Je m’étais montré assez discret sur mes préparatifs pour mon départ en France. J’avais plusieurs raisons pour agir de la sorte : primo, parce que rien n’est jamais acquis à l’avance. Le passé nous l’a déjà démontré à plusieurs reprises. Je suis assez pragmatique : je n’aime pas me bercer d’illusions si c’est pour en souffrir après. Mon projet n’avait commencé à prendre forme qu’environ deux petits mois avant mon départ. Secundo, je ne pouvais pas décemment paraître m’en réjouir, sachant que je me retrouverai loin de vous pour une période de sept ou huit mois. Tertio, n’étant pas devin, je ne pouvais pas imaginer que des évènements aussi graves allaient se passer en mon absence. En fait, je devais manquer à l’appel moins longtemps que pour la durée de mon service militaire, lequel était de neuf mois.
Après mon arrivée en France, l’accommodation à mes nouvelles conditions de vie a été rapide mais elle a aussi été très prenante. J’ai dû assimiler une foule de choses inconnues de moi jusqu’alors, certaines parfois très prosaïques, comme passer un coup de fil d’un pays à l’autre sans avoir affaire à un opérateur des télécoms. De plus, le courrier postal mettait une bonne semaine au moins pour parvenir de Rouen à Cluj. C’est à cause de tout cela que vous n’avez eu qu’assez tard des nouvelles de ma part ; ce qui a fait dire un peu vite à Maman ces mots, simples mais durs, qui devaient rester dans notre mémoire familiale : « Peut-être qu’il est mort ? »...