Claude Bendel

Pour mieux connaître et élaborer une stratégie de défense devant la Cour , un avocat a demandé à son client d’écrire des notes sur sa vie, son passé, tout ce dont il se rappelle jusqu’à cet “Accident” qui l’a amené en prison Sainte Marguerite.



Thomas Leurling clame son innocence depuis son arrestation. Mais son avocat commis d’office n’est pas tenté de le croire, aussi lui déclare-t-il qu’il vaut mieux tenter les circonstances atténuantes que de plaider l’innocence. Thomas Leurling crie son innocence mais n’en a aucune preuve.



Rares sont les avocats qui acceptent d’être commis d’office quand ils ont déjà une carrière derrière eux. Pourquoi donc cet homme accepterait-il d’être l’avocat de Thomas alors qu’il a plus de 30 ans de carrière ?



Au fil des notes où Thomas va et vient dans le temps “au gré de l’incertitude et des aléas des événements”, le lecteur pénètre lentement au coeur d’une destinée aux prises avec une fatalité inexorable. “Je crois que j’ai toujours su que je n’arriverais nulle part et il me semble que j’y suis”.



Fils unique, Thomas Leurling a bénéficié d’une éducation bourgeoise et luthérienne en Alsace. “Toute fantaisie était bannie de notre existence étriquée… Nous menions en famille une existence simple mais décente” entre une mère inconsistante et un père, resté secret et inaccessible. Pour combler l’ennui de sa jeune vie, Thomas avait, grâce aux conseil de la libraire Mme Jablonska, découvert la lecture. Il plongea dans la lecture comme dans un refuge.



C’est ainsi que l’auteur nous promène dans les digressions de son personnage et comme l’avocat qui va lire ces notes, nous allons nous faire une idée de son implication directe ou indirecte dans ce qui est arrivé. Coupable,ou non coupable ? Peu importe, la vie avait déjà tranché avant la justice… “Il y a une telle part de hasards dans nos vies et de mauvaises distributions des rôles”.



Un premier roman fort et dense qui nous porte à réfléchir sur la nature et la condition de l’être humain. Un roman noir qui se lit comme une tragédie, montrant comment la fatalité a écrasé le héros.

Cela aurait pu s’intituler dommage collatéral, l’injustice, ou un poignard dans le dos, mais l’auteur a choisi sobrement l’accident. Ainsi, le titre ne dit rien du contenu.

De sa cellule, Thomas Leurling incarcéré pour homicide, écrit longuement à son avocat, commis d’office pour clamer son innocence. Peu à peu, son récit devient introspection, questionnements et analyse, et ce n’est plus seulement à son avocat, convaincu de sa culpabilité, qu’il s’adresse mais aussi et surtout à lui-même, et à son public imaginaire.

Dans ses cahiers, il livre ses peines et ses tourments d’enfant solitaire et renfermé. Et c’est peut-être là déjà, dans le berceau que son destin s’est écrit, dans cette famille, où les marques d’affection sont inexistantes, les non-dits nombreux et les jalousies acres, silencieuses et tenaces.

Et puis il y’a ce mystère que l’enfant devenu jeune adulte ressent. Un malaise pesant qu’il ne parvient pas à nommer.

Pour son avocat, le défi est de taille, et sa patience est mise à rude épreuve. Innocent ? Ils le sont tous, même lorsque qu’ils sont pris la main dans le sac.

Alors d’emblée, il recadre. « L’innocence dans de telles circonstances, les magistrats la guettent comme une meute de loups cruels observent l’agneau, avant de fondre sur lui pour le déchiqueter …. Confiez-moi votre milieu social défavorisé, ……. vos maladies, vos tares, j’en ferai des circonstances atténuantes, mais épargnez-moi l’innocence dans un tel dossier »

Un premier roman réussi. L’écriture est élégante, le sujet maitrisé. L’auteur ne s’attarde pas sur les aspects juridiques mais sonde « l'ambiguïté de l’âme humaine » et s’interroge sur la part de hasard et de transmission dans les grandes réussites ou défaites de nos vies.