjamin Sachs, Mr Quin,…). Je me suis retrouvé face à une pelote de laine de souvenirs « austériens »: un petit fil dépasse, on se remémore les anciens livres, on plonge dans sa bibliothèque et… On se retape tous les Paul Auster ! Merci Monsieur Auster.
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Lire, en premier roman de Paul Auster, cette mise en abîme de l’auteur avec des personnages qu’il a créés au fil de son œuvre, c’est comme vouloir découvrir l’univers Star Wars en commençant par regarder le 7. On sent qu’on passe à côté de quelque chose…
Un choix de roman pas judicieux de ma part.
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DANS LE SCRIPTORIUM de PAUL AUSTER
Une pièce avec un homme assis sur un lit étroit, disons qu’il est Mr Blank. Au dessus de sa tête, il ne le sait pas, un appareil photo prend un cliché toutes les secondes et les bruits sont enregistrés. En face du lit, un bureau avec des photos, des documents, et un fauteuil roulant. L’homme semble désorienté, il reçoit un appel d’un certain James Flood, ex policier qui veut le revoir, ils se sont déjà vus, Blank ne se souvient de rien. Arrive Anna, qui lui donne des médicaments, lui fait sa toilette, il va même l’embrasser. Il découvre qu’il y a des wc dans la pièce et que sur chaque objet il y a une étiquette. Il regarde les photos, découvre Anna, plus jeune, il est troublé, il sent qu’il lui a fait du mal, elle confirme, il y a longtemps. Elle a failli mourir, elle et des centaines d’autres qu’il a envoyé en mission, il n’en a aucun souvenir, juste une impression. Une des photos montre un annuaire, Varsovie 1937. On lui dit de finir de lire les documents, puis son docteur dont il ne se souvient pas, va lui demander de compléter l’histoire, de la terminer, Blank va lui raconter.
Du Auster pur jus, dans ces univers qu’il sait si bien créer à la limite du fantastique et en l’occurrence sous forme d’uchronie. On suit Blank, vieillard peu sympathique, à la recherche de son identité, mais aussi écrivain à court d’inspiration, enfermé et surveillé, par qui, pourquoi, mais d’ailleurs est il seulement enfermé, a t il au moins essayé de sortir?
Brillant exercice dans ce court roman dans une veine proche de la cité de verre.
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j'ai été intriguée et émue par ce Monsieur Blank, vivant une expérience extrême, et ne s'en sortant pas.
Il est confronté à la vieillesse, à l'amnésie, à la maladie, à l'enfermement, et il s'accroche comme un beau diable à la quête de sens pour sa vie.
Il se hisse à sa triste réalité, réduite au strict minimum, et prend conscience qu'il n'a peut-être même plus la force de l'explorer dans son entier.
Y-a-t-il une porte, un placard ? Il se rend compte qu'il ne l'a peut-être pas encore remarqué...
Une seule chose semble maintenir son désir d'exister : le bureau, sur lequel est posé un manuscrit qui lui fait peur mais auquel il arrive à se confronter courageusement, et des photos, sur lesquelles il tente de reconstituer l'histoire qu'a du être sa vie.
Dans le scriptorium, il voit des mots écrits sur des bandelettes et qui disent ce que sont les choses qui l'entourent. Sans ces "pense-bêtes", serait-il encore capable de les appréhender ces objets qui sont sa réalité ?
Où est-il, Que fait-il ? Qui a-t-il pu bien être ?
Nous le suivons dans cette quête désespérée qui le maintien en vie mais nous comprenons bien qu'il ne peut pas arriver au bout. Il est soumis à un étrange protocole de soins qui le laisse hagard à cause des médicaments administrés.
D'ailleurs, est-ce un soin ou une punition ? et si c'est une torture, de quoi l'accuse-t-on ? et que veulent ils savoir ?
Nous comprenons bien que les personnages qui viennent soit le réconforter, soit le questionner sont des héros de romans. Ils ont pris chair alors que celui qui leur a donné vie est en train de disparaître.
Son existence se réduit à être l'objet d'un texte écrit consignant le plus méticuleusement possible ses moindres gestes, bruits, paroles et réactions. Ce "rapport" est rédigé à partir d'une monstrueuse installation qui le filme et l'enregistre en permanence dans sa cellule blanche...
Cette construction en abîme m'a intriguée.
J'ai été touchée par ce questionnement qui nous donne à tous le vertige : qui nous encre dans la réalité ? le mot ou la chose ? le signifiant ou le signifié ? l'évènement ou le récit ?
L'écrivain est-il celui qui crée le vide entre les deux au risque de s'y perdre ?
Mais je m'égare sans doute un peu là... Il y a beaucoup de choses dans ce roman qui m'ont complètement échappées, et donc je vous renvoie aux excellents billets des uns et des autres, que je cite en bas de page.
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/04/dans-le-scriptorium-paul-auster.html
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Très étrange - et original -, ce récit sans véritable commencement ni époque définie, qui possède plusieurs mises en abîme assez complexes, un personnage central très démuni qui n'en sait pas plus que le lecteur, pas même son nom, des évènements historiques qui ne semblent pas avoir eu lieu... Un mélange des genres très subtil, entre espionnage, politique, mystère et anticipation, sans oublier le point de vue final de l'écrivain-Dieu de tout ce petit monde...
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Monsieur Blank (l’espace vide en anglais, la case non renseignée, le vacant) se réveille dans le lit d’une chambre standardisée, peu meublée et peu encombrée. Un appareil photo shoote chaque seconde et un micro ne perd pas un son de cet espace. Qui est-il ? La question ne se résout que par défaut. Que fait-il ici ? Résoudre cette question sera d’autant plus difficile. Il est âgé, très âgé certainement. Une pile de vieilles photographies en noir et blanc de gens qu’il ne reconnaît pas.
Des visites, quelques coups de fil, beaucoup de comprimés à avaler. Et ce mystère. Marionnette d’un homme invisible, pantin d’une foire masquée, prisonnier de cette chambre à l’unique fenêtre obturée. Détenu dans son corps et tributaire d’un esprit qui l’abandonne, M. Blank est livré à eux-mêmes, qui agissent selon ses désirs à lui semble-t-il mais sans jamais pouvoir lui en dire davantage.
Jouet de la vie – de sa vie ? de la vie de qui ? – M. Blank permet à Paul Auster d’aborder la relation du romancier avec ses personnages vu sous un angle encore inexploité. Si les premières pages peuvent rappeler l’intrigue de Werber dans « Nos amis les humains », le propos diffère très tôt et le talent est ici au rendez-vous.
Ce n’est donc pas un bijou mais le plus pur des diamants que nous livre l’américain au sommet de son art qui, nous faisant croiser au détour d’une phrase des noms qui nous sont connus – Anna Blume, Walt le prodige, Ben Sachs… - bien au-delà de la fable dont la morale me taraude encore et que j’aurai peine à formuler en une phrase, semble vouloir réfléchir à sa condition de romancier, aux conditions et conséquences de son métier pour mieux nous forcer aussi à nous plonger sur notre rôle de lecteur, plus loin d’homme, et profondément de parents…
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Un nouvel opus de Paul Auster est toujours un grand moment. Va-t-il encore réussir à nous surprendre, va-t-on retrouver ses thèmes favoris, son style, son art de la narration ? On peut répondre oui à toutes ces questions avec ce "petit" récit (seulement 146 pages...)
Dans un lieu indéfini, un vieil homme, M. Blank, est dans une pièce, peut-être enfermé. Des étiquettes sont collées sur les objets avec leur nom dessus. Quelques visiteurs viennent le voir, dont il a du mal à se rappeler les noms. Sur son bureau, des photos, un stylo et des textes. Il s'interroge. On l'interroge. De quelle histoire est-il le héros, lui qui ne se souvient de rien et auquel on demande quelque chose, oui mais quoi ? . Il se rappelle un peu d'Anna (Blume) qui vient lui apporter à manger. Et un peu des autres aussi...
Comme on le pressent, on est en plein dans l'univers austérien. Ses thèmes récurrents : l'enfermement, la mise en abîme des histoires, la perte d'identité, la place de l'écrivain, la quête,.... Nous les retrouvons tous concentrés dans ce récit où la place de l'écrivain et ses relations entre l'auteur et ses personnages occupent une place centrale. Les références à ses autres livres sont nombreuses (et je ne les ai sans doute pas toutes repérées) aussi je ne conseillerais pas à un "novice" de commencer par là, mais peut-être peut-on aussi le prendre comme une introduction à l'oeuvre de Paul Auster... Tout est possible avec cet écrivain ! En résumé, plutôt pour initiés mais superbe !
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Je me suis donc plongée dans la version illustrée du texte de Paul Auster publié par L'autre regard. Un auteur que je n'ai jamais lu, une illustratrice que je ne connais pas, une maison d'édition à découvrir.
Et j'ai été déstabilisée. Ce qui est plutôt bien, puisque la littérature c'est aussi ça. Ce qui est aussi un peu inconfortable dans une période où j'ai plutôt besoin de lecture réconfortante.
Le texte d'Auster d'abord qui joue avec le lecteur ne lui tendant que quelques clés mais le laissant dans une globale incertitude. Et je me demande si ce texte était la bonne porte d'entrée pour l'oeuvre de l'auteur américain.
L'illustration d'Astrid Belvezet ensuite. Des couleurs et des traits à la Bacon, il y a une folie qui colle bien au texte. La mise en page demande un effort au lecteur... j'ai parfois douté sur le sens de ma lecture.
La maison d'édition doit être louée pour son audace. C'est un pari éditorial de publier un livre aussi inclassable que celui-ci. Ce n'est pas une adaptation BD (plutôt à la mode aujourd'hui), c'est un livre illustré destiné aux adultes dans un format que l'on croise plutôt dans les rayons jeunesse. C'est le texte intégral surtout.
Alors si je devais le conseiller ou l'offrir à quelqu'un, ce serait à un connaisseur de l'oeuvre de Paul Auster, à un bibliophile aussi. Et, maintenant, il faut que j'ajoute d'autres textes de l'auteur à ma PAL, dans un format plus conventionnel.
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J'ai déjà lu un nombre considérable de romans de Paul Auster et je le considère comme l'un des meilleurs écrivains américains contemporains. Il excelle pour écrire des récits "gigognes", pour inventer des mondes étrangement différents de notre réalité quotidienne, et pour nous entraîner dans ses jeux de "miroirs aux alouettes" qui interpellent et captivent le lecteur.
Dans ce bref roman, l'auteur évoque un vieil homme fatigué, auquel il attribue le nom de Mr Blank, logé dans une chambre dont on ne saura jamais s'il y est retenu prisonnier; il a perdu la mémoire. Mais il croit que certaines personnes, qu'il aurait dans le passé envoyés en mission (?), lui en veulent. Il lit un manuscrit inachevé que, sur la demande d'un de ses visiteurs, il tente de compléter. Finalement Mr Blank commence un autre manuscrit dans lequel le lecteur retrouve... le début de ce roman, mot pour mot !
La mise en abime et l'ambigüité font vaguement penser à Kafka (cf. la nouvelle "Devant la loi", par exemple) et à Ferenc Karinthy ("epépé"). On finit par deviner que Mr Blank se sent menacé par les personnages que, en tant que romancier, il a lui-même créés autrefois. Mais le déroulé du récit est plutôt pesant. "Dans le scriptorium" va nettement plus loin que les autres romans de Paul Auster; j'ai même eu l'impression que c'était un exercice de style, un peu stérile, en tout cas moins captivant que les autres oeuvres de l'auteur. Je ne suis pas ravi par cette lecture.
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Un enfermement qui intrigue puis qui s'explique page après page. Avec talent.
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Entre court roman et longue nouvelle, le récit pose à la manière d’Auster (excellent traducteur de Sartre) la question de l’existence : des rôles, des personnages, des libertés, du sens et de la trace à laisser en ce monde (dans la mémoire de l’autre ou dans la bibliothèque collective…).
La lecture prend peu de temps, la réflexion dure longtemps -jusqu'à inspirer d'autres envies d'écriture....
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Étrange et captivante histoire que celle de ce vieil homme amnésique, dont on ne connait pas le nom, enfermé dans une chambre aux fenêtres bouchées, sans savoir lui-même s'il est libre ou retenu prisonnier. Sa vie filmée dans les moindres détails…
On entre dans les territoires invisibles et dans le neverland : j'ai bien aimé ces deux pôles qui laissent vagabonder notre imagination qui se perd en conjectures jusqu'au dénouement final.
L'auteur évoque au passage le rôle de l'Amérique dans le massacre des Indiens.
On comprend à la fin (on le devine) qu'il n'est qu'un personnage lui aussi et que lui-même erre parmi d'autres personnages qu'il a créés.... La boucle est bouclée.
Mais il y a là des personnages de Paul Auster qui se croisent et c'est difficile de comprendre sans avoir lu toute l’œuvre. C'est donc la mise en abyme non pas d'un écrivain, mais de l'écrivain lui-même et de ses personnages.
À lire de préférence quand on a lu une grande partie de l'oeuvre de l'Auteur (ce qui n'est pas mon cas). Je ne suis qu'au début de ma découverte, mais cela n'a pas entravé le plaisir de la lecture.
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Un beau livre sur lien père-fils où deux hommes qui croyaient se connaître vont se redécouvrir et s’entraider pour améliorer la vie de chacun.
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Ce tout petit livre de la collection Ekphrasis (éditions Invenit) semble avoir fait l'objet de tous les soins auxquels on puisse s'attendre pour un livre de qualité : format agréable, couverture cartonnée souple douce au toucher et rigide à la fois, typographie soignée et aérée qui rend la lecture aisée, reproductions de qualité : de l'élégance, du soin, un souci du confort de lecture. La forme est donc simplement parfaite. Il aurait peut-être fallu juste prévoir quelques agrandissements de « détails » quand l’œuvre gravé est si fouillé qu'il en devient un peu difficile à déchiffrer.
Quant au fond, c'est une pure merveille!Je craignais un peu un cours sur l'art de Dürer, une mise en perspective avec ses contemporains et l'Histoire, un regard critique sur le travail du graveur et celui du dessinateur.
Il y a tout cela, mais il y a aussi un véritable point de vue de Alberto Manguel, une lecture qui sert de point de départ vers une réflexion philosophique sur notre temps, sur le rôle du lire et de l'écrire aujourd'hui, sur le monde tel que nous le voyons se détruire sous nos yeux avec notre complicité muette. Une méditation sur l'être, l'identité, le devenir. Un regard sur les actes de terreur (« tout acte de terreur conteste sa justification »), sur les religions, sur la place de l'Homme entre Terre et Paradis ou Enfer.
Ce cheminement intellectuel s'appuie bien sûr sur les seize bois gravés du maître de Nuremberg à la toute fin du XVème siècle. Mais on suit la pensée de l'auteur au fil de l'observation des dessins, on entend la conversation d'un homme nourri de classicisme aussi bien en peinture qu'en littérature. Il cite les poètes, la Bible, l’Évangile, Homère et donne les clés nécessaires à la compréhension du texte de Jean de Patmos, texte d'un rêve écrit par le rêveur, non pas prophétie mais vision.
Mais il lit aussi à la lumière de notre monde moderne : la conférence des scientifiques de 1992 a alerté le monde sur les dangers de notre façon d'appauvrir la Terre. Les anges qui « retiennent les vents » alertent déjà sur la destruction programmée de notre planète.
Des passages plus intimes nous émeuvent, tel celui consacré à la vieillesse et à la décrépitude des corps. Quand Jean, âgé, pleure, l'un des vieillards le console. Le corps nous trahit : jeune, il semble ne pas nous appartenir tant il se fait discret. Devenu vieux, « aujourd'hui, même quand je suis seul, mon corps est toujours là, tel un visiteur non désiré, il fait du bruit quand j'ai envie de réfléchir ou de dormir, il me pousse du coude quand je suis assis ou quand je me promène. Peut-être est-ce à cela aussi que pensait le vieux Jean de Patmos quand il pleura. »
L'écrivain trouve dans « La première trompette » le prétexte à méditer sur la place de l'artiste et de son œuvre dans le monde : »L'artiste crée une œuvre qui doit être complétée par son public et est, par conséquence, nécessairement imparfaite : c'est par les vides de l’œuvre que le lecteur y insuffle la vie. »
In fine, l'Apocalypse « représente la mort de toutes choses, non comme la fin dernière mais comme l'ultime étape dans le combat entre le bien et le mal. » « A la question angoissée : « Que va-t-il advenir de nous ? », le livre de Jean répond par une abondance d'images de ces « événements qui doivent arriver bientôt » et incite ses lecteurs à les déchiffrer. »
L'omniprésence du chiffre sept scande les dessins : sept anges, sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, sept nouvelles visions, jusqu'à la dernière désignée du doigt par l'Ange : la nouvelle Jérusalem.
Un livre précieux, à relire souvent et à méditer.
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Roman pour romanciers? Un vieil homme est enfermé. Des personnages (le mot compte) lui rendent visite, ils lui en veulent, il ne sait pas pourquoi. On lui demande de lire un roman inachevé. Il en invente la suite. Puis d'autres personnages (les siens, on commence à le deviner) entrent. Lui se croit enfermé. Il est livré à lui-même, sans mémoire, à la merci de ceux qu'il a créés comme ceux qu'il a créés étaient à sa merci. Et le voilà lui-même personnage de roman. Tout recommence, à l'envers. Ambiguité de l'écriture, aller-retour entre réalité et fiction, le roman marche. On aimerait y croire. On sait que c'est une illusion. Méta-roman réussi, mais la question demeure : roman pour romanciers? Sentiment d'une certaine stérilité.
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