Les hommes sont toujours contre la raison quand la raison est contre eux.
La vérité est la torche qui luit dans le brouillard sans le dissiper.
Un homme d'esprit passe souvent pour un fou devant celui qui l'écoute ; car celui qui écoute n'a que l'alternative de se croire sot, ou l'homme d'esprit fou : il est bien plus court de prendre le dernier parti.
On devient nécessairement l'ennemi des hommes lorsqu'on ne peut être heureux que par leur infortune.
Si les hommes ne croient pas aux contes des fées et des génies, ce n'est pas leur absurdité qui les retient et les en empêche, c'est qu'on ne leur a pas dit d'y croire.
L'opinion, qu'il y a dans le cerveau humain un être, un personnage étranger qui n'est point dans les autres cerveaux, est donc moins sujette à beaucoup de difficultés; elle contredit toute analogie, elle multiplie les êtres sans nécessité; elle rend tout artifice du corps humain un ouvrage vain et trompeur.
La science n'est que le souvenir ou des faits ou des idées d'autrui : l'esprit, distingué de la science, est donc un assemblage d'idées neuves quelconques.
L'illusion est un effet nécessaire des passions, dont la force se mesure presque toujours au degré d'aveuglement où elles nous plongent.
Les richesses sont moins des biens réels que le moyen d'en acquérir; les rechercher pour elles-mêmes c'est n'en pas connaître l'usage. Le riche ignorant éprouve l'ennui , le mépris des hommes à talents , des savants. Il ne faut point de connaissances dans une fortune bornée ; la nature indique les jouissances. Il faut des lumières pour jouir d'une grande fortune, qui ne serait qu'à charge si elle ne donnait de nouveaux goûts. Recherchez donc le commerce des philosophes et des savants ; apprenez à penser avec eux en vous défiant de leurs systèmes. Les stoïciens ont placé le bonheur dans le calme d'une âme impassible ; état chimérique dont l'orgueil veut persuader l'existence sans en être persuadé lui-même.
César et Mahomet ont rempli la terre de leur renommée. Le dernier est, dans la moitié de l'univers, respecté comme l'ami de Dieu ; dans l'autre, il est honoré comme un grand génie: cependant, ce Mahomet, simple courtier d'Arabie, sans lettres, sans éducation, et dupe lui-même en partie du fanatisme qu'il inspirait, avait été forcé, pour composer le médiocre et ridicule ouvrage nommé al-koran, d'avoir recours à quelques moines grecs. Or, comment, dans un tel homme, ne pas reconnaître l'ouvrage du hasard qui le place dans le temps et les circonstances où devait s'opérer la révolution à laquelle cet homme hardi ne fit guère que prêter son nom?