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Citation de Atarah


S’il est une scène où l’identification évidente de l’auteur avec le personnage parvient à nous montrer la tragédie entière comme une pure méditation – tribut secret ou secrète apologie –, c’est dans les lamentations de Richard déchu. On touche là le signe même de l’infortune qui ne saurait être saisi par la pure imagination ; cette infortune « qui n’a pas grand-chose en commun avec le malheur » et qui seule révèle à l’homme la monotonie de l’horreur, l’immobilité, dans l’horreur, de toutes les pertes humaines. Ainsi Richard sent, dans sa prison, sa propre personne se transformer en temps :

Comme la douce musique est aigre, quand le temps est brisé…
Maintenant le temps a fait de moi l’horloge qui le mesure
Et toutes mes pensées sont des minutes.

De même il imagine que ses larmes, en tombant, arrivent à elles seules à creuser sa tombe :

Nous ferons mauvais temps avec nos larmes méprisées…
En tombant de façon monotone au même endroit
Elles creuseront pour nous deux tombes dans la terre ;
Et quand nous serons déposés là : « Ci-gisent
Deux chevaliers qui creusèrent leur tombe avec leurs yeux. »

De même il sent couler de son visage le sang de vingt mille soldats :

« Courage, mon suzerain, pourquoi Votre Grâce est-elle si pâle ?
– Il y a un instant le sang de vingt mille hommes
Triomphait sur ma face, et ils se sont enfuis ;
Et tant que tout ce sang ne me reviendra pas,
N’ai-je pas lieu d’avoir l’air pâle comme un mort ? »

Non moins et peut-être mieux que les Sonnets eux-mêmes, la chute de Richard II témoigne de la noche oscura de Shakespeare – de ce passage forcé de l’existence humaine par la violence morale dont ne peut sortir, mort ou vif, que l’homme nouveau.
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