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Critiques de Christophe Brégaint (3)
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Encore une nuit sans rêve

Christophe Bregaint – Encore une nuit sans rêve. Couverture Sophie Brassart. Préface Jean-Christophe Belleveaux. Les Carnets du Dessert de Lune, octobre 2016

ISBN 9782930607436. 13 €

En hauts poèmes verticaux, aux vers très courts, Bregaint raconte comment un être se déglingue, perd ses repères, se fissure jusqu’à trouver sa tombe.
Métaphore puissante du destin de chacun, certes, mais détresse quotidienne aussi de nombre de vagabonds lâchés par la vie, rejetés vers les berges, par mépris, sans aucun regard de compassion, déchus littéralement.
 Bregaint ne passe rien sous silence de ces destins au bord des rues, de ces naufrages abandonnés.
 « Tu t’accoutumes
 Au mépris
 De ces regards qui s’en remettent
 Au vide ». « Tu donnes ta misère/ En pâture » : et pourtant il résiste, cet homme, en dépit de tout, en dépit du jour à recommencer, malgré « cette inertie/ violente ».
 « Seule 
La rue 
Ce symbole d’une cassure
 Te semble solide
 ». Le titre du livre, pour être glacial, traduit bien la condition « infirme » d’êtres déjetés, laissés à leur péril. 
Autour de ces êtres, la débâcle, les mirages, les expédients immondes, une vie d’infortune majeure. 
Sur ce thème de l’exclusion du champ des possibles, un livre magistral.


© Philippe Leuckx, à paraître dans la revue Bleu d'Encre.



C’est un recueil noir ; chaque poème consigne une maigre part du désarroi. Christophe Bregaint résume bien son état : Il fait amer / Dans ton esprit. Ou encore il parle avec justesse d’« existence désillusionnée », et les vers se multiplient qui constatent inquiétude, lassitude, manque… Il est en permanence A bord / de l’ennui. Sa poésie verticale et serrée sort à petits mots, vers courts, ainsi le titre du recueil est-il décliné en un tercet. Et ce qu’elle exprime y est de même, infime et minimal, pour reprendre deux adjectifs que le poète emploie. On le lit, en découvrant sa condition, due peut-être à un accident de parcours un peu brusque L’ordinaire / A percuté // Un iceberg… , le mot crash est utilisé plus loin ; ou bien une érosion lente de la vie. Il est au tout début question d’un homme rejeté de la société, et cet homme, c’est toi, puisque l’auteur s’adresse à quelqu’un. Et c’est le terme de déchéance qui le caractérise. On ne sait rien de ce qui le met dans une telle déréliction. Gommé du corps social… SDF mental. Christophe Bregaint a été le coordonnateur du recueil collectif : « Dehors, recueil sans abri » chez Janus . Le fait est que toutes les pages consigneront les signes de ce changement définitif confinant au désastre. L’existence revêt une monotonie sans fin : Mêmes / Matins / Semblables / A la marche du silence ou une angoisse infinie du lendemain: On peut déchiffrer / Cette inquiétude / De ne plus voir / L’aurore / Réapparaître Il rajoute même à la page suivante : Seul / Le déclin / Est une évidence / Qui te parle / A chaque instant On est bien dans le syndrome de la désillusion, Christophe Bregaint parle même de déperdition, et l’on pourrait aller jusqu’au dégoût s’il n’y avait une absence de jugement et de sentiment, qui n’inclut donc ni regret ni rancune. Quelque part, cette déshumanisation subie fait du héros un étranger dans ce monde, un fantôme dans la nuit sans rêve Un univers / Te sépare / Du domaine / Des vivants. L’écriture révèle un travail d’empathie et d’humanité rare. Il y a de la solidarité à offrir ses poèmes de disgrâce comme des cadeaux au nécessiteux. Le recueil parle pour lui et sert de passeport pour un lecteur qui évite ou ignore le déclassement si présent dans les grandes villes. Illustration de Sophie Brassart. © Jacmo in Décharge.



Désespoir et désarroi

« Une nuit sans rêve » c’est très décevant mais « encore une nuit sans rêve » c’est carrément désespérant et ce titre correspond très bien à l’atmosphère du recueil de poésie présenté par Christophe Bregaint. Christophe, c’est le préfacier du recueil de poésie de Fabien Sanchez que je viens de lire, un recueil qui dégage une souffrance et une douleur infinies. A coups de vers très courts, juste deux ou trois mots, Bregaint rythme ses poèmes qui expriment la fragilité, le désespoir et le désarroi d’une tierce personne qu’il semble accompagné sur le chemin de sa douleur, comme s’il scandait, sur la pédale de la grosse caisse de son groupe, un vieux rock and roll immortalisé par un de ces chanteurs mythiques qu’il doit, à mon avis, encore admirer. Le désespoir et le désarroi des Jimmy Morrison, Kurt Cobain, Freddie Mercury et autres rockeurs maudits planent sur ce recueil comme les corbeaux volent au-dessus des champs de bataille.

Dès les premiers mots le recueil exprime la fragilité : « Un homme / A été // Jeté / Dehors// Hors/ De / Sa quiétude… ». Cet homme est un ami, ou peut-être l’auteur lui-même mais je ne le crois pas, il s’adresse à cet autre par le tu. « Tu as glissé / Le long de la paroi… ». « La ligne / De ta petite mort / S’est détraquée… ». « C’est arrivé / Tu t’es perdu… ». Ainsi les vers racontent le destin de celui qui s’est brisé, perdant progressivement tout espoir de redevenir ce qu’il a été. « Ton histoire / N’a pas toujours été / Ainsi // Sans issue… », « Tout est devenu / Tellement vulnérable… »

L’auteur se souvient, s’apitoie, se lamente, sait que plus rien ne sera comme avant, il pleure comme un vieux blues dans le lamento de Billie Holiday. Il n’a plus le courage de laisser croire à ce « tu » qu’il y a un espoir, seul reste le désarroi. « Ton désarroi / Est plus grand que / ton refuge… Tu ne fais plus la différence / entre / Le besoin et / Le manque // Entre la peine et le désespoir ». A la fin de ce recueil que j’ai lu comme une histoire tragique, comme un chant désespéré, que j’ai écouté comme un rock éthéré, déboussolé, déjanté, il ne reste plus qu’un texte minimum, mais un texte minimum qui prend aux tripes, qui bouleverse tant les mots sonnent juste, tant le désarroi est palpable.

© Denis Billamboz in http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/49377



Avec cette poésie, le lecteur se prend la souffrance de plein fouet. Poésie heurtée, parmi des « débris de vie ». Les premiers mots donnent le ton : « un homme / a été / jeté / dehors. » Le livre est ensuite adressé à un pronom. Le lecteur ne saisit pas immédiatement à qui s’adresse ce « tu ». Les vers sont brefs, scandés, l’écriture hachurée, rythme rock, la poésie ténébreuse, hors-circuit. Le lecteur avance, saisi par tant de déchéance, ne sait pas de trop à quoi s’en tenir. Pourtant des indices sont donnés : l’anonymat, la non-conformité à la société, ce qui est perdu, la lumière cherchée. Sans cesse le « reste / d’un hier » se confronte avec le « rude / présent. » Le lexique est assez noir mais comprend aussi des éclaircies, celles qui viennent du passé. Puis, petit à petit se dessinent la rue, le naufrage des sans abris, ces exilés dans leur pays. Tout cela se fait net. Un vrai sujet de société se détache. Avec empathie, Christophe Bregaint prête sa voix aux sans domicile fixe et une parole au plus profond de la souffrance des hommes.

© Cécile Guivarch, in Terre à ciel, janvier 2017

Souffrance-Désespoir-Dénuement-Rue. C’est le récit d’un écorché de la vie, « Passager/Sans horizon », écrit à la seconde personne : « Tu as glissé/Le long de la paroi//Tu as dévissé/Sans cri/Avant d’arriver/Là//Tu portes/Désormais/Les stigmates/De la déchéance ». Déperdition, dépérissement, dénuement, naufrage et désespoir. Un langage Titanic, pourrait-on dire, tisse la métaphore filée de la chute, de l’errance, de l’effacement, de l’engloutissement. Un être qui « effleure les abysses », un être « gommé du corps social », hors circuit, en manque de tout, pour qui « Tout est vide de sens », « Tour à tour/Prostré/Ou/Te traînant ». « Un univers/Te sépare/Du domaine/Des vivants… Chaque jour/Tenter de ne pas perdre pieds/Paume ouverte ».

© Odlile Bonnel in Intercdi


Lien : http://www.dessertdelune.be
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Dehors - Recueil sans abri

Il y a ceux qui vivent dedans et ceux qui vivent dehors, de plus en plus nombreux. Personne n’est épargné car, comme nous le rappelle Éléonore James dans sa préface, « dans tout homme il y a quelque chose qui cloche ». Qui ne se sent choqué de voir son semblable, homme, femme, enfant dormir à même le trottoir, sous un porche, un boulevard, une entrée de magasin au risque d’y mourir comme un chien ? Dans nos villes, partout, aisance et misère se touchent sans se toucher. Que faire ? On se sent bien impuissant devant l’ampleur du désastre.

Certains pourtant retroussent leurs manches. L’association ActionFroid1, lancée sur le réseau Facebook par Laurent Eyzat durant le rigoureux hiver 2012, vient en aide aux personnes du « dehors » en leur apportant, via des maraudes, du matériel de survie : couvertures, vêtements chauds, soupes, cafés, chaleur humaine... Depuis, de nombreuses antennes locales de bénévoles se sont formées en France, 27 à ce jour, des milliers de personnes apportant leur aide aux démunis. Ici pas de superstructure mangeuse de dons mais du circuit court allié à une énergie humaine directe, simple, efficace.

D’autres, pour aider ceux qui aident, retroussent leurs mots. Le poète Christophe Bregaint, membre de l’association, a eu l’idée de demander à 107 poètes d’unir leurs voix dans une anthologie « sur et pour la rue ». La poésie est l’art de l’insurrection, disait l’un… Elle rythmera l’action, disait l’autre… Éléonore James2 l’affirme : « Rien de ce qui est humain n’est étranger au travail poétique et surtout pas la nature boiteuse de l'homme aussi omnipotent qu’impuissant, cet éternel mortel, ce roi-clochard. Et quoi de mieux que l'écriture poétique, débarrassée des carcans du langage ordinaire, aux antipodes du commerce verbal et des discours aseptisés, quoi de mieux que cette façon d'habiter la langue comme ouverture, porte d’accès et voie d’exploration ? Le regard poétique permet de renouer avec l’espace de la relation. »

On lira dans ce recueil de poésie solidaire des textes variés en vers ou en prose qui pèsent leurs mots. À découvrir « les araignées plein la bouche » de Sabine Huynh, le « corps étranger » dont on ne peut/veut « s’embarrasser » d’Éric Pessan − la vie est si dure, vous comprenez – à saisir les « mains pleines de plaies » qui ont quelque chose à donner de Thomas Vinau, à éprouver avec Anna de Sandre « le froid qui fait presque péter » les oreilles, la douleur qui martèle le ventre tel « un burin qui tape », on se sent tout à coup plus fraternel et partageux. On achète le livre, et même en plusieurs exemplaires, on a compris que les 15 euros que coûte cette « maison de papier » seront convertis en aide directe, les bénéfices de la vente du recueil revenant intégralement à la cause3.

Plaise alors au poète, donneur de feu, d’avoir le dernier mot :

[…]

J’ai froid,

Ô mon ange,

Apportez-moi des foules



Paul Vincensini



1- Pour aider l’association on peut consulter le site ActionFroid : http://www.actionfroid.org/.



2- Le recueil et la maison d'édition Janus ont reçu le prix spécial A. Ribot décerné le 11 juin 2016 lors du marché de la poésie. Ce prix récompense « les auteurs de talent, de conviction pour leur engagement tant poétique qu'humain ».



3- On peut acheter le recueil directement sur le site de la maison d'édition Janus, frais de ports offerts. D'autres canaux de diffusion sont disponibles.





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Dernier atome d'un horizon

Voici un poète urbain et aux accords acides : Christophe Bregaint nous livre son dernier voyage ou les particules poétiques flottent à la surface tiède d'un océan amère. Le désespoir qui s'abrite au creux de l'horizon semble jamais se défaire à l'instar des corps écorchés qui se décomposent dans l'absurdité du temps à la pulsion morbide.





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