La jeune fille sentait monter en elle une colère sombre et puissante qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Ce manuscrit, qui venait de lui échapper, c'était comme une nouvelle offense faite à la mémoire de toute sa famille. Son grand-père, astronome brillant mais critiqué et déchue ; son père médecin, intrépide et honnête, qui avait dû fuir son propre pays, sous la menace des autorités d'Athènes, pour finir empoisonné ; sa mère, qu'elle n'avait pas connue mais dont elle imaginait la beauté et les qualités intellectuelles hors pair. Le manuscrit d'Aristarque, révolutionnaire mais critiqué, symbolisait l'esprit de sa famille : un esprit libre et indépendant, pourchassé et renié, qui ne renoncerait à ses idéaux sous aucun prétexte. Le temps donnerait raison à chacun d'entre eux, un jour ; elle en était convaincu. C'était à elle désormais de poursuivre le combat.