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Citation de Partemps


C'est pourquoi toute pensée raisonnable fait un arrêt obligatoire, dans la conduite du raisonnement, du moment où l'on atteint la chose même. Aristote et Descartes appellent ce moment du même mot : l'évidence, le directement visible, sans le secours et la médiation du raisonnement. Il y a un moment où cesse le domaine des preuves, où l'on bute sur la chose elle-même, qui ne peut se garantir d'autre part que de par elle-même. C'est le moment où la discussion s'arrête et où s'interrompt la philosophie : adveniente re, cessat argumentum.
Il est toutefois un domaine où l'argument ne cesse pas, parce que la chose ne se montre jamais : et c'est justement mon domaine, le moi, ma singularité Il me manque, pour m'arrêter raisonnablement à moi-même, d'être visible. Sans doute puis-je, si j'en crois sur ce point Aristote, décider que je suis un homme, mais je ne peux, en revanche, réussir à penser que je suis un homme, justement celui-là que je suis. L'idée selon laquelle je suis moi n'est qu'une vague présomption, encore qu'insistante : une "impression forte", comme dit Hume. Et Montaigne : "Notre fait, ce ne sont que pièces rapportées". Et Shakespeare : "nous sommes fais de l'étoffe des songes" - de songes dont l'étoffe est elle-même de papier : vienne le papier à manquer, comme dans l'histoire de Courteline, et le songe se dissipe.
Une solution, dans ce cas désespéré consiste à s’accrocher au papier : puisque ma personne est douteuse, qu'au moins les documents qui en font foi soient d'une solidité à toute épreuve. C'est la solution inverse de celle de Vermeer, qui abandonne le moi au profit du monde : ici on abandonne le monde au profit du moi, et d'un moi de papier. Le double effacera le modèle.
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