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EAN : 9782714305954
282 pages
José Corti (30/11/-1)
4/5   6 notes
Résumé :
Les Vies des saints de la tradition chrétienne (mais cette remarque vaut, je crois, pour toutes les religions) constituent une fabuleuse richesse d'imaginaire. Celui qui a grandi, toute son enfance et son adolescence, consciemment et inconsciemment, dans le sein de sa sainte mère l'Église, et qui est devenu, avec le temps, le rêveur nostalgique de sa propre existence, trouve, en ces récits surannés, matière à brassage de fantasmes et à fixations d'affects.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"L'âge de Rose" se présente comme l'hagiographie de Sainte Rose de Lima (1586-1617, canonisée en 1671), qui est la première sainte du Nouveau Monde.
Mais, comme nous en prévient l'auteur, qui a tiré ses informations d'un écrit anonyme sur la sainte de 1835, ce n'est pas une véritable hagiographie mais un chemin personnel intérieur à travers la vie largement fantasmée de Rosa ; de nombreux détails sont inventés (par exemple la petite Rose n'avait pas qu'un seul frère, mais une nombreuse famille dont on ne connaît pas grand chose).
De plus le roman de Louis-Combet est chargé d'éléments symboliques merveilleux, dont le dessèchement des roses à Lima pendant la grossesse de sa mère Marie Oliva Flores et leur brusque renaissance au moment de sa délivrance ; l'accouchement est une action héroïque où la mère joue un rôle de quasi démiurge en tirant elle-même de sa matrice le bébé - sa fille ! - dans quelque chose qui ressemble à un grand orgasme cosmique - et c'est à cet instant que la nature refleurit.
La petite fille devient de plus en plus austère au fur-et-à-mesure qu'elle grandit, se plonge dans l'histoire de Catherine de Sienne qu'elle prend pour modèle : la chair surtout l'horrifie et elle se mortifie au-delà du raisonnable, sans considération d'hygiène ou de santé. Elle entre dans le Tiers-Ordre dominicain et passe à l'instar de Catherine, le restant de sa vie en oraison dans une cabane de jardin et au service des malades, des vieillards et des miséreux. Elle meurt à 32 ans, d'épuisement sans doute, et de malnutrition.
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Louis-Combet s'empare de cette vie qu'il fait sienne par bien des aspects. Enfant très croyant destiné à la prêtrise, devenu un adulte agnostique mais toujours dans une recherche spirituelle, la totalité de son oeuvre explore le mythe du double masculin/féminin. On sent qu'il est fasciné par l'horreur de la chair de Rose, qui indique en creux l'immense importance de l'incarnation dans le destin humain. Dans un double mouvement un peu contradictoire, Rose, en s'anéantissant devant Dieu, en ne devenant plus rien, abolit en elle la malédiction qui pèse sur la féminité, qui est de représenter la face charnelle, instinctuelle de l'homme : l'être humain, quelque soit son sexe, en cédant à l'instinct, est dominé par le féminin et abolit en lui sa part virile.

Il s'agit d'un problème ontologique : l'être humain, qu'il soit homme ou femme, est tiraillé entre les besoins de son âme et ceux du corps (si la femme domine en lui, il devient luxurieux, si l'homme domine en lui il aspire à l'élévation ; je souris au passage à la misogynie des mythes, mais que faire contre ces représentations ancestrales attribuant à l'autre -la femme, le dominé- les instincts qu'on a du mal à maîtriser ; mais je ne veux pas alourdir le propos de commentaires anthropologiques déjà amplement développés ailleurs).

Rose s'efface en tant que femme en s'infligeant une ascèse confinant à la cruauté et l'auteur s'efface en tant qu'homme dans ce miroir qu'il se crée et qui n'est autre que lui-même transformé en Rose. La démarche n'est pas tenable : Rose, la vraie, la paie de sa vie et l'auteur la paie de l'absence de progression dans sa recherche spirituelle, frappé qu'il est par une forme de stérilité qui le condamne à remodeler sans cesse la forme dans ses écrits mais à emprunter toujours les mêmes chemins de l'âme. Car, nous avertit-il dès le début du roman : "L'aventure du texte n'avait pas eu le sens d'un progrès, d'un approfondissement du savoir sur moi-même. Au terme de la tâche, j'étais aussi démuni qu'en son commencement. Je pouvais repartir du même pas. (...) Tout avait été dit. Et tout restait à dire".

Un chemin immobile est aussi un chemin : qui ne creuse toujours le même sillon ?
Le travail littéraire et poétique est l'ascèse de Claude Louis-Combet.
J'ai aimé ce roman, très beau dans l'écriture. Je n'en recommanderais cependant la lecture qu'à ceux qui sont aguerris à l'évocation des mortifications que s'administèrent, sous prétexte de foi, un grand nombre de croyants fanatiques.
Je n'ai en effet jamais bien compris comment on pouvait concilier l'horreur du corps, qui serait oeuvre de Satan, et l'espérance de la résurrection des corps.
Sans doute le terme "corps" a-t-il plusieurs sens : c'est ce qui différencierait le corps glorieux de celui qui ne l'est pas.
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Ce texte inclassable, doté de pages profondes sur l'expérience intérieure, sur l'adoration, sur la part féminine de chaque homme, mais aussi de remarques impitoyables sur l'élaboration de la sainteté à l'époque du génocide sud-américain, apparaît en même temps comme une autocritique aiguë, ce qui lui donne une grande vitalité et une espèce de candeur touchante.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
À ce point rempli, en attente, en suspens...

Je le vois émerger progressivement du fond de la nuit. Il apparaît en tête, sur son alezan. Ce n'est pas encore son visage. C'est même comme s'il n'en avait pas : une ombre à peine issue de l'ombre et que seule distingue la luisance du casque et de la cuirasse. Cette forme guerrière, on peut se la représenter au souvenir d'images, dans les tableaux des maîtres espagnols ou flamands, contemporains. Le métal a accroché un rai de lumière nocturne et il s'exalte. Une main tient la bride, I 'autre s'appuie fermement sur le pommeau de l'épée dont le fourreau reste obscur. A la souplesse sinueuse du cheval, le corps de l'homme oppose son contrepoint de raideur concentrée, son énergie taciturne fixée sur un horizon hors de champ : peut-être un horizon purement intérieur, sans commune mesure avec les repères de ce bas monde. Gaspard se tient en avant. C'est lui qui dirige l'expédition - une trentaine de cavaliers : casques, cuirasses, mantelets, jambières, éperons, arquebuses - le silence en armes, dans la pression des corps, la tension des énergies, la puissance opaque de désirs sans figure. Nul cliquetis, nul tintement, les chevaux ont la forme dense et chaleureuse de leur souffle, à profusion. Cette respiration animale ramasse toute la générosité possible, ici, de l'espace et du temps. Nul ne saurait dire, d'abord, à quoi vise cette modeste, encore qu'intense, chevauchée, vers quoi elle se dirige. On pourrait la croire entièrement tournée vers le dedans, n'attirant le regard vers elle qu'afin de mieux occuper un territoire intérieur dont ces gens d'armes sont les produits autant que les gardiens. Aussi n'est-on pas surpris de constater que, tout en faisant mine d'avancer, hautainement, et de presser du talon leurs montures, ils ne bougent guère. Ils sont là. Ils sont entrés dans les hantises de la nuit. Ils en font partie. Hors l'éclat des aciers et des cuirs, rien ne les en distingue.
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Contre toutes les règles de la méthode, je prétends que, dans le récit d'une vie, il s'agit, pour l'auteur, de pousser le plus loin possible son identification au personnage qu'il a choisi d'évoquer, - au risque, clairement reconnu et véritablement stimulant pour l'imagination, de tirer à soi tous les éléments d'une existence - historique ou légendaire, peu importe - et de les couvrir de son ombre et de les absorber et de les assimiler afin que l'on ne sache plus de qui on parle : le biographe et son coeur, le saint et son âme, le texte et sa logique - en sorte que la phrase biographique soit métabiographique et mythobiographique, se délestant des objectivités historiques et drainant toutes les confluences possibles des rêves, des fantasmes, et des mythes, si bien que le texte, en définitive, serait comme une figuration formelle d'une expérience intérieure - celle de l'auteur rejoint par son modèle -
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En vérité, c'était sur le nom de l'enfant que son esprit se tourmentait, s'inquiétant du sens dont il était chargé et se demandant ce qui pourrait en découler pour l'avenir de celle qui le portait. Elle croyait que le choix du nom appelait, en soi, un ordre des évènements et quelque attitude particulière dans la conduite de la vie. Elle se représentait le nom comme une puissance qui s'emparait de l'âme et en tenait les rênes.
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Le désir d'expression l'a toujours emporté, dans mes entreprises d'écriture, sur mon application à vouloir comprendre. C'est pourquoi je n'ai jamais eu beaucoup de difficulté à repasser par les mêmes chemins. Je les avais oubliés, je ne les reconnaissais pas. L'aventure du texte n'avait pas eu le sens d'un progrès, d'un approfondissement du savoir sur moi-même. Au terme de la tâche, j'étais aussi démuni qu'en son commencement. Je pouvais repartir du même pas. (...) Tout avait été dit. Et tout restait à dire.
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Video de Claude Louis-Combet (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claude Louis-Combet
Otto Rank (1884-1939), la volonté créatrice : Une vie, une œuvre (1997 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 3 avril 1997. Par Bénédicte Niogret. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec Pierre Bitoun, Claude-Louis Combet, Alain de Mijolla, Aimé Agnel et Judith Dupont. Avec la voix d’Anaïs Nin. Textes dit par Jean-Luc Debattice. Otto Rank, né Otto Rosenfeld le 22 avril 1884 à Vienne et mort le 31 octobre 1939 à New York, est un psychologue et psychanalyste autrichien. D'abord membre du premier cercle freudien, secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et membre du « comité secret », l'évolution de ses recherches lui vaut d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale en 1930. Il est considéré comme un dissident du mouvement international. Otto Rank est originaire de Vienne, issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie juive. Fils de l’artisan d’art Simon Rosenfeld, il est contraint, dans un premier temps, de travailler lui-même comme artisan et de renoncer aux études supérieures. Il prend le nom de Rank à l'âge de dix-neuf ans, en référence au bon Dr Rank de la pièce d'Ibsen, "La Maison de poupée". Il lit à vingt ans "L'Interprétation des rêves" de Freud et écrit un essai que le psychanalyste Alfred Adler transmet à Freud. Il devient dès lors un psychanalyste du premier cercle et, en 1906, devient le premier secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et à ce titre, l'auteur des transcriptions des minutes de la société viennoise (conférences et d'échanges), de 1906 à 1918. En 1924, il publie "Le Traumatisme de la naissance", s'intéresse à ce qui se trouve avant le complexe d'Œdipe et propose une vision différente de celle de la psychanalyse d'orientation freudienne. Sigmund Freud l'analyse brièvement jusqu'à fin décembre 1924 puis le rejette ; Rank se trouve exclu des cercles psychanalytiques freudiens. En 1926, Rank s'installe à Paris, devenant l'analyste d'Henry Miller et d'Anaïs Nin, avec qui il a une courte liaison. Il voyage en Amérique, où il rencontre un certain succès. Il est invité notamment à la société de Rochester pour la Protection de l'enfance en danger où travaille alors Carl Rogers. Il est exclu de l'Association psychanalytique internationale le 10 mai 1930. En octobre 1939, il meurt à New York à l'âge de 55 ans, des suites d'une septicémie.
Sources : France Culture et Wikipédia
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