Don de l’ivresse
III
Extrait 1
Le chêne, qui conserve mieux un rayon
de soleil qu’un mois entier de printemps,
ne sent pas la spontanéité de son ombre,
la simplicité de sa croissance ; c’est à peine
s’il connaît le terrain sur lequel il a poussé.
Avec ce vent qui laisse sur ses branches
une absence de musique, il imagine
pour ses rêves un vaste plateau.
Et avec quelle rapidité il s’identifie
au paysage, à l’âme tout entière
de sa frondaison et de moi-même.
Il irait jusqu’au ciel si ce n’était
pour la sève qui le lie encore à l’arbre.
Ce jour viendra. Entre-temps, il écoute
le bruit des oiseaux dans leurs vols,
celui léger du bouvreuil, celui fortement ailé
de l’outarde, vigilant et clair.
…
//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet