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Citation de Danieljean


À ce point rempli, en attente, en suspens...

Je le vois émerger progressivement du fond de la nuit. Il apparaît en tête, sur son alezan. Ce n'est pas encore son visage. C'est même comme s'il n'en avait pas : une ombre à peine issue de l'ombre et que seule distingue la luisance du casque et de la cuirasse. Cette forme guerrière, on peut se la représenter au souvenir d'images, dans les tableaux des maîtres espagnols ou flamands, contemporains. Le métal a accroché un rai de lumière nocturne et il s'exalte. Une main tient la bride, I 'autre s'appuie fermement sur le pommeau de l'épée dont le fourreau reste obscur. A la souplesse sinueuse du cheval, le corps de l'homme oppose son contrepoint de raideur concentrée, son énergie taciturne fixée sur un horizon hors de champ : peut-être un horizon purement intérieur, sans commune mesure avec les repères de ce bas monde. Gaspard se tient en avant. C'est lui qui dirige l'expédition - une trentaine de cavaliers : casques, cuirasses, mantelets, jambières, éperons, arquebuses - le silence en armes, dans la pression des corps, la tension des énergies, la puissance opaque de désirs sans figure. Nul cliquetis, nul tintement, les chevaux ont la forme dense et chaleureuse de leur souffle, à profusion. Cette respiration animale ramasse toute la générosité possible, ici, de l'espace et du temps. Nul ne saurait dire, d'abord, à quoi vise cette modeste, encore qu'intense, chevauchée, vers quoi elle se dirige. On pourrait la croire entièrement tournée vers le dedans, n'attirant le regard vers elle qu'afin de mieux occuper un territoire intérieur dont ces gens d'armes sont les produits autant que les gardiens. Aussi n'est-on pas surpris de constater que, tout en faisant mine d'avancer, hautainement, et de presser du talon leurs montures, ils ne bougent guère. Ils sont là. Ils sont entrés dans les hantises de la nuit. Ils en font partie. Hors l'éclat des aciers et des cuirs, rien ne les en distingue.
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