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Citation de evelynepapillard


en réalité, ma tante ne soutenait pas du tout ma mère, elle pesait sur elle de tout son poids, oui, plutôt ça. j'étais derrière, je voyais tout, elle tirait ma mère vers le bas pour l'obliger à marcher le plus voûtée possible. bientôt la place de choix qu'elle avait fini par prendre au premier rang du cortège n'a plus suffi à ma tante, elle a continué d'être jalouse, et plus que jamais, parce qu'elle a regardé ma mère, tout le monde regardait ma mère, c'était un phénomène étrange au milieu de ce village, les gens étaient là au bord du trottoir, le chapeau à la main, et tous regardaient ma mère, simplement parce qu'elle était belle, presque aussi belle qu'une veuve, presque aussi tragique qu'une orpheline, et au bout d'un moment ma tante s'en est rendu compte, elle s'est rendue compte que malgré tout le noir qu'elle s'était mis sur le dos, car ils s'étaient tous habillés en noir, elle et son mari, et aussi ma cousine, toute la branche nivernaise en grand deuil, comme on dit, malgré tout ce noir elle n'avait aucune grâce, aucune vraie tristesse, elle n'avait même pas ce qu'on pourrait appeler une certaine noblesse, non aucune, dans ce cortège long d'une trentaine de personnes, seuls les vieilles dames du village avaient une certaine noblesse. On ne les connaissait pas, elles marchaient à petits pas, mais un noir usé, un noir qui avait servi déjà à d'autres chagrins, un noir vraiment terne, accablant et silencieux, pas ce noir éclatant qui, sur les épaules de ma tante, au lieu d'inspirer le respect, au lieu de lui conférer du prestige, ne faisait que poser sur ses épaules un soupçon terrible pourquoi tout ce noir, est-ce qu'elle veut se faire remarquer, se demandait on sur son passage. Ma tante avait beau s'accrocher à ma mère, le soupçon était sur elle, et elle l'a senti, elle a lu dans le regard des Badauds et c'est alors qu'elle s'est mise à pleurer. Quelle garce, ai je pensé aussitôt, mais pendant toute la procession elle a continué de pleurer à chaudes larmes entre le bras de ma mère, sans aucune dignité, à chaudes larmes, et sans le moindre chagrin.
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