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Citation de mariecesttout


La réussite singulière du roman de Littell tient à son art de nous faire côtoyer inconfortablement la pensée d'individus qui,par leur carrière, ont franchi le pas entre travail policier et pratique de l'euthanasie, voire pire. Le procédé est habile, car alors Aue essaie de se glisser dans l'esprit d'un homme ordinaire de la classe ouvrière comme Döll, Littell éclaire de façon très convaincante les pensées qui passent par la tête de son personnage.Et pourquoi pas ?Après tout, c'est un être cultivé, sensible,qui aime la musique, a beaucoup lu et qui, loin d'être monstrueusement indifférent aux crimes auxquels ils assistent et que lui même est appelé à commettre, passe beaucoup de temps à méditer sur les questions de culpabilité et de responsabilité, que tout individu doté d'une once de conscience devrait se poser.Littell tient à ce que Aue - du moins, au début, avant qu'il ne sombre dans un Gotterdämmerung relativement théâtral -refuse de se décharger de toute responsabilité, l'axe de défense qui devint le leitmotiv tristement célèbre des procès des criminels de guerre:
" Je ne plaide pas la Befehlnotstand, la contrainte par les ordres si prisée par nos bons avocats allemands. Ce que j'ai fait, je l'ai fait en pleine connaissance de cause, pensant qu'il y allait de mon devoir et qu'il était nécessaire que ce soit fait, aussi désagréable et malheureux que ce fût. La guerre totale, c'est cela aussi : le civil, ça n'existe plus, et entre l'enfant juif gazé ou fusillé et l'enfant allemand mort sous les bombes incendiaires, il n'y a qu'une différence de moyens;ces deux morts étaient également vaines ..."
« Mon devoir» et « il était nécessaire que ce soit fait» : ces deux expressions soulèvent bien évidemment la question de la moralité qui sous-tend l'idéologie nazie, l'attachement farouche de Aue à ces « absolus» étant censé trouver une explication dans les éléments mythico-sexuels du livre, paysage de l'aberration psycho-sexuelle: un cliché psychologisant que beaucoup de critiques ont balayé d'un revers de manche. Je pense pourtant que, dans la volonté de Littell de nous montrer une image de l'idéologie en action, il y a quelque chose du tour que peuvent prendre les événements lorsque des gens ordinaires, voire attentionnés, contribuent à appliquer des idéologies qui peuvent paraître effroyables à d'autres - que ce soit la Destinée manifeste, l'Irak ou la Cisjordanie.
C'est pour cela que Littell s'emploie à nous rappeler que Aue est lui-même dégoûté par les sadiques sans scrupule qu'il rencontre, opposant avec raison que « les hommes ordinaires dont est constitué l'État - surtout en des temps instables -, voilà le vrai danger. Le vrai danger pour l'homme, c'est moi, c'est vous. »
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