Chuck Palahniuk

Nous étions occupés à fumer, je me souviens. Des cigarettes. Plus bas, sur scène, face au public, un prêcheur du cru faisait son numéro d’ouverture. Pour une part, son numéro d’échauffement consistait à mettre les personnes en état d’hyperventilation. On obtient ça en faisant chanter les gens à haute voix. Ou psalmodier. Selon l’agent, quand les gens crient à pleine voix ou qu’ils chantent Amazing Grace à pleins poumons ils respirent trop, et trop vite. Le sang devrait toujours rester acide. Or, lorsqu’ils sont en hyperventilation, le niveau de dioxyde de carbone dans le sang dégringole, et le sang devient alcalin.
« Alcalose respiratoire dit-il. »
Les gens commencent à avoir des vertiges. Les gens s’effondrent, leurs oreilles sifflent, leurs doigts et leurs orteils s’engourdissent, ils attrapent des douleurs à la poitrine, ils suent. C’est censé être ce qu’on appelle l’éblouissement. Les gens se débattent, et ruent, et cognent sur le sol, les mains prises de crampes comme les serres raidies d’oiseaux de proie.
Cela passe pour être l’extase.
« Les spécialistes du marché de la religion appellent ça « homardisation », dit l’agent. Ils appellent ça le délire mystique, quand les gens parlent en langues inconnues. »
Les mouvements répétitifs contribuent à l’effet, et le numéro d’ouverture sur la scène en contrebas passe en revue les exercices obligés. Le public applaudit à l’unisson. De longues rangées de gens se tiennent par la main et se balancent dans leur délire. Les gens exécutent de grands arcs en ciel, leurs mains dessinant des demi-cercles.
« Ceux qui ont inventé ce truc-là, me dit l’agent, sûr que c’est eux qui doivent diriger en enfer. »