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Citation de Presence


Des barreaux pour entrer, ou pour que rien ne sorte… La grande fabrique de viande. À droite, des centaines de milliers de barquettes alléchantes s’entassent dans les camions frigo pour rejoindre de lumineux rayons. À gauche, des camions à bestiaux de trois étages déversent leur cargaison de porcs qui ont été engraissés au plus vite, avec bientraitance bien sûr. La putain de bientraitance dont on nous rebat les oreilles ; process d’apaisement, réduction des antibios, qualité de la nourriture ; élevage sur caillebotis, ou avec accès à des espaces paillés pour gagner son petit label en optimisant les mètres carrés de production. Qu’est-ce que tu veux parler de bientraitance quand la finalité est de te bouffer ? J’ai rien d’un végétarien, j’en mange ma part, mais qu’on vienne pas me bassiner avec un marketing de bonne conscience. Venez ici, faites une petite visite guidée du marché de la mort avant de parler du bien-être animal, ça laisse rarement indifférent. Avec la réfrigération, l’odeur devient épaisse, graisseuse. Elle s’infiltre dans tout. Le bruit continue de la chaîne de carcasses qui défilent devant vous ; des milliers de carcasses chaque jour. Ça vous hante les rétines, le frigo de Dante et Bosch. Je redoute toujours la promiscuité du vestiaire. Silencieux. Pas de blagues graveleuses, pas de posters à la con. Juste des yeux qui s’éteignent. Des morts qui sont vivants quand même. T’as mille fois raison, ma puce. Doublure molletonnée, combinaison, tablier, bouchons d’oreilles, charlotte, casque, masque, bottes, désinfection des bottes ; le process, encore le process. Alain, le chef d’équipe, m’indique mon poste du jour : le crachoir. C’est pas pire. À l’extérieur, les cochons avancent enclos par enclos ; stabulation et diète pour une phase de destress. Cherchez pas d’empathie là non plus, le stress, c’est surtout mauvais pour la qualité du rôti et vingt-quatre heures sans bouffer c’est aussi moins de merde à vider. J’vous ai pas promis du rêve. Puis les cochons sont poussés vers les tunnels d’électrocution. Le tapis roulant les entraine à chevaucher un pont sous leur ventre qui finit par les soulever pour qu’ils ne touchent plus le sol. En lévitation dans le canon d’un revolver. Alors leurs 110 kilos engraissés en six mois reçoivent une décharge de chaque côté de la tête et sur le cœur. Leur corps se raidit, le choc les anesthésie instantanément. Le crachoir les jette, tête en bas, sur un toboggan, comme des valises à l’aéroport ils dégringolent vers moi qui leur enfonce le trocart dans la carotide. Un aspirateur à sang pour les vider de leurs 5 à 7 litres en quelques secondes. Pas plus. Le crachoir jette un porc sur le toboggan environ toutes les 10 secondes, 16 heures par jour, 5 jours sur 7. 25.000 cochons tout roses par semaine. J’ai à côté de moi mon aiguillon électrique pour les bêtes qui bougent encore trop. C’est souvent. Je vous jure, c’est pas le pire poste. L’éviscération, je ne vous en parlerai pas.
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