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Citation de gouelan


Un des pièges de ce genre d'exposition, c'est qu'on passe de la valeur d'exposition de l'oeuvre à la valeur de culte de l'exposition. Je fais ici référence au fameux texte de Walter Benjamin sur l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductivité mécanique. Il explique le passage dans la peinture européenne d'une valeur de culte de l'oeuvre, où elle n'est pas visible mais où on lui rend un culte, à une valeur d'exposition, où elle est visible mais n'a plus de culte, car elle se rapproche à travers la reproduction indéfinie et mécanique. Ce texte est magnifique mais a maintenant soixante-dix ans, et de même que Duccio ne pouvait pas prévoir que sa 'Maestà' serait un jour dans un musée, Benjamin ne pouvait prévoir ce que sont aujourd'hui les expositions de masse. À présent, on ne passe pas d'une valeur de culte avec invisibilité de l'oeuvre à la valeur d'exposition, on passe d'une valeur d'exposition à une valeur d'invisibilité qui est le culte de l'exposition elle-même, et dans le fond, de la culture. On ne va plus rendre hommage à la peinture, qu'on ne voit plus - c'est devenue une image mise dans une boîte en verre aseptisée pour protéger le sacro-saint objet qu'il ne faut pas toucher parce qu'on pourrait lui inoculer des bacilles quelconques -, mais plutôt à la mise en scène de la culture.
il en va de même pour les chapelles en Italie. Il y a une quinzaine d'années encore, on pouvait y passer des heures pour les regarder tranquillement, désormais elles ont été restaurées, donc on les voit mieux, donc on ne les voit plus parce qu'on n'a plus qu'un quart d'heure pour ce faire, au-delà duquel on doit circuler, sinon, avec la chaleur, on augmente l'hygrométrie de la chapelle et on abîme l'oeuvre. Je me demande comment les futurs historiens de l'art pourront aller voir ces chapelles restaurées où on leur dira, "circulez", non pas "y a rien à voir", mais "vous avez assez vu".

p.265
On y voit de moins en moins
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