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Citations de Claude de Frayssinet (76)


Je sais que l’unique chant…


Je sais que l’unique chant,
de tous les chants anciens le seul digne,
l’unique poésie,
est celle qui se tait et aime toujours ce monde,
cette solitude qui rend fou et vous dépouille.


//Antonio Gamoneda (1931 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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IL EXISTAIT TES MAINS

Un jour le monde devint silencieux ;

les arbres, là-haut, étaient profonds et majestueux,
et nous sentions sous notre peau

le mouvement de la terre.

Tes mains furent douces dans les miennes

et j’ai senti en même temps la gravité et la lumière,

et que tu vivais dans mon coeur.

Tout était vérité sous les arbres,

tout était vérité. Je comprenais

toutes choses comme on comprend

un fruit avec la bouche, une lumière avec les yeux.


Antonio GAMONEDA
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Versets de la genèse


Extrait 4

La nuit entre comme un cri
dans le silence des murs,
elle propage frayeurs et veilles,
elle vibre au profond des pierres,
laissant l’avalanche de son épaisseur
entre les corps qui s’aiment,
et sur le papier griffonné
la nuit entre aussi


//José Manuel Caballero Bonald (1926 -)
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Blues de l’escalier


Une femme monte l’escalier
avec un chaudron rempli de peines.
La femme monte l’escalier
avec le chaudron de ses peines.

J’ai croisé une femme dans l’escalier
qui a baissé les yeux en me voyant.
J’ai croisé la femme et son chaudron.

Je n’aurai plus de paix dans l’escalier.


//Antonio Gamoneda (1931 -)
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Quand je suis encore la vie
À Justo Jorge Padrón


La vie m’entoure, comme durant ces années
maintenant perdues, après la magnificence
d’un monde éternel. La rose estafilade
de la mer, les couleurs estompées
des jardins, le fracas des pigeons
dans l’air, la vie autour de moi,
quand je suis encore la vie.
Avec la magnificence d’autrefois, les yeux vieillis,
et un amour lassé.

Quelle espérance à présent ? Vivre ;
et aimer, tandis que le cœur s’épuise,
un monde fidèle, bien que périssable.
Aimer le rêve brisé de la vie
et, en dépit de l’échec, ne pas maudire
cette vieille duperie d’éternité.
Et notre cœur se console car il sait
que le monde aurait pu être une belle vérité.


//Francisco Brines (22/01/1932 -)
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Désolation de miroirs
Hommage à Luis Cernuda



Non ta voix n’est plus tristesse, mais ombre.
Un blond épi de pleurs
te berce comme une belle pénombre.
Ton front altier, aile légère et très fraîche
qui enflamme la nuit.
Sur tes lèvres
passent les fleuves, désirs qui sont nuages.
Tes yeux abattus, vertige de l’amour
et ton corps telle une mer de bonheur.
Seules
tes pupilles son tristes, mais tu chantes.
La mémoire te guette, sa ténèbre.
Tu vis et meurs et meurs en toutes choses. Tu ne rêves plus.
Désolation de miroirs.
Qui donc surveille ?
La lampe s’éteint.

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Qu’y pouvons-nous ?


Et maintenant
l’âme vide une fois
encore,
je contemple le lent partage des jours
qui me poussent vers je ne sais quel destin
sombre, pressenti
sans curiosité aucune. C’est ennuyeux
de savoir et de ne pas savoir, de se tromper
et d’avoir raison. Et d’être sûr de soi
est aussi insupportable dans bien des cas
que douter, céder, se décomposer.

Rassuré, sain et sauf, maintenant
que la douleur est passée,
j’observe l’inquiétude comme s’il s’agissait d’une trace
fondue sur mon dos
avec l’épais limon
des évènements quotidiens, voués
‒ avant que d’être des souvenirs – à l’oubli.

L’indifférence face à son propre sort
n’est pas meilleure compagne que l’angoisse,
et mon sourire
(quand le hasard nous met,
                  mon vieil amour,
                               face à face)
ne représente autre chose que l’absence
d’un geste plus juste
pour signifier la sèche, la douloureuse,
l’irréparable perte des larmes.


//Angel González (1925 – 2008)
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Il ne faut pas te leurrer
À Carlos Clementson



Tu sais que c’est inutile,
il ne faut pas te leurrer.
Aussi loin que tu ailles
jamais tu ne seras allé loin.
Tu pourras aller et venir
par les cieux et les mers :
Denver, Valparaiso,
les cabanes lépreuses
de Dharbang, l’automne
dans les érables de l’Ontario,
les nuits guaranis,
bleutées et musicales,
les filles des îles,
leurs chœurs ondulants,
leurs seins innocents,
leurs guirlandes souriantes
de bienvenue... Mais
tu sais que la fuite
ne sera jamais véritable,
partout où tu iras
tu retrouveras toujours
cette même tristesse.
Car là où tu seras allé
là tu te retrouveras

19 -XII- 87


//Miguel D’ors (1946 -)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Rien n’est pareil
  
  
  
  
La larme fut bonheur.

Oublions
les pleurs
et recommençons,
avec patience,
en observant les choses
jusqu’à trouver l’infime différence
qui les sépare
de leur entité d’hier
et qui définit
le passage du temps et son efficacité.

À quoi bon pleurer pour le fruit
qui a chu
pour l’échec
de ce profond désir,
compact avec une graine de semence ?

Il n’est pas bon de répéter ce qui est déjà dit.
Après avoir parlé,
avoir versé des larmes,
faites silence et souriez :

rien n’est pareil.

Il y aura des mots nouveaux pour la nouvelle histoire
et nous devons les trouver avant qu’il ne soit trop tard.


// Angel González (1925 – 2008)

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet,
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Dithyrambe du gaditan *
  
  
  
  
Tes yeux sont l’alcool de mon regard
Ta bouche est une barque dans la tempête
Tes oreilles le nid de mes baisers
Ton nez la mesure de mon allegro
Tes seins les coussins de mon angoisse
Ton ventre est la plage de mon visage
Ton sexe est mon jardin de douceur
Tes jambes les clefs de ma liberté
Tes pieds mon petit déjeuner et mon dîner
Tes mains sont deux lettres d’amour
Ton sourire est ma couronne royale
Ta crinière mon tapis volant
Ta voix est la flûte de mes rêves
Ton odeur est ma forêt ivre
Ton corps est ma doctrine de sagesse

                              Amiens, 19 Juin 1971

* Gaditan : Habitant de Cadix


// Carlos Edmundo de Ory (1923 -2010)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Automne dense



Le soir tamise son or entre les branches.
Un nouvel hiver ne tardera pas à venir.
Les feuilles humides du parc brûlent
et au couchant le ciel se disloque
en grappes de nuages pourpres.
Frémissement de lumière sous les auvents.
Les pigeons fécondent la silhouette
obscurcie de chaque promenade.
Les mamelles de l’automne sont pleines.
Des séraphins de lumière meurent
au-dessus de nos têtes étonnées
afin que se tisse, une fois encore, le rêve,
la douce mélodie d’une nouvelle nuit,
la nuit hallucinée des légendes.


//Antonio Colinas (1946 -)

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Lumières de printemps


Parfois le ciel plombé s’entrouvre et un rayon de soleil
descend sur cette terre humide et vaporeuse.
Un rayon de soleil descend sur le gracieux amandier,
une flèche d’or descend sur les eaux mortes,
une très pure lumière descend sur le gazon obscur.
Parfois le ciel s’entrouvre et la pluie cesse
de résonner sur les peupliers, les vieux toits.
Un air frais passe dans les rues vides.
Un oiseau craintif se lance à chanter.
Les rideaux cendrés du ciel se déchirent
et un rayon pur traverse l’atmosphère hivernale.
Alors sur la terre, sur les chemins profonds
du sang surgit une fièvre, une ardeur,
et tout joyeux nous pensons au nouveau printemps
qui viendra enlacer nos corps avec ses bras de lumière.


//Antonio Colinas (1946 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Si au moins je savais d’où ta tête…



Si au moins je savais d’où ta tête
prend son port de ramier amer,
si je savais quel ruban est plus long,
celui de ton désir ou celui de ta tristesse ;

si je voyais d’où ta beauté
tire sa ferme et silencieuse charge,
si l’on me disait qu’elle passion libère
sa nature du fond de tes yeux,

ô gardienne véloce, je te donnerais
une partie de moi-même pour rester
uni à ce qui m’est le plus cher.

Mais il est vrai que je ne sais pas
encore de quelle chose me dépouiller :
de cette douleur ou de ce froid.


// Antonio Gamoneda (1931 -)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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L’oiseau
  
  
  
  
La femme te tient dans le creux de sa main et te berce,
elle referme ses doigts sur toi et te soutient.
Elle te montre ave tant de précaution, avec tant de soin,
telle une âme à l’abri dans son trou, tel un signe perdu
de ce qui n’est plus et peut avant palpitait,
de ce petit bonheur que nous tâchons de retenir un instant,
un plaisir et une candeur qui nous échappent aussitôt.


// Esperanza López Parada (1962 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Gestes
extrait 2
  
  
  
  
  Nous autres, si gesticulateurs mais si peu gais,
race qui n’a rien su faire
si ce n’est tisser des drapeaux, race de défilés,
de fantaisies, de dynasties,
faisons d’autres marques.
Je n’ai plus besoin de lire dans chaque main, dans chaque
mouvement, comme jadis. Je ne peux plus freiner
la rotation immense de l’étreinte
pour mesurer son orbite
et parcourir sa courbe émouvante.
Non, il est passé le temps
de jeter un regard nostalgique
sur la traînée infinie des pas de l’homme.
Il nous faut beaucoup oublier,
et plus encore espérer. Silencieux
comme le vol du hibou, un geste clair,
celui du simple baptême,
dira, sur un air nouveau,
ma nouvelle signification, son nouvel
usage. Si possible, pour moi seul
je demande, quand mon heure sera venue,
l’heure de regretter tant de gestes chers,
d’avoir la force de les trouver
comme qui trouve le fossile
(ou la mâchoire avec son vibrant baiser)
d’une race éteinte.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Convoquée par les femmes…



Convoquée par les femmes, l’aube s’étend comme des
branches fraîches : belles sœurs fertiles, mères marquées
par la persécution. Il y a une frise d’orties dans le profil du
matin ; linceuls tordus à l’excès par des mains brûlées dans
la lessive et le désespoir.

Et le jour vint. C’était une rumeur sous les paupières, c’était
le bruit du jour naissant. Eau et cristal dans les oreilles enfan-
tines. Des gens translucides arrivent et leurs chansons humidifient
le bois du rêve, humidifient le bois des chambres fermées à l’espoir.

Je sens les prières, leur lenteur, comme de magnifiques serpents
qui passeraient sur mon cœur.

(C’était le rosaire de l’aurore en marge de la pureté prolétaire,
devant les jardins embrasés par les trains et les vents.)


// Antonio Gamoneda (1931 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Ville en moi
(Saint-Jacques)




Je n’ai pas choisi : j’ai ouvert les yeux
et la pluie était la pluie, nuit et pierre, et rien
que l’humide reflet d’une lanterne de gemme ;
je n’y peux rien si mes rêves ont été peuplés
de coups de cloche gris, de mousse, de parapluies
liturgiques, de ces nuages de pierre ;
et je n’y peux rien si cette mélancolie
a été ma patrie de naissance, l’habitude
de mes années sauvages ; et si maintenant
je porte au-dedans de moi cette pluie, pluie
et pluie qui rendait
- ... mardi, mercredi, jeudi... – pensives
les pierres de Saint-Jacques.

                                   28-XI-75


//Miguel D’ors (1946 -)
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Machine de douleur



Mon être est une machine de douleur
qui fonctionne depuis un long temps
j’ai un moteur moderne dans mes entrailles
que personne ne peut entendre ni voir

Je fais un bruit énorme en me réveillant
et tout le jour je rejette une horrible fumée
comme un train sans freins sur une voie
cachée dans un long tunnel sous la mer

Je purge ma peine d’être humain
et mon destin est une locomotive
qui n’épuise pas sa charge de charbon

La nuit venue je suis une baleine
dans un rêve grandiose et sous-marin
où mon cœur nage en toute félicité

                         Paris, 20 janvier 1962


// Carlos Edmundo de Ory (1923 – 2010)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Du renoncement


Si avec le temps meurt cette chimère
de chercher une lumière qui jamais ne sera nôtre,
si les rêves deviennent une ombre noire
sous un ciel cerné par l’orage,
si le lieu de l’amour est la menace
et sa nudité l’éclat d’une pièce de monnaie,
si le plaisir ne nous suffit pas, si l’habitude
c’est ce miroir brisé, sans beauté,
mettons la vie au rebut et que la vaine
mémoire du silence soit ton héritage
écrit dans une fin qui nous condamne


//José Gutiérrez (1955 -)
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Paysage varié de l’amour


Durant ma jeunesse
je fus différents paysages :
fontaine contre ton jeune bras,
arbre où l’oiseau niche,
parfum d’une fleur qui un jour t’enivra,
oiseau comme une flèche vers une poitrine très douce.

Poisson je fus dans tes eaux,
et maintenant que tu surgis dans ma mémoire,
je suis une étoile qui noue tes espaces.

//José Gutiérrez (1955 -)
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